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Que penser de la Boiler Room ?

Quand il s’agit de filmer l’électro, un nom se retrouve sur toutes les lèvres : Boiler Room. Le diffuseur web peut s’enorgueillir d’avoir su capter la majorité des meilleurs DJ’s et musiciens de ces trois dernières années et de ne connaître aujourd’hui aucune concurrence. Or, qu’est-ce que l’internaute, bien installé chez lui, peut penser de cette chaîne de TV électronique ? La rédaction a tenté de dégager trois raisons favorables d’en faire ta TV et trois critiques du modèle.

Le streaming est devenu accessible à tous et des DJ’s amateurs utilisent le service de streaming vidéo Ustream pour se produire en live sur la toile. Un service simple, gratuit (dans sa version de base) et qui ne nécessite qu’une webcam. Un soir de mars 2010, l’Est Londonien Blaise Bellville se pose une question : si des artistes streament leurs performances dans leurs chambres, pourquoi ne pas le faire tout de suite à cette teuf avec ces gens qui dansent ? La boîte qu’il crée avec Thristian Richards promeut dans un premier temps la scène indé londonienne avant de s’offrir les services d’artistes de renom. Les dizaines de milliers de visionnages sur Youtube permettent – grâce à la pub – de générer une économie et de lancer des projets. En juin 2012, Boiler Room s’offre des antennes en dehors de Londres jusque de l’autre côté de l’Atlantique. Bref, une évolution rapide.

Mais que penser de la Boiler Room ? Une discussion menée en interne à la rédaction a dégagé trois raisons de soutenir le projet et trois raisons de s’en écarter.

Mais qu’est-ce que c’est que cette prog ? Neuf fois sur dix, le line-up fait pleurer. Bellville et son équipe sont très au courant des évolutions de la musique. Boiler Room a été extrêmement fine en programmant des artistes en pleine explosion : Flume, Mount Kimbie, SBTRKT, Yosi Horikawa… Ceux-ci représentent autant de scènes et de villes donnant à la structure une aura internationale. Des pères de la musique de Détroit avec Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson en passant par les résidents du Berghain Ben Klock et Marcel Dettmann ou la scène londonienne avec James Blake, Four Tet, Jamie XX et Thom Yorke. Il faut noter aussi que Boiler Room s’est ouvert aux styles en programmant des artistes pop et hip-hop, donnant une dimension live aux plans fixes.

Des sets uploadés sur Youtube et Soundcloud. Faute d’avoir du temps à perdre, les yeux obnubilés par la hype short-listée qui se colle au DJ pour montrer à sa mère qu’elle passe à la TV, tu peux toujours retrouver les sets et les lives des DJ’s sur la toile. Bellville et son équipe uploade, quelques temps après la performance, les prestations sur Soundcloud et Youtube te permettant d’avoir un matériau sonore souvent unique et de belle qualité. C’est grâce à ça qu’on a pu retomber sur des sets géniaux d’Âme, d’Henrik Schwarz et de Sven Väth. En laissant son public dans l’attente de ces replays, Boiler Room sait créer un sérieux suspense.

La reconnaissance pour un artiste. Sans parler des musiciens qui n’ont (presque plus) rien à prouver, passer à Boiler Room TV reste un accomplissement certain. Elle leur permet de passer devant une nation de passionnés qui n’a pas de frontières. Comme être programmé au Sónar ou à Glastonbury, un set capté par la caméra londonienne est une ligne de plus au CV qu’il ne faut pas négliger. Souvent partagées par les médias et le public sur les réseaux sociaux, ces vidéos sont un petit cadeau dans une vie de DJ. Elles le sont aussi pour les festivals qui ont la possibilité de s’offrir les services de Boiler Room : en France, seules les Nuits Sonores de Lyon en 2013 ont eu des concerts streamés sur la toile.

Je suis VIP, regarde-moi. Le 21 novembre 2012, Boiler Room pose pour la première fois son plan fixe à Paris (dans le cadre d’une petite sauterie dans un hôtel de luxe). La petite sphère des médias parisiens s’enflamme, quelques VIP++ friment sur Twitter pour annoncer qu’ils ont empoché le précieux sésame pour aller se trémousser derrière Cassius, dOP et DJ Deep. Pour ne rien vous cacher, c’est à peu près à ce moment-là qu’on s’est interrogés sur le principe de la chaudière anglaise : un DJ et des mecs derrière, qui proposent à leur façon une alternative à la fosse, tout heureux d’être AVEC et pas DEVANT. Venez sur scène, c’est tellement mieux. Problème : Boiler Room et ses événements ultra-privés reproduisent à l’écran ce qui nous a toujours fait sourire : voir des mecs, pass autour du coup, aller s’agiter derrière les artistes, quitte à carrément gêner visuellement la performance en cours. Aucun festival n’y échappe. C’est tellement plus cool de danser, derrière, à côté et même parfois au-dessus, plus près des étoiles. Et de contempler la triste condition des mortels, à vos pieds.

Mon voisin le taureau. L’année 2012 a été faste pour Boiler Room, qui a enquillé des milliers d’heures de direct sur tous les continents, ouvrant même une antenne à Berlin (septembre 2012) et plusieurs aux Etats-Unis (LA et NYC en juin 2012). Une collaboration avec la chaîne W Hotels (bien motivé à l’idée de dépoussiérer son image) lui permet aussi d’utiliser des hôtels à Paris, Londres et New York. Si la ligne artistique est exigeante depuis ses débuts londoniens et semble le rester, Boiler Room ne s’est, par contre, pas privé pour brader ses belles soirées aux couleurs de sponsors alléchés par la dimension cool du projet. Et voilà Boiler Room déguisée en RedBull, Vans ou Ray Ban, pratique courante dans le milieu (pauvre) de la musique, certes. Mais quand on connaît le potentiel d’une telle idée (et les sousous qu’elle génère déjà), on se dit juste qu’il y aurait tellement de trucs fous à imaginer plutôt que de courir installer sa GoPro au Studio RedBull…

Et toi, tu danses dans ton salon ? Le web a toujours adoubé les formats courts. Qui va donc être prêt à se fader des mix de 40 à 60 minutes devant son ordi, filmés en plan unique ? Pas grand monde, à moins d’avoir la fibre optique et un vidéo-projecteur de compétition, ce qui pourra permettre de reproduire à domicile une sacrée soirée de clubbing, en choisissant son artiste. Mais bien souvent, les Boiler Room sont juste écoutées, à défaut d’être regardées. Ne soyons pas mauvaise langue : c’est déjà pas mal.

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