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Ritmo Fatale, le nouveau son de Toulouse

Mené par Kendal et son complice de longue date Paul Guglielmi, le label toulousain Ritmo Fatale fait une entrée théâtrale sur la scène électronique française. Après une première compilation remarquée et des edits sensationnels de Kendal et Pablo Bozzi, Ritmo Fatale agrandit sa famille avec une nouvelle compilation de bangers réunissant sept artistes européens autour d’un revival des sonorités 80 s et 90 s, italo disco, electro, EBM, synthwave, etc. Rencontre avec ses fondateurs, à l’heure où le label sort une seconde compilation digitale.

Ritmo Fatale, c’est d’abord l’histoire d’une bromance entre Kendal Mulla (à gauche sur la photo en une) et Paul Guglielmi (à droite). Le premier est DJ et producteur, passionné d’italo disco depuis ses premières heures. 2019 a vu sa carrière solo décoller avec deux EP, l’un sur le label Moustache Records de David Vunk, l’autre sur Dischi Autunno de Jennifer Cardini. Le second, Paul, est « dans le milieu » depuis une dizaine d’années, entre productions de soirées ou participation au label du collectif Boussole, autre acteur toulousain d’importance. C’est grâce à Paul que Kendal signe ses premiers morceaux chez Boussole. De leur rencontre à aujourd’hui, les deux complices se suivent, travaillant de concert sur chaque nouveau projet.

Ritmo Fatale, c’est ensuite le fruit d’une émulation artistique collective autour de l’élaboration d’un son, d’une esthétique basée sur la reprise, la modernisation et l’hybridation des sonorités héritées des années 80 et 90. « Il y a une nouvelle génération de mélomanes qui ont eu l’occasion de découvrir tous les artistes, tous les genres, et qui maintenant ne veulent plus écouter le même son toute la soirée ni mixer le même style. Donc il y a de plus en plus d’hybridation dans les sets, une identité de plus en plus fluide. Et c’est ce qui nous intéresse », s’enthousiasme Kendal.

Kendal, Pablo Bozzi (qui forment à eux deux le groupe Infravision), ou encore Arabian Panther, réunis dans un collectif d’amis, le Toulouse Gouffre Club (à qui on doit l’excellent Coffin Dance Remix VA), participent de ce mouvement. Après son EP sur Moustache Records, Kendal entre en contact avec d’autres artistes français et européens qui gravitent dans ces sonorités, comme David Carretta, Señor Chugger ou encore Zanias. Vient alors l’envie de fédérer cette communauté autour de soirées, d’une résidence mensuelle sur Rinse France, puis d’un label. Il s’appellera Ritmo Fatale, nom emprunté à un morceau de Kendal, qui parle de lui-même.

L’ancien et le nouveau

« Pour qu’un rythme soit fatal, il faut qu’il ait quelque chose d’entêtant, auquel on accroche tout de suite, peu importe le style ou l’intensité. Ce qui compte, c’est de donner l’envie irrépressible de danser ou d’écouter en boucle », détaille Kendal. Si Ritmo Fatale est marqué par l’influence de l’italo disco, celle-ci s’inscrit dans un retour plus large aux sonorités des années 80 et 90. « Notre patte sonore se situe entre italo, new beat, EBM, trance. On emprunte des éléments à ces styles old school en les mélangeant et en les modernisant », poursuit Kendal.

Un des représentants de ce travail d’hybridation est Pablo Bozzi. Toulousain d’origine installé à Berlin, impliqué dans la scène EBM avec son groupe Imperial Black Unit, il se tourne peu à peu vers l’italo disco. D’où une blague entre amis, l’Italo Bozzi Music, devenue Italo Body Music pour désigner le mariage heureux entre ces deux esthétiques électroniques des années 80. « On se reconnaît dans ce terme, et on participe à ce mouvement. C’est une émulation positive et globale pour travailler à développer un son », affirme Kendal.

De Dario Argento à Blade Runner

L’identité sonore de Ritmo Fatale s’appuie aussi sur des références culturelles plus larges, notamment cinématographiques. « Pour moi la musique a toujours été liée à l’image, aux pochettes d’album, au cinéma, raconte Kendal. Dans mes deux premiers EP, le cinéma est très présent. Le giallo, les films de Dario Argento, Blade Runner. Quand je dois décrire ma musique, je le fais à travers des images, des visuels. Et c’est ce qu’on fait dans la description des Various Artists de Ritmo Fatale. On veut vraiment que l’écoute s’accompagne d’une émotion visuelle. Avoir un label permet de convoquer ces références qu’on aime bien mettre un peu partout quand on démarre dans la musique. Parce que c’est la somme de toutes ces références qui te distingue et t’identifie culturellement ».

Et ce n’est certainement pas une coïncidence si des musiciens engagés dans un même mouvement de revisite des sonorités fondatrices de l’ère électronique ont en commun d’autres références artistiques. Avec des compositeurs comme Vangelis ou Moroder, les années 80 célèbrent l’union définitive de la musique à l’audiovisuel dans la constitution du paysage sonore. En découle un imaginaire commun où les arts s’entremêlent, se touchent, se contaminent. « Souvent ces références cinématographiques, on les partage avec les artistes qui signent sur le label. S’ils ont tel type de sonorités, c’est parce qu’eux aussi ont été influencés par Carpenter, David Lynch, Cronenberg, Paul Verhoeven ou les BO de Moroder », témoigne Kendal.

