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Pixies : « On devait redevenir un vrai groupe »

Rappelez-vous : les Pixies étaient considérés à la fin des années 80 comme le meilleur groupe du monde (ce genre d’allégations journalistiques qui encensent pour mieux dégommer). Immense référence de la plupart de rockeurs qui ont ensuite emprunté leurs chemins, la formation américaine devait alors son succès à des hommages répétés de Kurt Cobain, et à un tube : « Where is My Mind ». Vingt-trois ans après leur dernier album, ils reviennent avec « Indy Cindy ». On a discuté avec  David Lovering (batteur) et Joey Santiago (guitariste) de ce retour au premier plan, de leurs galères de bassiste et des kids de Coachella.

Vous avez passé dix ans sur la route sans nouveau disque, ça n’était pas lassant de jouer les mêmes morceaux, encore et toujours ?

Joey Santiago : Il faut que tu saches : je n’aime pas être sur la route. J’adore ça. C’est une échappatoire à la réalité. C’est toujours un challenge de jouer ces morceaux, de faire un concert parfait.

David Lovering : Si je devais encore jouer « Where is my mind ? », je me tirerais une balle ! (Rires) Non, je plaisante. Je pourrais jouer ces titres toute ma vie, ça ne m’a jamais ennuyé.

Joey : Oui, le public est dingue. Les kids veulent les entendre, c’est fou.

David : Après avoir vadrouillé pendant sept ans, on s’est rendu compte que la tournée de notre reformation avait duré plus de temps que notre période initiale en tant que groupe. C’était assez bizarre. Ça nous a fait réfléchir. Ensuite, on a commencé notre Doolittle tour, qui a duré 2 ans [en 2009, le groupe part en tournée pour fêter les 20 ans de leur second album « Doolittle », ndlr]. À la fin, tu ne penses pas à enregistrer, juste à te reposer, mais l’idée de re-composer a commencé à germer. Charles [Frank Black, chanteur et leader du groupe, ndlr] écrivait des chansons de temps à autre.

Joey : On s’est rappelés qu’on était un groupe. Et qu’est ce que font les groupes ? Ils partent en tournée. Qu’est ce qu’ils font d’autre ? Ils composent. On devait redevenir un vrai groupe.

Vous parlez d’échapper à la réalité. Ça vous effraie ?

Joey : Non mais quand tu es en tournée, tu peux être un gosse, tu peux être ce que tu veux.

David : C’est très confortable. Après, quand je rentre à la maison, je ne suis vraiment pas quelqu’un de spécial, je suis juste David.

Joey : Oui, il sort même les poubelles.

Vous avez sorti deux EPs puis les avez regroupés avec un troisième pour construire l’album. Les dévoiler progressivement était une façon de donner plus d’importance à vos morceaux ?

Joey : On ne voyait pas les choses comme ça mais oui, ça donne plus de temps aux gens pour l’écouter.

David : Quand l’EP1 est sorti, les gens l’ont bien accueilli et ils se sont dit « s’il y a un EP1, il doit y avoir un EP2 ! ». Sauf qu’il n’en avait jamais été question. Ça nous a motivés.

Joey : Beaucoup de groupes sont passés au format EPs plutôt qu’à l’album. Mais le principe n’est pas nouveau. A la grande époque du rock, on commençait déjà à mettre en avant le single. Le premier enregistrement connu est celui de Frank Sinatra [dans son groupe The Hoboken Four en 1935, ndlr]. Comment était conçu cet album ? En une série de singles. C’était la naissance de l’album. Ensuite, des années plus tard, les groupes ont commencé à construire leurs albums comme un thème. « Dark Side of the Moon » était en bon thème. Un album cinématique. Nos albums, comme « Doolittle », n’ont pas vraiment de concept. Et c’est aussi une histoire d’argent. Pour les maisons de disques, il fallait que l’un de tes morceaux devienne un hit, pour donner envie d’acheter l’album en entier.

