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R-Wan : « Chanter te permet de rester plus longtemps adolescent »

Pour la sortie de "Peau Rouge", R-Wan évoque la sinistrose, la gauche, Paris et nos futurs déambulateurs.

Sous le poêle (poil ?) d’un café du 11e arrondissement parisien, R-Wan évoque son 3e album solo. Mais pas que… Le gouailleur exilé de Java parle de la vie de tous les jours. Rencontre.

Ayant débuté dans ce registre, écoutes-tu encore du reggae ?

Ca fait longtemps que j’en ai pas écouté. Le dernier, c’est Clinton Fearon, l’ancien chanteur des Gladiators. Du vrai reggae-roots. Sinon, je n’écoute plus car pour avoir été en Jamaïque il y a quelques années grâce à mon ancien label, je suis un peu déçu par le courant extrêmiste, le bobo shanty. Ca n’enlève pas que certaines choses de Sizzla sont mortelles. Mais ils ont perdu l’idée de mélange propre au reggae, ils se sont fermés. Finalement, ce n’est plus le reggae jamaïcain qui est le mieux. Tu peux en trouver du très bon au fin fond de la Pologne, par exemple (sourire).

L’absence de duo dans « Peau Rouge » s’explique par le fait que tu n’aies pas trouvé le bon binôme, comme auparavant avec Winston Mc Anuff ?

Je ne cours pas après les duos, c’est l’occasion qui fait le larron. Je ne suis pas un rappeur en recherche de featurings (sourire). Je me suis surtout pris la tête sur la musique et les arrangements pour faire un disque homogène.

D’où cet album limité à dix chansons ?

J’en avais trente au début, puis j’en ai jeté. On est partis sur plein de pistes. Au final, j’aime les albums courts où, quand tu arrives à la fin, t’as envie de les réécouter. Jusqu’à maintenant, je faisais des albums assez longs. Je passe un cap à chaque fois. Comme un sculpteur, on part de la même base et ensuite on affine. Puis on améliore.

Chez de nombreux artistes, certains mots reviennent à chaque album. Chez toi, il semble que ce soit « Cortex »…

Ouais, c’est fait exprès. Des mots nous suivent et on cherche toujours. Je pense avoir 3/4 genres de chansons : la phrasée assez parlée, la rappée, etc. Et on revient souvent à la même chose, malgré une certaine évolution. C’est comme chez les peintres. J’en connaissais un qui ne faisait que des camions. Toute sa vie, il a fait des camions. Le but consiste à s’améliorer.

Sur scène, la matière est vivante. Tu l’améliores, tu la remues tous les soirs. Un disque, c’est plus frustrant car tu laisses une empreinte à un moment T. Si tu préfères, j’ai fait des ébauches de disques jusqu’à maintenant, mais le disque que je voudrais faire – d’ailleurs je ne sais pas si je réussirais – je l’entends, mais bon, c’est pas simple…

Il n’est pas très joyeux cet album, hormis quelques exceptions. Il dégage quelque chose de sombre. Cela reflète ton état d’esprit ?

Ca l’a été à un moment. J’ai été marron (sourire ironique). Enfin, je crois que dans chaque album, il n’y a pas que des choses festives. C’est un mélange de ce qu’il se passe dans une journée. Mais des gens m’ont déjà fait « ce reproche ». Ce qui est génial dans ce boulot, c’est que ta concierge comme le plombier ont un avis. A la fin, tu ne sais plus qui écouter. J’ai eu du mal à le finir cet album. Mais attention, je ne me plains pas. Je sais la chance que j’ai de vivre de ce métier.

Sur scène, tu vas le jouer de manière tragique ?

Non non, je ne peux pas. La vie est assez complexe pour refaire la même chose sur scène. C’est ce que j’adore le plus la scène. En concert, il faut commencer avec des titres pêchus, ensuite tu calmes un peu et tu repars sur des trucs qui envoient. Chaque soir, tu fais et défais. C’est une bonne recette la scène pour rester jeune. OK, on se prend des races en tournée, le rythme est parfois tendu, tu roules beaucoup… Mais on a une chance folle de faire ce métier. Comment dire ? (petite pause) Chanter te permet de rester plus longtemps adolescent. Le rapport au temps diffère d’une autre vie.

T’es nostalgique de l’époque où tu démarchais les MJC, sans appui du label, que tu gérais toi-même ta tournée ?

Déjà, j’ai jamais démarché une MJC (rires) même si j’ai adoré y jouer. Sérieux, c’est trop compliqué de tout gérer soi-même. Tourneur, c’est un métier. Au début, ça peut te faire marrer de remonter une roue crevée ou téléphoner pour trouver un arrangement de dernière minute. Le problème, c’est qu’au bout de 40 dates, ben t’es mort (rires).

En 2009, tu chantais « Paris musée ». Trois ans plus tard, la capitale est-elle davantage une ville morte ?

Venise est une ville morte. Paris non. Je pense qu’on ne peut pas dire que Paris est une ville morte. J’ai juste l’impression que la ville est plus négative. En 1998, quand on a commencé à en vivre avec Java, il y avait un vent positif à Paris. Je parle de ce que je connais : la musique. Je ne sais pas si c’est le 11-Septembre, ou Le Pen au 2e tour, suivi de 10 ans de droite, mais le négatif a pris le pas.

Tu te rends compte qu’aujourd’hui, être d’extrême-droite, ça a un côté revendicatif, un côté « jeune » ». C’est dû en grande partie à des mecs comme Mitterrand. Dire qu’à 6 ans, j’étais sur les épaules de mon père dans la rue en 1981. J’ai voté pour eux… Maintenant, il y a un dégoût généralisé.

Crois-tu que les manifs servent encore face à cette droite qui n’écoute pas les revendications populaires ?

Tu veux mon avis ? Non, je crois que ça ne sert plus en ce moment (rire jaune). Mais c’est par cycle, il ne faut pas perdre espoir. Ma génération n’est pas politisée, la nouvelle va plus se bouger.

R-Wan, Peau Rouge

Tu pourrais vivre ailleurs qu’à Paris ?

Je n’ai pas réussi. Et en plus, j’ai une femme qui est parisienne jusqu’au bout des ongles. Pour la faire partir, il faut que je l’emmène à New York ou Buenos Aires… Mais j’ai pas la thune (rires). C’est bizarre ma relation à Paris. Je suis urbain, je le vois bien quand je suis à la campagne, le côté hyperactif ressort.

A la fin d’une journée promo, tu te sens soulagé ?

Ca dépend de la personne en face. Lorsqu’on discute, c’est cool. Ce matin, j’ai eu un con. Comme dans certaines grandes radios, ils ont l’air si blasés qu’ils cherchent à te piéger. Je ne comprends pas ; quand t’as la chance de bosser dans la musique, ça pourrait être plus simple que de chercher la petite bête.

En 2050, te vois-tu faire danser nos déambulateurs et bouger nos dentiers un dimanche après-midi au Bataclan ?

(Eclats de rire) Je ne suis pas sûr d’être encore en vie mais cette idée me plaît. Ah ouais, je me vois bien faire ça !

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