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Philippe Katerine : « Le bonheur est écœurant »

Le quadra Katerine navigue toujours dans ses univers et narre ses textes saugrenus, peut-être pas si inconséquents qu’ils n’y paraissent de prime abord. Vingt-cinq ans après son premier album, on a rencontré celui qui a été président de la République au cinéma l’an dernier, celui-même qui a aussi nommé sa dernière composition Le Film. Alternant humour et moments sérieux, le maestro de l’absurde nous a confié s’épanouir dans l’observation du monde et des éléments. Son dixième disque vous le confirmera.

Tu chantes : « Je n’ai pas les mains de Jean Cocteau ». Pourtant, à l’image de ce touche-à-tout qui a été poète, peintre, homme de théâtre, cinéaste, tu t’essaies à l’art sous toutes formes. Le livret de dessins qui accompagne ton 10e album nous fait découvrir une nouvelle facette de ta personnalité.

C’est vrai, il a dessiné. Il a fait du théâtre aussi. J’aime bien son cinéma et ses dessins. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’esprit. C’est déjà énorme d’avoir beaucoup d’esprit… Mais je le trouve parfois un peu pesant dans sa littérature. Je parle de ses mains car elles sont extrêmement raffinées, élégantes, avec des doigts très longs. J’aurais aimé avoir des mains comme celles-là, féminines. Mais ce n’est pas du tout mon cas car j’ai les mains de mes ancêtres, des paysans. Chez lui, on sent bien un milieu urbain.

Aurais-tu aimé déambuler dans cette période dadaïste ou es-tu bien aujourd’hui ?

Je suis bien aujourd’hui. Il faut dire que l’hygiène n’était pas sûre à l’époque. Il n’y avait que des toilettes à la turque dans les bars, c’est plus confort aujourd’hui…

Peut-on qualifier cet album de contemplatif ?

Oui parce que… J’en sais rien. (silence) J’aurai du mal à le qualifier, mais c’est quelqu’un qui observe. Il y a une espèce de tourmente au début qui atteint son apogée à la fin de « Compliqué » – d’ailleurs il y a une explosion – puis tout recommence à prendre vie, à prendre sa place, plus sereinement. C’est vrai qu’on est dans l’observation : observation des plantes, observation des enfants, observation d’un milieu…

« J’ai de grosses narines, donc suis très réceptif aux odeurs »

Les enfants sont souvent présents dans cet album. Est-ce la paternité qui t’a donné envie de composer dans un esprit comptines ?

Peut-être. Comptines pour adultes, sûrement. Je n’ai pas pensé aux enfants en l’écrivant.

Il y a pourtant des titres évocateurs, comme « Doudou »…

… « Doudou« , ça parle des odeurs. J’ai de grosses narines, donc suis très réceptif aux odeurs. J’ai une oreille qui ne marche pas alors que mes deux narines marchent à bloc. Elles se gonflent et dégonflent constamment. C’est mon sens le plus développé.

Dans « 3 ans », tu parles bien du comportement d’un enfant ?

Là oui, c’est une chanson d’observation. Après, on peut penser que ça parle des extraterrestres, comme le sont les enfants. On ne les comprend pas vraiment. Ce sont des étrangers quelque part alors qu’on a été dans leur peau à un moment donné.

Tu te souviens de ta toute petite enfance ?

Je me souviens de ma naissance. J’ai vu le bout du tunnel, d’un coup tout s’ouvrir… Et j’ai trouvé ça affreux. J’ai pleuré car ça fait mal de voir le monde. C’est éblouissant de splendeur.

Et 40 ans plus tard, tu chantes « Le Bonheur »…

Le bonheur est écœurant.

« Le Bonheur » n’est-elle pas une chanson pour faire prendre conscience aux Occidentaux que nous ne sommes pas si mal lotis que ça ?

J’ai pas ce genre d’ambition. Ça reste plus domestique, ça s’adresse à quelqu’un. C’est encore parti d’une observation. Le fait même de pouvoir observer quelque chose me fait nager en plein bonheur. Ça peut partir d’un rien parfois.

