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Pont Neuf Records, monument parisien de la house française

Pont Neuf Records célébrait récemment ses cinq ans d’existence avec une nouvelle compilation anniversaire. Acteur dans l’essor de la scène house française actuelle, le label parisien mené par Thomas Prunier et centré sur une solide famille d’artistes cultive une élégance et un esprit à la française qui le place en digne héritier de la French Touch.

Le label Pont Neuf sortait le 23 avril dernier une compilation anniversaire pour ses cinq ans. C’est la 25e parution de ce label parisien qui s’évertue à donner ses lettres de noblesse à la nouvelle scène house française. Rencontre avec Thomas Prunier, fondateur de Pont Neuf, et Tour-Maubourg, artiste du label qui sortait son premier album en décembre 2020.

D’une rivière berlinoise à un pont parisien

En 2014, Thomas Prunier commence à organiser des soirées à Paris, sous le nom Sprëe Factory. Une référence à la rivière qui traverse Berlin à une époque où l’imaginaire festif de la capitale allemande imprégnait le renouveau des musiques électroniques en France et notamment à Paris. C’est par ces soirées qu’il rencontre la plupart des artistes qui composent aujourd’hui la famille Pont Neuf, équivalent moderne du groupe de jazz des Aristochats. Ils sont DJs, mais également producteurs, réunis par un amour commun de la house. Thomas, lui, passionné de musique, impliqué dans le domaine, avait en tête de monter un label et de travailler au développement de projets artistiques. Les rencontres font déclic.

Fin 2015, le label est lancé, avec une première sortie en janvier 2016 et une soirée au Rex dans la foulée. Il s’appellera Pont Neuf, en hommage au plus vieux pont de Paris, monument iconique de la capitale proche du point zéro des routes de France. Tout est là. Dans la continuité de Sprëe Factory, le label est centré d’abord sur des artistes de la nouvelle scène parisienne, mais en assumant cette fois un chauvinisme à vocation fédératrice. « L’idée du label était de soutenir le retour de la house et de la techno en France, donc l’arrivée d’une nouvelle scène que Pont Neuf a vocation à mettre en avant », explique Thomas. Avec 25 sorties en cinq ans et une vingtaine d’artistes de toute la France signée sur le label, le pari est réussi.

Classe parisienne et esprit à la française

À travers une discographie déjà large, Pont Neuf est parvenu à construire une identité forte qui porte les couleurs d’une house à la française. Les références à Paris, obsession hexagonale, qu’on y vive ou non, reviennent comme un leitmotiv amoureux : dans le nom du label, mais aussi celui des trois premières compilations Habemus Paname, dans des noms de morceaux ou d’EP comme « Place des fêtes » de Paris Groove, ou « Belleville » de Calmos & Berzingue. Rappelant immanquablement Saint-Germain (et son album Boulevard), un des artistes phares de Pont Neuf, pourtant Bruxellois d’origine, a aussi choisi son nom de scène en rapport à un lieu de la capitale : Tour-Maubourg, une station de métro et un boulevard du 7e arrondissement. « J’aimais bien l’idée d’associer ma musique à Paris, et de trouver un label parisien pour la développer », confie l’intéressé.

De façon plus générale, Pont Neuf replace la culture française dans les musiques électroniques. Le même Tour-Maubourg a l’habitude de titrer ses productions en français, contrairement à une tendance globale pour l’anglais international dans les musiques électroniques : Déclaration préalable à l’embauche, ou Solitude collective… Il emprunte même directement à la poésie, citant ou faisant référence régulièrement à Charles Baudelaire, comme pour son album paru en décembre 2020, Paradis artificiels. Une autre particularité bien française est l’amour apparent des jeux de mots : Habemus Paname ou Baie de room dont peuvent s’enorgueillir les bien nommés Calmos & Berzingue, également auteurs de l’EP French Kicks, avec des titres aguicheurs comme « Cécile du Flow » ou « Pont 909 ». Un autre exemple de cet amour pour la culture française est la splendide compilation 3615 Disco, une série d’edits samplant des tubes de disco française et qui font le pont entre cette scène des années 80 et la nouvelle vague house actuelle dans laquelle s’inscrit le label.

Madcat, Thomas Prunier (label manager), Cosmonection © Thomas Brandy-1

Madcat, Thomas Prunier (label manager), Cosmonection © Thomas Brandy
Tour-Maubourg & Cosmonection © Thomas Brandy-1

Tour-Maubourg & Cosmonection © Thomas Brandy
Thomas Prunier & Tour-Maubourg © Thomas Brandy

