Après s’être chacun construit une bonne petite réputation dans leurs projets solos, Mad Rey, Neue Grafik et LB aka Labat se sont lancés dans une nouvelle aventure sous le nom de Raheem Experience. D’abord passés par de nombreux lives, ils se dirigent désormais vers un album. On les a rencontrés pour en savoir un peu plus sur leur groupe, leurs ambitions et leur disque à venir.
Labat, j’ai lu que dans tes productions tu cherchais « à créer des choses que tu n’entendais pas ailleurs ». Est-ce cette ambition-là qui vous a réunis tous les trois ?
Labat : C’est personnel, mais l’esprit du crew avec Raheem, c’est de délivrer autre chose, un truc avec un esprit hip-hop, plus éclectique, sans se prendre la tête. On sait comment faire crier les gens, tu mets un kick et un gros clap… Nous on essaie d’apporter autre chose.
Mad Rey : On a tous des influences différentes, on mélange tout et c’est ce qui donne cette vibe.
Neue Grafik : Je vais te dire la vérité quand même. À la base c’était une commande d’un promoteur, sans ça, on ne l’aurait peut-être pas fait tel quel, mais y’a eu une proposition et on s’est dit « pourquoi pas ». Sauf que ce « pourquoi pas » est devenu un vrai coup de foudre musical. Si un jour vous regardez Do the Right Thing de Spike Lee, vous comprendrez pourquoi on se kiffe entre nous.
Mad Rey : C’est aussi un hommage à plein d’artistes qu’on aime. On aime la musique pour tout ce qu’elle est, tout ce qu’elle contient. Et le fait de se référer à ce film-là et à une histoire ça nous permet de délivrer un message, une vibe, au-delà de la musique.
Justement cette vibe hip-hop que vous insufflez est venue tout de suite dans le projet ?
Neue Grafik : On s’est pas dit « oh les gars on va mettre une vibe hip-hop »… C’est juste que ça nous surprend, ça nous fait kiffer, donc on y va.
Mad Rey : C’est comme si on était le groupe de rap de la house, ou le groupe de rap des clubs, de la nuit. C’est plus ça l’idée, sauf qu’on rappe que vers la fin du set, c’est la surprise.
Et personnellement, qu’est-ce que ça a changé pour vous de bosser à trois ?
Mad Rey : C’est très épanouissant, les références dans lesquelles on puise sont tellement riches.
Labat : Moi je suis pas musicien, je bosse que sur des machines. Là on a un pianiste, un batteur / bassiste, donc bosser avec ces gars-là, ça élève le niveau.
Neue Grafik : C’est parti de cette commande mais c’est très vite devenu humain, et ce que je kiffe c’est d’essayer de garder cette humanité dans notre musique.
Vous avez commencé tout de suite par faire du live, mais aviez-vous aussi en tête de produire ?
Labat : C’était un peu les deux oui, mais là on arrive à un stade où on a vraiment envie de produire.
Mad Rey : On a des sons en commun qu’on a bossés ensemble. Toute la matière est commune maintenant, ce n’est plus individuel.
Neue Grafik : On commence vraiment à travailler sur un disque. On a fait beaucoup de live, beaucoup de grosses dates, maintenant on se dit qu’il faut qu’on se pose et qu’on enregistre ça. Si on veut que ça soit un projet consistant, il faut qu’on passe par l’album. C’est super important parce que c’est comme ça qu’on a découvert la musique, c’est comme ça qu’on a pu se créer nos références. Donc, pour revenir à ta question, on a pas vraiment choisi entre live et production, les deux nous parlent. C’est vrai qu’au début on se dirigeait naturellement vers le live, mais on est des producteurs, on est des gars de studio, c’est les records qui nous mettent des frissons, donc on y arrive maintenant.
Comment vous apprêtez-vous à construire votre disque ? À partir de vos lives ?
Mad Rey : On est dans une démarche liée au sampling, on est des beatmakers. Chacun a ses disques, et à partir des samples on se comprend très vite, et on peut structurer assez rapidement les choses. On est pas vraiment partis sur des jams parce que c’est assez compliqué de jammer avec des samplers… C’est aussi ça qui fait la difficulté de ce qu’on fait. Dès le départ on doit structurer nos morceaux et ensuite on improvise à l’intérieur.
Neue Grafik : Pour le live on se répartit les trucs, y’en a un qui fait les drums, pendant ce temps un autre fait une basse, et le dernier balance le sample principal et puis ça tourne comme ça. À force de répéter tout ça, à un moment, on commence à obtenir des trucs catchy. On sait qu’au bout de tant de mesures y’en a un qui va faire quelque chose, et puis parfois on se surprend nous-mêmes. Mais ensuite quand on est arrivés en studio, on a tous eu envie de jouer, d’avoir des musiques plus live. On a appelé d’autres musiciens comme Monomite qui pour nous est le quatrième Raheem. On a aussi appelé une amie de Quentin [Mad Rey] pour chanter. On voulait appeler un trompettiste mais on a appelé un guitariste sans faire exprès… Il est venu, il a joué et ça défonçait.
Mad Rey : On s’est plutôt fait connaitre pour nos lives orientés vers le club, mais là, le fait d’être tous les trois en studio ça nous permet de défendre plus particulièrement le hip-hop. C’est ça qui m’intéresse. Ça nous permet de faire le lien avec nos références, ce qu’on ne fait pas forcément en solo.
Neue Grafik : On prend la musique de club pour élever la musique. On sait que les gens attendent ça, donc on leur présente une musique club pour ensuite les amener à écouter d’autres choses intéressantes. On veut aussi les faire kiffer sur des choses auxquelles ils ne s’attendent pas. D’habitude on finit notre live avec du footwork, c’est quelque chose que maîtrise bien Quentin, et c’est une musique qui m’a foutu une baffe monumentale il y a trois ans avec des mecs comme Traxman ou Rashad. Je suis aussi un énorme fanatique de jazz, donc j’essaie de le ramener dans le groupe. Et Labat, c’est un gros digger de funk. Au final toutes ces musiques se rassemblent et c’est ce que j’ai envie d’entendre sur notre disque.
Mad Rey : On essaie de ramener les gens aux sources de toutes ces musiques qui ont été souillées au fil des années.
Le hip-hop et la house, c’est la même famille ?
Neue Grafik : Quand on y pense, la house et le hip hop ne sont pas si éloignés. Les machines sont les mêmes, les gars viennent (à peu de choses près) du même endroit. Je vais pas te citer des tonnes de références mais par exemple Andrés faisait déjà la transition entre hip-hop et house dans les années 1990. Il était le DJ de J Dilla et de Slum Village et il est connu pour être signé chez Mahogani, le label de Moodymann. Son style est tellement entre les deux qu’on appelle ça « hip house » quand on essaie de trouver un nom. Donc même si j’adore ce qu’on fait et qu’on a pas inventé l’eau tiède, y’a d’autres gars qui ont pensé ces jonctions avant nous. Dans notre cas, ce mélange vient tout simplement de la rencontre entre nos influences personnelles. Raheem c’est juste le centre du triangle qu’on forme tous les trois.
Crédits photo en une : Ray Flex
0 commentaire