Avec son dernier EP nommé « Seul », on a eu envie de demander à Judah Warsky de nous envoyer dix morceaux sur le thème de la solitude. A l’époque des 500 amis Facebook et des 17 événements par semaine, les chiffres que nous n’avons pas vérifié ne nous ferons pas mentir : les gens n’ont jamais été aussi seuls. Contemplation, ennui, tristesse, réflexion, sagesse, de nombreuses cultures donnent à la solitude toute sa dimension. Des hippies au blues, on ne vous engagera jamais assez à dire à tous vos friends qu’ils peuvent se la mettre bien profond leur bière du mercredi soir pour « décompresser ».
1) Big Brother & the Holding Company : All is Loneliness. Pour tous ceux qui détestent les hippies, Janis Joplin représente l’avatar le plus caricatural : look exagéré, hygiène douteuse, overdose à l’héroïne. Pourtant c’était une meuf à la cool, et avec cette reprise, c’est sans doute elle qui la première a fait découvrir Moondog à un large public.
2) John Lennon : Isolation. Lennon est également l’ennemi des ennemis des hippies, pourtant il a fait Plastic Ono Band, un album d’une violence totale, où il crie le deuil, la colère, l’abandon et donc, l’isolation.
3) Country Joe & the Fish : Who am I ? Bon ben puisqu’on est chez les hippies, pourquoi ne pas inclure Country Joe en pleine nuit noire de son âme. « Le vide dans les yeux de sa famille » lui donne « envie de fuir à nouveau, mais il n’a plus nulle part où aller » et ses pleurs ne trouvent que « l’écho de sa solitude ».
4) Jean-Yves Tourbin : Tiens voilà la lune. Lui aussi il est bien hippie dans son genre. Cheveux longs, grosse beubar, regard de celui qui sait, pourtant il ne vit pas en communauté, il regarde la lune, « assis sur un banc avec sa solitude ».
5) Pierre Vassiliu : Film. Y a-t-il un narrateur de chanson plus seul que cet homme qui “cherche encore une fille qui voudrait bien de lui ce soir un quart d’heure” ? Pour lui, il n’y a qu’une solution : le bois de Boulogne, les contre-allées de l’avenue Foch, facilités de paiement, crédit total.
6) Ella Fitzgerald : All through the night. Cole Porter est un des plus grands songwriters américains, et ce n’est pas une opinion, c’est un fait : toutes ses rimes sont des punchlines.
7 ) Violent Femmes : I know it’s true but I’m sorry to say. “Viendras-tu me trouver au matin, quand le soleil se lève sur la rosée ? Viendras-tu me trouver l’après-midi, une aprem faite seulement pour toi et moi ? Viendras-tu me trouver le soir, quand la nuit vient s’immiscer ? Viendras-tu me trouver dans le hall ? Viendras-tu me trouver au pied du mur ? Viendras me trouver… tout court ? » C’est une de mes chansons préférées.
8) Renaud : Mimi l’ennui. Le chanteur énervant interprète l’histoire de cette fille seule qui « aime rien, même pas les copains ». Il est accompagné d’un groupe manifestement orienté prog qui attend avec impatience les dix secondes instrumentales au milieu de la song pour pouvoir jouer un max de notes.
9) Roy Orbison : She. La solitude, Roy Orbison savait ce que c’est. Dans un accident de moto, il tue sa femme. Un an plus tard, l’incendie de sa maison tue ses deux enfants. Cette chanson, « She », est d’autant plus troublante que ce n’est pas une eulogie, il ne se gêne pas pour régler ses comptes avec celle qu’il aimait : « Elle me mentait tout le temps, et je la croyais. Elle se mettait à pleurer : je ne pouvais pas la quitter. » Et l’apothéose lacrymale : « Ce n’était qu’une petite fille, et c’était une femme du monde. Elle était tous mes rêves, elle était bien des choses. Mais elle était, elle est, elle restera pour toujours… une femme. » C’est une des plus belles chansons que je connaisse ; qu’elle n’ait actuellement que 12 vues sur YouTube dépasse ma compréhension.
10) Dexys : It’s OK, John Joe. Cette chanson dont le refrain est « Ce n’est pas grave, John Joe, ce n’est pas grave. Ce n’est pas la fin du monde, ça n’a pas d’importance que je sois seul » est d’une profondeur et d’une intensité qui se passent de commentaires. Ecoutez bien les paroles.
Si vous voulez entendre ma modeste contribution à ce genre qu’est « la chanson sur la solitude », ce thème est décliné sur les cinq titres de mon nouveau disque, qui s’appelle : « Seul ».
Photo de couverture : Jamie Harley
Pochette de Seul EP : Juan Trip
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