Thomas Prunier & Tour-Maubourg © Thomas Brandy

Une maison d’artistes house

Pont Neuf a bâti sa réputation et son succès sur une solide famille d’artistes parisiens qui forment le noyau du label : Calmos & Berzingue (duo qui signait à ses débuts sous l’alias Alva), Cheshire Cat devenu Madcat, Cosmonection, TAOS et son nouveau projet Saudade, KX9000 et Tour-Maubourg. Ce qui n’a pas empêché le label de signer d’autres étoiles montantes de la nouvelle scène house française : Folamour, Sweely, Mangabey, Vitess, Herr Krank, Fasme et bien d’autres. Néanmoins, Thomas Prunier préfère se concentrer sur le management de cette famille d’artistes, avec en tête des modèles comme Ed Banger. « Ça ne m’intéressait pas de monter un label qui sorte juste des disques sans faire de développement artistique. J’accompagne chaque producteur dans son projet et je crée des connexions avec des labels étrangers pour qu’ils puissent s’exporter », expose-t-il. Maison d’artistes plutôt que maison de disques, c’est la nuance que recherchait justement Tour-Maubourg, qui rejoint l’aventure de Pont Neuf pour la deuxième compilation Habemus Paname.

D’ailleurs, Thomas admet et revendique que la direction artistique du label n’émane pas directement de lui, mais se construit selon les propositions de chaque artiste et leur propre maturation. « La couleur musicale de Pont Neuf est basée sur leur travail personnel. C’est cette addition de directions qui fait l’identité du label, précise-t-il. L’avantage de travailler avec les mêmes artistes, c’est qu’on se comprend de mieux en mieux, une confiance s’installe. Ils savent que je les accompagne parce que je suis amoureux de chaque projet. Aujourd’hui, j’ai une confiance presque aveugle dans ce qu’ils me proposent ».

Pendant le premier confinement de 2020, obligée de repousser les sorties de vinyles, l’équipe de Pont Neuf fait tout de même acte de résistance à la morosité ambiante en sortant trois compilations digitales sous le nom Baie de room, un clin d’œil au bedroom producer et à cette situation inédite qui a obligé nombre de producteur·ices à renouer avec la composition depuis sa chambre. Le premier volume est composé de morceaux originaux des artistes du label, le deuxième de remixes mutuels de ces morceaux, le troisième de collaborations entre les artistes. « C’était un format hors-série, spontané, rapide à bosser mais qui permettait de retrouver une dimension familiale et de continuer à partager de la musique. On reproduira l’expérience cet été sous un autre nom », témoigne Thomas.

Et quand on décrit Pont Neuf comme un label house, le fin connaisseur tique et souligne l’éventail de nuances derrière l’étiquette. Quittant les boulevards du clubbing pour les ruelles pavées de leurs inspirations individuelles, chacun des artistes définit peu à peu sa patte : Tour-Maubourg cultive une house jazzy se rapprochant de plus en plus de l’electronica, TAOS fait dans le broken beat et la micro house avec son projet Saudade, Cosmonection est plutôt Balearic house, KX9000 et Madcat, disco, tandis que Calmos & Berzingue, plutôt deep house à l’origine, s’orientent aujourd’hui vers la minimale tech house. Et Tour-Maubourg d’ajouter : « la house, c’est ce qui nous a réunis sur Pont Neuf, cette base très club : des accords mineurs septième, un gros beat et une grosse basse. C’était un point de départ dans notre cheminement artistique ».

Un nouveau vinyle anniversaire

Non seulement Pont Neuf offre à sa famille d’artistes un espace d’expression libre où ces derniers peuvent régulièrement publier des EP individuels, et désormais des albums (plusieurs sont en préparation), mais le label a aussi l’habitude de réunir tout ce beau monde sur des compilations anniversaires, qui sont l’occasion de convier d’autres artistes de la scène house française. Le 23 avril dernier, comme à chaque anniversaire, Pont Neuf sortait une nouvelle compilation en double vinyle pour marquer ses cinq ans d’existence. On y retrouve les artistes du label et d’autres coups de cœur de Thomas.

Ces compilations, il les conçoit comme des photographies qui scellent les rencontres dans la wax noire, comme des objets de mémoire, de commémoration. Parmi les invités de ce nouvel opus : Flabaire (« une inspiration depuis longtemps », précise Tour-Maubourg), Fasme, Herr Krank, THEOS, Vitess, autant d’artistes qui participent au renouveau de la house française. La pochette du vinyle, un collage en noir et blanc réalisé à partir d’un shooting photo des artistes, reflète cette volonté d’archivage d’un moment de la scène musicale.

Pour accompagner cette sortie, Pont Neuf a réalisé un long preview de la compilation avec la participation d’une figure tutélaire des musiques électroniques françaises, Étienne de Crécy. Celui-ci y témoigne de l’émergence de la French Touch, un phénomène spontané, une bande de potes qui, en se mettant à faire de la musique ensemble, ont fini par constituer une scène à part entière, reconnue dans le monde entier. Le label Pont Neuf rend ainsi hommage à ceux qui ont ouvert la voie qu’il emprunte aujourd’hui.

Photo en une : (De gauche à droite) Fasme, Herr Krank, THEOS, Madcat, Saudade, Calmos, KX9000, Berzingue, Tour-Maubourg, Cosmonection © Thomas Brandy

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