Pass vaccinal : « Depuis quand ce milieu fait tout ce qu’on lui dit sans réfléchir ? »

« Je travaille dans le milieu du spectacle vivant, longtemps j’ai travaillé pour un théâtre jeune public, depuis quelques années j’avais repris la route des festivals, de l’intermittence (sans avoir le statut) parce que j’aime ces grands évènements, ces rassemblements.

Effectivement depuis 2020 je compte sur les doigts d’une main pour qui j’ai bossé, mais je le sais c’est le cas de beaucoup de monde. J’aime ce milieu, sincèrement, et j’aimerai continuer d’y travailler. Mais, et pardon, je doute de plus en plus de ce milieu justement.

Je doute parce que je ne comprends pas pourquoi aucune voix ne s’est levée pour dénoncer ce qui se passe aujourd’hui, d’un point de vue politique et social je parle. Je ne comprends pas que tous ces artistes que j’ai eu la chance de voir sur scène, parlant librement, s’élevant contre la discrimination, prônant l’amour, la liberté, la joie, le collectif, valorisant les émotions, pourquoi acceptent-ils de jouer devant la seule partie « autorisée » de la population ? Pourquoi tous acceptent si facilement de jouer devant des spectateurs qui présentent un pass sanitaire, vaccinal à l’entrée ? Pourquoi ne se sont-ils pas élevé d’une seule voix ? Ils ont la chance d’être écoutés à grande échelle, de pouvoir porter un discours, pas moi, pas nous.

J’ai l’impression que, oui les belles paroles c’est facile, et ça touche, ça galvanise, moi la première mais s’il n’y a pas d’action en accord avec ces paroles, tout est mensonge. Et pire aujourd’hui j’ai l’impression qu’il n’y a même plus de parole (à part Akenathon qui débat seul comme il peut mais bon..). Et quant aux salles, quant aux organisateurs, c’est exactement pareil. Comment a-t-on pu se laisser victimiser autant ? Comment a-t-on accepter si facilement d’être les dindons de la farce sanitaire ?

Par chez moi je ne connais qu’une salle (de musiques actuelles) qui a essayé d’avoir un discours et une politique d’accueil différente, refusant de demander le pass des spectateurs : ça a duré 2 mois l’été dernier, en septembre elle est revenue dans les rangs comme tout les monde, et pour des raisons entendables : pression des subventionneurs publiques. Mais surtout parce qu’on est dans le « quoi qu’il en coûte », dans le « c’est mieux que rien », il faut qu’il se passe quelque chose chez nous, tout comme les artistes, quand même c’est bien on peut jouer à nouveau. Mais tout ça n’est que égo et pensée individuelle.

Pourquoi au sein de ce milieu personne n’a réussi à se mettre ensemble, à résister ensemble ? Alors que j’ai l’impression que tout le monde est contre ? Pourquoi tout le monde a accepté du jour au lendemain de changer ses plans ? Je me rappelle encore de la newsletter du festival d’Art Rock au 13 ou 14 juillet, je ne sais plus, qui juste après le discours du Macron, décide de passer l’accessibilité de tous ses concerts avec pass sanitaire obligatoire, alors qu’il avait réservé certains endroits accessibles au tout public. Parce que, du jour au lendemain on leur a dit que la jauge des 500 spectateurs autorisés sans pass n’était plus valable.

C’est pareil pour les festivals qui ont dû annuler leur édition en janvier 2022, tout d’un coup les concerts debout étaient à nouveau non autorisés.. mais ah oui heureusement c’est re bon pour mi février !

Mais depuis quand ce milieu fait tout ce qu’on lui demande sans réfléchir ? Comment ne peuvent-ils pas voir que personne ne va les récompenser pour leur docilité ? Et après on s’étonne qu’on ne vienne plus au concert. Je n’arriverai jamais à laisser quelqu’un à la porte parce qu’il n’a pas fait un vaccin… Je ne comprends pas pourquoi cette force culturelle, artistique n’a pas fait corps, ne s’est pas unie pour se lever ensemble et désobéir.

C’est bien beau les belles paroles ou les « on n’a pas le choix, sinon on a plus d’argent » mais au final la perte est tellement plus grande pour ce qui reste d’humanité chez nous. Je ne vais plus dans ces endroits car je refuse de jouer ce jeu-là où je me suis toujours sentie si libre et comprise. J’en étais triste pendant longtemps mais aujourd’hui je me dis qu’eux aussi, ceux que je considérais comme ma famille d’âme de cœur, ont abandonné, m’ont abandonnée, nous ont abandonnés.

Je ne sais pas si vous lirez ce message mais il est écrit sans agressivité, juste avec beaucoup d’interrogations c’est vrai, mais avant tout l’envie de faire entendre une voix et d’échanger avec vous. »

Audrey Petit