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Siriusmo, un humble peintre

Moritz Friedrich est un homme discret. Ce modeste peintre dans le bâtiment a produit quelques disques sous le nom de Siriusmo dans les écuries de messieurs Boys Noize et Modeselektor. De quoi se la jouer dans son quartier Prenzlauer Berg de Berlin ? Non, Siriusmo est ailleurs, au fond de sa cave et au milieu de ses synthés. Deux ans après l’album « Mozaik » il revient avec « Enthusiast » et se confie timidement à nous sur l’embourgeoisement de Berlin, son malaise de la scène et ses modèles.

Moritz Friedrich n’a pas donné beaucoup d’interviews depuis qu’il sort des disques. En 2011, ses fans découvrent même qu’il a l’usage de la parole après la sortie de son premier album. Les projecteurs ne l’ont jamais attiré, de toute façon il n’a pas le temps. « En réalité, je fais de la musique tout le temps. Quand j’en ai envie. Je n’ai pas d’heures définies car j’ai la chance de pouvoir travailler chez moi, raconte-t-il. J’ai toujours des morceaux pas terminés qui traînent. Je compose toujours tout seul, des fois je picole et je suis bien dans ma cave. Elle est sale et c’est le bordel mais ça ne me dérange pas. Là où j’habite, c’est pas très cher. C’est cool d’avoir cet endroit en plein Prenzlauer Berg (district de Berlin très courtisé par les artistes – ndlr). Les prix ont beaucoup augmenté ces temps-ci et ça serait difficile pour moi de me reloger ici, si on me virait. Depuis deux ans, il détruisent pas mal de vieilles bâtisses pour construire des immeubles plus cher. C’est pas comme un embourgeoisement mais… si, en fait, c’en est un ».

Moritz n’est pas DJ, il le rappelle sans cesse. « Mon travail, c’est artiste-peintre dans le bâtiment, j’illustre des constructions en faisant du wall painting mais je ne fais jamais d’expos. Des fois, je fais des visuels pour des amis comme pour les albums de Moderat (le premier et le second) ».

Illustration réalisée en direct du reportage d’Electronic Beats 

Siriusmo n’est pas à l’affut des dernières sorties et n’est pas un fan invétéré de musique électronique – en tout cas, pas plus qu’une autre. « La musique est mon principal hobby mais j’aime toutes les musiques. J’ai commencé à écouter avec Jean-Jacques Perrey dans Perrey and Kingsley et puis Led Zeppelin, Black Sabbath et Stevie Wonder». Sa musique, à l’inverse de la techno, la deep et la minimale allemande, est assez peu répétitive. Ses morceaux sont courts et il passe du funk, à l’électro, au hip-hop, « ce n’est pas que je n’aime pas ça, mais je ne suis pas très bon pour faire des morceaux de 8 min. »

Son manque d’aisance sur scène est pour lui une évidence. « Je ne suis pas fait pour la scène, je suis déjà tellement stressé pour ce soir (ndlr – le 24 mai dernier à La Machine du Moulin Rouge). Je fais quelques dates en Europe dont certaines tout seul mais je ne sais pas si je referai une tournée comme il y a deux ans pour Mozaik. J’ai eu des bons moments, c’est bien payé et ça m’a fait aller en Corée du Sud ou en Amérique mais mes prestations sont souvent décevantes et j’ai un mauvais ressenti de ce que je fais. Quand je suis à certaines soirées et que je vois comment certains DJs arrivent à faire danser une foule, je me dis qu’il faut avoir ça dans le sang ». Pour ce qui est des performances live, « ça me prendrait beaucoup trop de temps d’apprendre. Je me mets tellement dans un morceau quand je le crée que ça me ferait mal de devoir retravailler dessus, l’étirer ou le transformer en concert ».

L’une de ses citations les plus connues est « On each record there is one song that I still like, the rest – unfortunately – is shit », alors quand on lui demande de quel son il est véritablement fier, il n’hésite pas. « Itchy est celui qui sort du lot sur mon album » assure-t-il, je l’ai fait en une fois et même aujourd’hui quand je le réécoute, je l’aime toujours. Ce n’est pas le cas de toutes. Je ne veux pas en faire un hit, mais j’aime son énergie et son groove. Et puis, de toute façon sur l’album, rien n’est prévu, parfois ça marche, parfois non ». Pragmatisme, quand tu nous tiens.

Sur sa rencontre avec le duo le plus fou de Berlin, Moritz confie que « Gernot et Sebastian (Modeselektor) ont grandi dans le même quartier que moi. On était pas particulièrement proches mais on se croisait souvent et ils savaient que j’avais un groupe (Sirius). Tout le monde connaissait les soirées Modeselektor. Dans les années 90, alors que des DJs arrivaient sur scène en faisant des manières, eux ils foutaient le bordel autant que le public. Ils ont toujours été vrais. Le fan movie We Are Modeselektor a le mérite de le montrer. »

Avec ce parler très terre à terre, on a voulu connaître ses modèles – on évite soigneusement le mot « idole » trop connoté. Sur ce sujet, il a l’air ravi d’honorer ses maîtres à penser. « Mon père, évidemment, c’est le meilleur peintre de tous les temps, il fait des choses tellement folles, et puis c’est un ami et un excellent père. Ensuite, il y a FIL (Philippe Tägert), comédien, écrivain et dessinateur berlinois. Il écrit super bien et son humour est très fin. Pour finir, il y a Helge Schneider qui est déjà plus connu en Allemagne. C’est un homme taillé pour le show et la mise en scène et, en plus, un excellent pianiste de jazz. Ses textes sont incroyables. »

Donc, Siriusmo parle, c’est un fait et, qui plus est, très sensé malgré cette gêne qui l’habite même au moment de se dire au revoir. Sa musique et ses illustrations montrent la facette de l’art dans sa simplicité la plus crue. C’est comme ça et ça aurait pu être autrement, semble-t-il dire, pas besoin d’en faire tout un plat, tant que je suis dans ma cave avec mon synthé, tout va bien.

Le clip Signal est tiré de son ancien album « Mozaik ».

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