À la question – existentielle – de savoir quel est l’artiste le plus cool du monde, la plupart des jeunes répondrait Mac De Marco. Ou Kevin Parker. Peut-être même Todd Terje, ou Dave Gahan (ça c’est surtout si vous demandez à votre mère). En fait, il semble que personne ne soit vraiment d’accord, et c’est peut-être parce que la question n’a pas de sens. Mais c’est peut-être aussi parce que les gens que vous avez interrogés ne connaissent pas Parcels. Du moins, pas encore.
Il paraît que vos influences sont très variées : certains d’entre vous préfèrent le disco, le funk ou la house tandis que d’autres ont joué dans des groupes de metal ou de folk. Comment ça se fait que vous vous soyez tous retrouvés dans un groupe pop ?
Noah Hill (basse) : Quand tu fais de la pop, il n’y a pas vraiment de règles à respecter, mais une infinité de possibilités. La pop est sûrement le genre musical le plus difficile à cerner parce qu’elle traverse tous les styles et toutes les générations. D’une certaine façon, on pourrait presque dire que tout est « pop ». C’est pour ça qu’elle est fascinante, et c’est ce qui nous a attiré au départ.
Patrick Hetherington (claviers) : C’était aussi un challenge parce que tu te rends vite compte que la musique que tu pensais être la plus simple est en réalité la plus difficile à faire.
Après seulement un EP ensemble, vous aviez décidé de quitter l’Australie pour Berlin. C’était un pari risqué, non ? Vous étiez encore très jeunes…
Anatole “Toto” Serret (batterie) : À l’époque, on arrivait à la fin du lycée. C’était le début d’un nouveau cycle. Un peu comme pour tout le monde, en fait : certains partent faire leurs études à l’étranger, nous, c’était la musique à Berlin. Et puis l’Australie est tellement isolée, tellement loin du monde. Finalement, je crois qu’on avait juste envie de partir.
Noah : Je ne pense pas qu’on soit partis avec un objectif précis. En tout cas, ça ne nous a pas semblé risqué, parce qu’on n’a jamais vraiment réfléchi à ce qui allait se passer ensuite. C’était une aventure et nous n’avions rien à perdre de toute façon.
Dans une interview pour le Terminal Boredom, le guitariste des Straight Arrows, un groupe de garage australien, expliquait que le public local était moins enthousiaste et peut-être moins réceptif que le public européen. Vous êtes d’accords avec ça ?
Noah : C’est en partie vrai, et c’est assez contradictoire d’ailleurs parce qu’il y a toujours eu plein de supers groupes en Australie. Encore plus aujourd’hui avec Tame Impala, Pond ou The Murlocs. Donc il y a forcément des gens qui sortent en concert, qui vont écouter et supporter les artistes. Mais, effectivement, les fans sont peut-être un peu moins chauds qu’en Europe ou qu’en Amérique. En tout cas, ce n’est pas ce n’est pas ça qui nous a décidé à partir.
Le mec disait que, pour cette raison (mais aussi pour des raisons géographiques par exemple), il était plus difficile de tourner en Australie qu’ailleurs.
Noah : Ce qui est sûr, c’est qu’il y a vraiment un super état d’esprit en Europe, surtout en Allemagne et en France. Les fans, mais aussi, plus généralement, les gens dans l’industrie musicale, sont très encourageants. Ils nous donnent les moyens de réussir. En Australie c’est plus compliqué… C’est un peu du chacun pour soi. Tu n’es pas vraiment aidé, ni financièrement, ni matériellement. Il faut tout faire soi-même.
Vous avez quand même pas mal galéré en arrivant en Europe, non ?
Anatole : Ça fait environ deux ans maintenant, et on a parcouru pas mal de chemin depuis. C’est vrai qu’on est beaucoup mieux aujourd’hui, mais à l’époque, on n’avait pas l’impression de galérer.
Noah : Il y avait encore ce sentiment d’aventure. On a vécu à cinq dans un appart minable, mais, avec l’excitation du départ, ça ne nous paraissait pas particulièrement difficile. A ce moment-là, on aurait surmonté n’importe quel obstacle parce qu’on se disait que ça faisait partie du truc. C’était même drôle, en un sens.
Vous dites avoir pas mal évolué depuis votre arrivée. Pensez-vous que l’atmosphère de la ville, et en particulier sa scène techno, ont joué un rôle dans cette évolution ?
Patrick : Un peu, oui. D’une manière générale, on est influencés par notre environnement musical, par la musique d’aujourd’hui. Pas seulement par la musique qu’on écoute et qu’on aime.
Anatole : A Berlin, on a surtout découvert le monde de la fête. La culture de la danse, sur laquelle repose la scène électro, y est très développée. Et, à mon avis, si notre musique a été influencée par la techno, c’est plutôt de ce côté-là. D’une certaine manière, ça doit se ressentir en live. On cherche vraiment à faire danser les gens.
