Dans un pays centralisé comme la France, Paris constitue un passage obligé pour tout musicien en tournée. La capitale concentre la très grosse majorité des labels, des tourneurs et des structures musicales. C’est aussi ici qu’on trouve les salles les plus prestigieuses accueillant les plus gros groupes français et étrangers. Mais à côté de Bercy, du Zénith et de l’Olympia, difficile de se faire une idée sur l’offre disponible pour les plus de 2 millions de Parisiens et les 11 millions de Franciliens.
Nous avons tenté d’y voir plus clair en étudiant la cinquantaine de salles intra-muros, proposant une offre régulière en matière de musiques actuelles. Le choix reste forcément subjectif et potentiellement incomplet. Il permet toutefois de dégager certaines tendances et informations, à commencer par la topographie de l’offre parisienne : sur les 44 salles de notre études, une seule se trouve rive gauche. Et encore, il s’agit du Petit Bain, qui est amarré sur la rive de la Seine ! Les salles sont également regroupées dans les quartiers les plus populaires de la capitale : aucun des 5 arrondissements les plus chers de Paris n’abrite une des salles de l’étude. La très grande majorité des lieux se retrouvent dans les 10e, 11e, 18e et 19e arrondissements, avec la fameuse concentration sur le boulevard de la Chapelle (Barbes Rochechouart / Clichy). Cet axe qui suit la ligne 2 du métro accueille près 20% des salles de notre étude.
Cliquez sur chaque étoile pour avoir les infos détaillées d’une salle (capacité, prix, présence sur les réseaux sociaux). La couleur des arrondissements correspond au prix du m² pour la vente immobilière.
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Impossible de faire un panorama des salles parisiennes sans évoquer le prix des concerts dans ces lieux. Sur l’ensemble des salles de notre étude, nous avons calculé le prix médian des 10 à 20 prochains concerts de chaque lieu. Le résultat : un prix médian parisien de 19 euros, la salle la plus chère étant sans surprise Bercy avec un prix médian de 54,85 euros. Derrière, on remarque une corrélation évidente entre la jauge de la salle et le prix médian observé, même si, à capacité égale, des différences notables peuvent être soulignées : à jauge quasi-équivalente, le New Morning et les Bouffes du Nord proposent un prix médian de 26 euros alors que le Café de la Danse est à 19,9 euros et la Flèche d’Or à 13,80 euros.
A Paris, 80% des salles sont privées. Très peu, voire quasi aucune, ne sont subventionnées. Emilie Davaine, Zouave Production
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Étudier le prix des concerts dans les salles parisiennes reste forcément un exercice difficile tant la situation dans la capitale est particulière. Comme nous l’explique Emilie Davaine, tourneuse chez Zouave, la physionomie des salles parisiennes ne ressemble ni à celle de province ni à celle des autres capitales européennes : « A Paris, 80% des salles sont privées. Très peu, voire quasi aucune, ne sont subventionnées. Elles ne peuvent donc pas acheter les concerts comme d’autres salles. D’autant que parfois, le bar est une autre concession qui n’appartient pas à la salle.» Conséquence de cette particularité : le montage des concerts sur Paris passe énormément par la location du lieu (c’est le producteur de l’artiste qui loue la salle puis prend en charge le cachet des musiciens. C’est lui qui récupère les recettes de la billetterie).
Il y a quelques semaines, Salomon Hazot, le boss de Nous Prod, avait fait sensation en dénonçant dans le Parisien la surenchère du prix des places. Selon lui, les salles parisiennes sont les plus chères d’Europe : « L’Olympia se loue 19 500 € hors taxes, quel que soit le spectacle, le Zenith de Paris, de 6000 places, est plus cher qu’une salle de 10000 places à Londres. Et Bercy, 15000 places, est plus cher qu’une salle de 20000 places en Angleterre ou en Allemagne». Pour Emilie Davaine, il n’y a pas de secret : « Pour que le prix des places baissent, il faudrait que les prix de location des salles baissent. Mais pour ça, il faudrait que les loyers parisiens baissent aussi, dans la mesure où il s’agit de salles privées non-subventionnées !»
L’autre partie de notre étude concerne la vie des salles parisiennes sur les réseaux sociaux, enjeu de plus en plus essentiel pour ces lieux de diffusion. Les 44 salles de l’étude totalisent ainsi 714 000 fans sur leurs pages Facebook. Cela correspond quasiment à un fan par place, la jauge maximale et cumulée de ces salles atteignant 647 746 personnes. Mais on remarque d’énormes disparités entre les salles : l’Olympia compte moins de 8 000 fans Facebook, dix fois moins que le Social Club ! Sur Twitter, c’est le Zénith qui est totalement largué avec seulement 715 followers, quarante fois moins que la Gaîté Lyrique.
Les différences sont d’autant plus marquées lorsqu’on rapporte ces présences à la taille de certaines salles. Nous avons ainsi additionné les fans Facebook et les followers Twitter de chaque salle pour obtenir le chiffre de leur présence sur les réseaux sociaux. Ce chiffre a ensuite été divisé par la capacité maximale de chaque salle, donnant ainsi un ratio entre la taille de la salle et sa présence sur les réseaux. Le Social Club occupe très largement la première place : il faudrait 267 soirées dans la salle pour que tous les fans/followers puisse entrer au Social Club ! Bercy n’aurait besoin que de trois soirées pour accueillir tous ses fans/followers, le Zenith seulement quatre soirées.
On remarque que si Facebook est devenu quasi-incontournable pour toutes les salles parisiennes, Twitter est utilisé de façon beaucoup plus inégale. Il y a ainsi trois fois moins de followers Twitter (212 000) que de fans Facebook (713 000) pour l’ensemble des salles de l’étude. Un ratio finalement très proche de la moyenne nationale (23 millions de compte Facebook pour 7 millions de compte Twitter).
Pour les artistes et les tourneurs, la présence des salles parisiennes sur les réseaux devient de plus en plus stratégique. Car en dehors des grosses machines type Bercy/Zénith, les salles parisiennes, mêmes si elles passent principalement par de la location du lieu, restent garantes auprès du public d’une ligne artistique et d’une esthétique qui leurs sont propres. Comme l’explique Emilie Davaine : « Le public lambda ne sait pas forcément que Le Café de la Danse ou la Maroquinerie ne produisent pas toutes les dates de la saison et pourtant ce sont des salles identifiées par le public pour leur programmation pointue et intéressante. C’est aussi pour cela qu’on ne peut pas produire n’importe quel artiste dans n’importe quelle salle. Il est important qu’elles gardent leur identité propre. Et il est de plus en plus important que les salles communiquent sur leur programmation même si elles ne produisent pas toutes les dates. »
C’est quoi cette étude bidon, il n’y a ni la Manufacture Chanson (+ de 100 dates par an) ni les trois baudets !… Il faut aussi que la sourde oreille mette des lunettes !