Préfères-tu être réincarné en plante ou en objet (deux titres de son dernier album, NDLR) ?

(silence) La plante est aussi un objet puisqu’elle se fait manipuler. C’est un ameublement aussi, parfois. Elle est bien traitée si elle trouve sa bonne maîtresse ou son bon maître.

Selon toi, la plante semble davantage domestique. Tu ne te verrais pas, par exemple, pousser dans un champ vendéen ?

Non, j’aime pas le soleil. Je suis plutôt une plante d’appartement. Si j’étais une plante, je serai placé dans un coin. J’adore les angles, ce qu’il n’y a pas dans la nature. T’as beau chercher, tu n’en trouves pas. Ce sont les hommes qui ont inventé les angles. J’aime pas trop la nature pour ça, parce qu’il n’y a pas d’angles pour se cacher.

kater

« Quand je suis propriétaire, je me sens malheureux »

T’es un animal urbain, en fait.

J’ai grandi dans le bocage vendéen quand j’étais petit, mais j’avais peur de la nature. A raison car c’est effrayant.

Avec ton complice Gaëtan Chataignier, à la réalisation de la grande majorité de tes clips, donnes-tu ton avis ou tu le laisses totalement libre ?

Je donne énormément mon avis, peut-être un peu trop (sourire). Pour moi, il est aussi intéressant d’écrire des chansons, les enregistrer, me pencher sur le clip que de savoir comment je vais m’habiller sur scène. Tout m’intéresse.

Dans le contexte actuel, sans refaire l’Histoire, aurais-tu pu écrire une chanson comme « Juifs Arabes » ?

Non, parce qu’il y a trois mots : juifs, arabes, ensemble. Là, j’avais besoin d’écrire beaucoup plus de mots.Dans le thème, une chanson comme « Compliqué » n’est pas si éloignée de « Juifs Arabes ». Dans l’esprit, j’avais besoin d’écrire davantage. Il y a des moments dans la vie où l’on a plus besoin de parler que d’autres. J’avais envie de développer, comme on dit à l’école.

En parlant d’école, les chœurs de Rezé interviennent dans cet album. C’est une volonté qui est venue rapidement dans la conception de l’album ?

Au fil du temps… Je trouvais que c’était bien que des enfants d’un collège catholique soient présents. Comme j’ai été baigné là-dedans, il y avait une sorte de remember de chorales d’enfants catholiques. Je trouvais bien de faire venir des invités, comme le contrebassiste ou les enfants. Avec eux, je voulais qu’une forme de pureté s’installe.

Peux-tu nous en dire plus sur le contrat caché qui te lie à JCDecaux ? Aujourd’hui, tu nous parles d’Autolib’ ; cinq ans plus tôt, tu nous conseillais de « faire du Vélib’ la nuit sous ecstasy » ?

Il n’y a pas de contrat mais c’est une fascination. Quand je suis propriétaire, je me sens malheureux. J’aime bien l’idée de louer, d’emprunter, voire de voler. J’aime aussi le train, particulièrement quand il tombe en panne. J’aime qu’on choisisse à ma place un panorama à regarder pendant une longue période.

 Le titre « A l’Élysée » a été écrit pendant le tournage de Gaz de France ?

J’ai tourné le film avant d’enregistrer le disque. J’avais été Président avant d’écrire cette chanson, donc je peux m’identifier facilement à François. François Hollande. Cette chanson s’est débloquée après avoir lu Voici.

Ah, tu lis Voici ?

Ça m’arrive, je suis très intéressé par les potins… (sourire en coin) J’ai donc lu que François allait faire un pique-nique avec sa copine. J’ai eu envie de m’identifier.

Être Président, est-ce oppressant ou agréable ?

Je ne le souhaite à personne. Tout est de votre faute alors que, souvent, le Président est impuissant…

Doit-on en déduire que Philippe Katerine ne se présentera pas en 2017 ?

Ce ne sera pas mon année. J’attendrai le bon moment.

Crédit photo : Eric Garault
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thierry du 85 20.04.2016

merci philippe

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