Rien n’arrête un peuple qui danse. N’empêche, en ce moment, danser ensemble, je veux dire ensemble pour de vrai, se toucher, se voir, se sentir, ressentir l’énergie d’une foule en mouvement autour de soi, c’est un peu compliqué. On se débrouille avec les lives Facebook, les enceintes à fond dans le salon, voire aux balcons, les chorégraphies entre confiné·e·s, les karaokés depuis le canapé. Et les souvenirs. Retour au beau milieu d’une nuit, il y a quelques mois de cela. Patience les ami·e·s, on sortira, on chantera, on dansera… sur du Pongo.
Automne 2019, je suis en festival. Il est plus de minuit, je déambule en attendant la prestation de je ne sais plus qui, vers deux heures du matin. Mes oreilles sont attirées par un son lointain, comme des abeilles par un pot de miel au soleil. Je me dirige vers la plus petite scène du festival, où est déjà attroupée une centaine de personnes. Devant moi se dresse une femme, tout de doré vêtue. Ça brille. Et ça danse. Beaucoup. Et bien. Et ça se répand dans mes oreilles, dans mes yeux, dans ma tête, dans tout mon corps et dans mon cœur. Je me renseigne, j’assiste à un concert de Pongo, parfois surnommée “La reine du kuduro”. Pour moi, ça sera La Reine tout court.
Je m’approche de la scène. Elle chante “Kuzola”, “amour” en kimbundu, un dialecte angolais, pays où elle est née et dans lequel elle a grandi avant de s’envoler pour le Portugal avec ses parents à l’âge de huit ans. Pongo ne parle pas couramment le kimbundu, la colonisation en Angola ayant laissé des traces jusqu’à aujourd’hui, où le portugais est encore la langue officielle. Petite elle entend et comprend sa grand-mère s’exprimer en kimbundu. Ce sont ces souvenirs qui lui permettent de renouer avec ses racines et de rendre hommage à sa culture en chantant “Kuzola”, un hymne universel à l’amour.
Je m’écarte de la scène. Derrière il y a moins de monde, j’ai toute la place pour danser. Surprise : je connais cette chanson ! Et je ne suis pas la seule apparemment, à en voir la foule qui reprend en cœur des “wegue, wegue”. Il s’agit de “Kalemba (wegue, wegue)”, le tube du groupe portugais Buraka Som Sistema, dont Pongo était la chanteuse et avec lequel elle est montée sur scène la première fois dix années plus tôt, alors âgée de seize ans. Elle enchaîne avec un autre titre du groupe, le frénétique “Hangover (Bababa)”. Ça vibre à l’unisson tout autour de moi.
Je me sens tout d’un coup experte en kuduro. Cette danse angolaise, qui est aussi un style musical, Pongo, pour qui le kuduro musique et le kuduro danse sont indissociables, en est la meilleure ambassadrice. À l’origine, ce mélange de sonorités africaines et de musiques électroniques, de breakdance et de danses traditionnelles, était pratiqué par les prisonniers angolais, en guise de catharsis. Cette danse très expressive traduit, d’après la chanteuse, un grand besoin de liberté et de joie, qui sont aussi les deux premiers mots qui lui viennent à l’esprit quand on lui demande de se définir. J’exprime donc à mon tour toute ma liberté et ma joie au son de “Baia”, le morceau le plus personnel de Pongo, qui est aussi le titre de l’album sorti en 2019. Ça donne de la force.
La fin du concert commence à se faire sentir. Je ne sais plus quel morceau Pongo choisit, peut-être l’entraînant “Tambulaya” ou bien le planant “Chora”. En tout cas, elle invite la moitié de son public à monter sur scène, ce qui provoque un feu d’artifice d’énergie, une fusion de bonnes vibrations. Je ne le sais pas encore mais en février 2020, Pongo sortira un mini-album, dont les titres “Uwa” et “Canto” tourneront en boucle en attendant une prochaine rencontre. Outre le zouk et la semba, une musique traditionnelle d’Angola, Pongo cite également Burna Boy dans ses influences, ainsi que Rihanna, à qui elle voue carrément un culte de la personnalité. Pas encore de collaboration à l’horizon, mais qui sait, un jour peut-être…
Il est bientôt deux heures du matin maintenant, je ne sais plus du tout à quel concert je souhaitais assister, et puis peu importe, je préfère aller me coucher en redescendant doucement sur fond de “Work”, ballade de Kazy Lambist sur laquelle Pongo pose sa voix et me berce.
Le nouvel EP est à écouter ici.
Crédits photo en une : Félix Dol Maillot
0 commentaire