Ritmo prestissimo

Ainsi, Ritmo Fatale, à partir de son noyau toulousain, a su en peu de temps fédérer une communauté de musiciens autour de cette identité forte. Lancé par une soirée en février 2020, le label sort une première compilation en juillet, Velvet Dream. « On a eu la chance d’avoir David Carretta, c’est un peu le parrain du label. Et puis on avait des découvertes européennes comme Señor Chugger, ou Lennart, en plus de nos amis toulousains Pablo Bozzi et Arabian Panther », raconte Paul Guglielmi.

La deuxième compilation, Mirror Fantasy, parue le 4 décembre, réunit sept artistes européens. On y retrouve une fois de plus Pablo Bozzi, l’Allemand Micropacer, le Barcelonais Agle, les Hollandais Machinegewehr et Mouissie, le Grenoblois Endrik Shroeder, et Djedjotronic. « On est ravis d’avoir Djedjotronic. Comme pour Carretta, ses morceaux sont ceux sur lesquels on dansait il y a dix ans pour nos premiers pas en clubs », confie Paul.

« Ce qui est génial dans l’italo, c’est quand on trouve le juste équilibre entre le côté mélancolique, le côté cheesy, les mélodies… c’est ce qui est le plus dur dans cette musique, trouver le juste milieu qui fasse adhérer tout de suite. À 23 ans, pour son deuxième morceau seulement, Mouissie met déjà dans le mille ».

Et Ritmo Fatale ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Leur calendrier de sorties pour 2021 est déjà bien rempli. « Pour la prochaine, on sort d’Europe pour découvrir un artiste brésilien de Sao Paulo, Neurotiker. C’est le premier EP qu’on signe parce qu’il nous a envoyé 7-8 démos incroyables, qui formaient un ensemble solide et dans la continuité des VA. Là où son EP est incroyable, c’est qu’entre les tracks il varie de l’italo à l’EBM, la synthwave, l’IDM electro, annonce Kendal. Après ça, on part sur un projet d’album de Mimmo et Hirschman, dans un délire slow trance, industriel, EBM, sexe, cuir. Puis dans un tout autre registre, Cate Hortl, la moitié des Oktober Lieber.

Ritmo Fatale va donc bon train. Un succès que les Toulousains attribuent volontiers à l’aide qu’ils reçoivent de la part de la nouvelle structure de diffusion Underscope. « On avait déjà la volonté de pousser le projet, mais on n’était pas épaulés, comme beaucoup de labels indés. Ils sont arrivés au bon moment pour nous et pas mal de monde, je pense, avec leur idée de promouvoir, structurer et fédérer les labels. C’est une grosse mise en avant qu’ils nous offrent. Grâce à eux, on peut se projeter sur le long terme et se concentrer sur nos sorties », se réjouit Paul.

“Ô Toulouse”

La trajectoire fulgurante de Ritmo Fatale ne fait que confirmer le très fort potentiel de la scène électronique toulousaine, vivier de talents s’étant progressivement structuré dans une myriade de labels tous plus pointus les uns que les autres. Boussole, Pétrole, Egregore, Label Sphère, Folkore, plus anciennement Karnage Records, plus récemment Synthetic Line Records, Kmyle Records, etc.

« Jusqu’à il y a très peu de temps, la scène de Toulouse n’était pas reconnue à sa juste valeur, raconte Kendal. Parce qu’on n’a pas de clubs internationaux ou de gros bookers basés ici. Alors qu’il y avait plein de collectifs d’artistes créés autour de sons particuliers. À force d’aller aux soirées des uns et des autres, tout le monde s’est nourri de chacun. Il y a une effervescence collective. C’est pour ça qu’on est très fiers de notre ville et qu’on veut la mettre en avant, pas par chauvinisme, mais parce que sans cette ville on ne serait pas les mêmes personnes ni les mêmes artistes (…) On a fait du lobbying pour faire comprendre qu’il n’y avait pas que Bordeaux, Lyon et Paris quand on parlait de musique électronique en France. D’où le hashtag #Toulouseonthemap, qu’on a lancé il y a un an. On est ravis de voir que ça porte ses fruits aujourd’hui ».

Les deux complices recommandent trois clubs toulousains immanquables : le Connexion Live, le Bikini et le Cri de la mouette. « C’est grâce à eux que Toulouse peut avoir autant de collectifs, précise Paul. Côté bar, citons également l’Échanson et le Marché Noir où l’on aime enchaîner les doubles mauresques et les picons, et le Dada, qui héberge au fond de sa cour le disquaire de nos potes Folklore : Casemate Record Shop ». Une autre adresse incontournable pour les amateurs de musique est le disquaire Innerdisc.

Et en janvier dernier, Kendal tentait le pari de représenter la diversité de la scène toulousaine dans un mix pour Trax Magazine, The [No] Future Sound Of Toulouse.

Crédits photo en une : Tabatha Dylan Lou

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