Avouons-le : si on crache souvent dans la soupe des radios et télés mainstream pour leur manque notable de goût, on prend un certain plaisir à écouter autre chose. Régulièrement se pose la question de savoir si on doit toujours aimer un groupe qui a franchi un cap de notoriété et se retrouve sur les énormes tuyaux à tubes. Deux postures possibles : toujours aimer le groupe mais revendiquer le fait d’avoir écouté ça bien avant le grand public ou renier l’artiste et sortir l’éternel « c’était mieux avant ».
Le phénomène n’a rien de nouveau. En revanche, depuis quelques mois, la situation se complexifie encore : de plus en plus d’artistes qu’on pourrait qualifier d’indie (en folk, rock ou pop) se retrouvent dès leur début de carrière sur NRJ, Fun Radio ou dans notre supérette du coin. Il est vrai que la frontière est parfois très fine et poreuse entre une folk/pop indie et une chanteuse mielleuse, formatée FM. Cela peut tenir à un filet de voix, un type d’interprétation, comme l’illustre le Skinny Love de Bon Iver repris par Birdy.
On ne sait toujours pas si ce sont nos goûts qui se ramollissent ou si ce sont ces médias qui s’ouvrent à des choses moins formatées. En tout cas, pour illustrer ce phénomène, on a choisi quatre artistes tournant en boucle ces dernières semaines sur les grosses radios françaises et qu’on arrive pourtant pas à trouver mauvais. Des artistes qui, il y a quelques mois encore, tournaient dans les circuits des musiques actuelles.
Milky Chance
Le groupe qui nous a vraiment poussé à écrire cette chronique. Véritable phénomène, le duo allemand squatte les hits du monde entier depuis plusieurs mois. Si leur tube « Stolen Dance » (clip a 110 milions de vues) peut énerver par le côté un peu nian-nian et la voix nasillarde de Clemens Rehbein, la composition et la production n’en restent pas moins d’excellente facture. Surtout, leur premier album (initialement auto produit en 2013) contient de vrais pépites entre folk et electronica, notamment le titre « Running » (ci-dessous) et « Indigo » (proche d’un Wu Lyf). Il y a tout juste un an, avant de squatter NRJ et Virgin Radio, on pouvait ainsi écouter Milky Chance sur Nova et les voir dans une salle comme la Flèche d’Or. Le groupe a également participé au très côté festival allemand Melt ainsi qu’au Montreux Jazz festival ou au Reading.
Hozier
Hozier, c’est avant tout un titre et son clip : « Take Me To Church ». Sorti sur un EP juillet 2013 dans un quasi anonymat, le titre fait son petit buzz dans le milieu indé, notamment suite au passage d’Hozier au SXSW (on en parlait déjà ici), la Mecque pour les groupes émergents du monde entier. L’Irlandais s’est également produit à Benicassim, Glastonbury et au Reading. Aujourd’hui, le clip de « Take Me To Church » cumule à plus de 80 millions de vues et Hozier passe sur NRJ, le Grand Journal ou même BFM (dur) !
George Ezra
Troisième meilleure vente de l’année 2014 en Angleterre, c’est le dandy beau gosse du moment. Avec sa tête de minot propre sur lui et sa voix de crooner, George Ezra a tout pour plaire. Son tube Budapest a été produit par Cam Blackwood, également producteur de London Grammar, Florence and the Machine ou encore CSS. Aujourd’hui programmé en tant que l’une des têtes d’affiche aux Vieilles Charrues 2015, le gamin de 21 ans se produisait un an plutôt à la Boule Noire, à Paris ! Son premier album Wanted on voyage est une vraie bouffée d’air frais
Sam Smith
La première fois qu’on entend son désormais tube « Stay with me » (215 millions de vues), on s’imagine aisément écouter un nouveau titre de Bon Iver. Comme Hozier, Sam Smith faisait partie de la promo 2014 du SXSW. Il s’était fait connaitre deux ans avant grâce à un featuring sur un titre de Disclosure. Chroniqué par Pitchfork et Stereogum, l’Anglais se retrouve désormais sur NRJ ou RTL et même dans les magasines people pour ses histoires de cœurs avec de jolis garçons. Si la plupart des titres de son nouvel album sont clairement plus formatés FM que les trois artistes précédents, il reste quand même quelques jolies compositions.
A part pour flatter notre égo et notre côté élitiste, on ne peut que se réjouir si la tendance est à l’ouverture des médias de masse à une musique plus indé dans l’esthétique pop/folk. Du coup, si par le plus grand des hasards les programmateurs de NRJ ou de RTL passent par ici, on leur glisse une petite playlist d’artistes qu’on apprécie depuis quelques temps et qui pourraient coller à cette nouvelle ligne musicale.
Ce sont des artistes récupérés qui ont un premier bon album mais qui ne transformeront pas, parce que les prod’ piochent dans la scène indie et les formate. Mumford aussi est passé par la…