Vous travaillez toujours avec le producteur Gil Norton et le graphiste Vaughn Oliver. C’était important pour conserver l’identité des Pixies ?

David : On a pensé à d’autres producteurs mais la connexion avec Gil est tellement forte. Et puis Vaughn est celui qui a créé l’identité visuelle des Pixies.

Joey  : Gil est un producteur très demandé. Il a bossé avec Foo Fighters, Echo & The Bunnymen, Patti Smith et il a même gagné un Grammy. Mais ce n’est pas pour ça. C’est un perfectionniste et à chaque fois qu’on entre dans le studio, il nous fait peur. Mais on ne prend jamais les choses personnellement.

Beaucoup de choses ont été dites à propos du départ de votre bassiste de toujours : Kim Deal. Ça n’a pas été trop dur de trouver une nouvelle bassiste / vocaliste ?

David : On se demandait si on allait trouver un gars ou une nana. Mais le son des Pixies, c’est aussi cette alliance masculine et féminine. Les chœurs féminins.

Joey : Kim est partie selon sa propre volonté. Depuis, on a alterné deux bassistes et vocalistes géniales : Kim Shattuck et Paz Lenchantin.

David : Et ce sont de vraies bassistes. Kim Deal était une guitariste, qui s’est faite à la basse et qui jouait très bien.

Joey : Remplacer Kim Deal était un big deal. Plus sérieusement, quand tu es en tournée, tu ne peux pas te dire que Kim te manque. Parce que tu bosses. Tu n’as pas le temps pour les réminiscences.

David : Physiquement, elle n’est plus là.

Joey : C’est pas sain. Sinon, c’est comme si tu vivais ailleurs, dans l’iréel. Elle est partie, c’est un fait. Que peut-on y faire ? Oublions. C’est la meilleure chose qu’on sait faire. Et surtout : c’est le meilleur job du monde.

Si vous étiez très critiques envers cet album, qu’en diriez-vous ?

Joey : Nos sons assez doux plaisent aux gens. Cet album me fait surtout penser à « Bossa Nova ». Laisse-moi réfléchir à des critiques. Il n’y a peut-être pas assez de moments puissants, forts, qui tranchent. C’est pour ça qu’il faudra faire un second disque. Beaucoup de chroniques le disent et je suis assez d’accord.

Vous avez remarqué de nouvelles têtes inspirantes pendant vos voyages à travers le monde ?

David : J’habite à Los Angeles et il y avait une teuf mexicaine. La musique était inexplicable, mais j’avais jamais entendu ça avant.

Joey : Tu dois te rappeler du nom !

David : Ah, je ne m’en rappelle pas. Et je n’ai plus jamais rien entendu de pareil.

Joey : Mogwai, ils sont très cinématiques. J’aime la musique instrumentale de Explosions in the Sky. Je n’écoute plus de musique avec des paroles, c’est trop fatigant.

Vous avez des fans de l’âge de vos enfants, désormais. C’est pas trop étrange ?

David : Non, c’est absolument génial. Il y a dix ans, on faisait Coachella pour la première fois. Il y avait des kids – qui n’étaient même pas nés quand on sortait nos premiers disques – qui connaissaient toutes nos paroles par cœur. Cette année, le festival nous a réinvités et ces personnes ont amené leurs enfants pour nous voir. C’est merveilleux, on est vraiment chanceux.

Joey : Et ce sont des fans qui sont très au courant, très éduqués musicalement.

Vous rejouerez peut-être dans 10 ans à Coachella et il y aura de nouveaux kids ?

David : Eh, qu’est ce que t’en dis ?

Joey : Oh, chut. Je n’ai même pas envie de l’imaginer. On sera même plus en vie. (Il mime une personne âgée avec une guitare). Merde… Comme Kiss, qui ne s’arrêtent jamais. Ou les Rolling Stones. Ou Springsteen.

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