Entre l’imaginaire, l’étrange et l’hybride, l’univers impénétrable de John Cravache et I:Cube refait surface à travers une entité nouvelle le temps d’un album énigmatique et d’un enregistrement radio à retrouver sur le label Versatile. Alors, branchons-nous sur Chimère FM, et profitons des mots de I:Cube qui a bien voulu répondre à nos questions.
« Qu’est ce qu’une chimère ? Du point de vue mythologique c’est un être composite, par exemple un centaure, cet homme moitié homme moitié cheval, c’est une chimère. »
Loin de la musique club et des productions habituelles d’I:Cube, Cités Nomades composé à quatre mains avec John Cravache en 2016 (et centième référence du catalogue de Versatile) figure comme un album à part du label de Gilb’R. Un ovni musical mélangeant expérimentations électroniques et poésie contemporaine. I:Cube à la production et John Cravache à l’écriture des textes, le duo articule ce premier opus autour de la thématique du voyage : « Paris-Roswell », « Les orgues de Brest », « Le Mans » entre métaphores, bizarreries et énième degrés « Le désir de rester petit ».
Tel un écho aux années 90, leur nouvelle entité Chimère FM nous ramène en 2022 à l’expérience des radios libres à travers une radio imaginaire : « Radio Chimère FM, la fréquence mère, humaniste, baroque, et romantique » où sonorités synthétiques, cosmiques et stellaires s’entremêlent. En découle un album studio éponyme et un enregistrement radio « Chaos en direct » (à ne surtout pas rater) que l’on peut interpréter comme un podcast expérimental avec à l’écoute plusieurs titres de l’album et des interventions de John Cravache bien sûr. Transformé en poète animateur radio, il pose le décor au rythme de sujets d’émissions farfelues (cinéma, réseaux sociaux, politique, machines..) et de récits inédits, toujours dans un style absurde et proche du dada « Dieu dans un cendrier », « La musique pour les chiens » racontés par des personnages improbables (Fernando, l’homme probable, Roger Bastide…).
Dans le même esprit que Cités Nomades, l’album se forme de titres imaginés comme des vignettes surprenantes et anecdotiques. Un hommage au tableau d’Yvette retrouvé dans la rue, un second voyage enregistré in situ aux 24h du Mans (« Le Mans 2 »). La poussière d’étoiles balaye d’un revers les drones sombres (superbe, « Allergie de l’adulte ») et finalement on s’aventure sur une autre galaxie (« Ghoul and the Gang ») à l’écoute des synthés qui s’élèvent (mention spéciale, « Live at Astana »).
Un album cosmique et chimérique, étonnement plus accessible que le précédent, presque instrumental (d’où l’importance du mix radio) qui nous emmène loin dans la nébuleuse Chimère FM, entre les nuages interstellaires et les mythes d’ufologie… J’ai voulu en savoir plus, et I:Cube a répondu à quelques unes de mes questions :
Chimère FM (I/Cube x John Cravache).. mais dans les années 90
Quel est l’origine de Chimère FM ?
I:Cube : Chimère FM est un projet musical (mais pas que) associant John Cravache et moi-même. Nous nous sommes rencontrés il y a fort longtemps, au tout début des années 90 autour d’une passion commune pour les improvisations audio en tout genre (dramatiques, fausses interviews, musiques), le tout avec la candeur et l’amateurisme de rigueur. La plupart de ces sessions étaient enregistrées sur support K7. À partir des années 2000 un travail en studio plus « musical » a pris place en parallèle, donnant lieu à de longues sessions de jams en utilisant tout le matériel à disposition. Première sortie sur Versatile le disque John Cravache – Cités nomades. Les textes sont de lui et la musique de nous deux. Un état des lieux sous une forme encore un peu incertaine. Chimère FM – Chimère FM est donc le résultat de 5 ans de jams régulières, certes plus sombres, mais plus abouties. Rien n’est prévu à l’avance, capter l’instant est primordial, nous revendiquons un amateurisme éclairé, c’est vraiment un espace de récréation et de liberté. Chimère FM renvoie autant à une station radio fantôme émettant sporadiquement qu’à la synthèse FM popularisée par Yamaha.
Le thème choisi des radios libres fait écho à votre expérience dans les années 90 j’imagine. Peux-tu me raconter un peu votre expérience avec Gilb’R et John Cravache ?
I:Cube : En effet, les radios libres ont leur importance. Bien sûr chez Radio Nova (où Gilb’R officiait régulièrement avec Loik) et Radio FG pour la musique électronique (et pas que !). En fait, cela remonte à plus loin avec France Culture quand, vers 10 ans, je me faisais des K7 des musiques qui passaient à cette période. Par exemple : Laurie Anderson « O Superman », Georges Kranz « Din Daa Daa », Dominatrix « The dominatrix sleeps tonight ». Avec John Cravache, nous avions aussi un intérêt commun pour Radio Libertaire ou Radio Ici et Maintenant avec une certaine fascination pour les émissions d’ufologie avec Jean-Paul Bourre notamment – période années 90. Gilb’R nous connaît depuis longtemps et nous accorde toute sa confiance. Je sais qu’il regrette l’absence du côté foufou, des impros parlées sur notre disque, mais cela va revenir, j’espère !
En ce qui concerne le mix « Chaos en direct » (dans lequel on entend plusieurs morceaux de l’album) et l’album studio, comment avez vous pensé les deux formats ?
I:Cube : Pour l’album Chimère FM, nous voulions garder l’esprit de nos sessions studio improvisées, en nous obligeant à composer avec le format d’un album vinyle à deux faces. Une manière de dompter la bête, certaines sessions peuvent durer 45 minutes pour un track donc il a fallu raccourcir. Le format disque permet de présenter les choses de manière plus digeste et accessible, et puis il y a la pochette et l’objet qui apportent vraiment quelque chose en plus. Le mix « chaos en direct » est vraiment comme une émission de radio avec impros, tel que nous le pratiquons depuis très longtemps. Une façon de rentrer plus facilement dans l’univers chimérique…
Photo en une : Chimère FM (I:Cube x John Cravache) / DR
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