Votre musique est aussi très influencée par le son des années 70-80. C’est le cas pour beaucoup de groupes aujourd’hui, avec tous les phénomènes de revival. Est-ce que ça signifie, d’une certaine façon, que l’époque que l’on est en train de vivre est moins intéressante que le passé ?
Noah : C’est surtout très difficile d’être original aujourd’hui. Tous les genre musicaux ont déjà été explorés à fond au cours des cinquante ou soixante dernières années. La seule chose que tu puisses faire finalement, c’est d’aller chercher les trucs cool du passé, pour les retravailler en y intégrant des éléments modernes, issus d’autres genres musicaux par exemple. C’est comme ça que tu peux arriver à une certaine forme d’originalité.
Simon Reynolds, un rock critic anglais, a analysé cette tendance, qu’il appelle Retromania, à toujours regarder vers l’arrière et à considérer que « c’était mieux avant ». Pour lui, cette tendance limite la créativité. Vous en pensez quoi ?
Anatole : Il y a beaucoup de choses géniales qui ont été faites dans le passé et je ne vois pas pourquoi on devrait les ignorer et ne pas s’en inspirer.
Patrick : De toute façon personne n’est jamais arrivé avec un truc tout neuf. C’est impossible, tout le monde est influencé.
Noah : D’ailleurs il arrive qu’en essayant de reproduire quelque chose, tu te retrouves avec un truc complètement différent et assez original, pour le coup.
A la fin du bouquin, il retourne un peu la question en montrant que, si nous sommes si nostalgiques, c’est peut-être aussi parce que notre époque manque d’une certaine énergie créative… C’est le cas aujourd’hui ?
Anatole : Au contraire, notre génération est l’une des plus créative qu’il y ait eu. Avec toutes les technologies dont on dispose aujourd’hui, il y a plein de moyens différents pour créer de nouvelles choses. Mais je ne suis pas sûr que les gens s’en soient pleinement rendus compte pour l’instant.
Noah : Et puis la technologie ne s’arrête jamais, il y’a tout le temps de nouvelles avancées. La société est beaucoup moins limitée qu’elle ne l’a été. C’est aussi valable pour la musique : via YouTube ou les plateformes de streaming, tu peux avoir accès à n’importe quel morceau ou n’importe quel album complètement introuvable avant.
Justement, Reynolds montre aussi que la technologie est surtout utilisée pour diffuser la musique, et moins pour la faire.
Anatole : C’est surtout que, avec toutes ces nouvelles technologies, il y a plus de musique aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu auparavant. Je ne dis pas forcément que c’est une bonne chose – il y a pas mal de merdes parmi tous les trucs qui sortent aujourd’hui – mais ça montre bien que notre génération est capable de créer.
Noah : Il y a tellement de musique aujourd’hui, c’est dingue. A l’époque, il fallait absolument passer par un label pour sortir un disque. Très peu de groupes avaient la chance d’être repérés. Aujourd’hui, n’importe qui peut produire un morceau, le poster sur YouTube ou sur Soundcloud et accéder à une certaine visibilité.
En parlant de label, vous êtes chez Kitsuné, un label français. Comment ça s’est fait ? Comment avez-vous été repérés ?
Anatole : C’est un mec, un Russe…
Noah : Il était peut-être Français, en fait.
Anatole : Ouais, un Français d’origine russe disons, nous a mis en contact avec le label. Mais on ne l’a jamais rencontré.
Noah : On aurait dû, à Montpellier il y a un ou deux mois, mais il ne s’est jamais pointé. C’est très étrange cette histoire, très mystérieux.
Anatole : Juste au cas où il lirait l’interview : envoie-nous un message, on serait très heureux de te rencontrer.
Il y a aussi pas mal d’artistes français dans votre « Roadtrip DJ Set », disponible sur Spotify. Est-ce qu’on peut dire que vous êtes le plus français des groupes australiens ?
Anatole : Sûrement, oui. On a beaucoup tourné ici, et c’est comme ça qu’on a découvert pas mal d’artistes français comme Juveniles ou Bon Voyage Organisation. Bon, on connaissait déjà les Daft Punk ou Air…
Patrick : Vous faites vraiment de la super musique en France.
Pas que de la bonne malheureusement… Vous connaissez Jul ?
Noah : Non, c’est nul ?
Un peu, oui…
Anatole : Bah des artistes de merde il y en a partout hein.. Même en Australie.
Patrick : La bonne musique, par contre, c’est plus rare, et vous en avez beaucoup.
Noah : Vous pouvez être fiers.
Les Foals viennent plutôt d’Oxford en Angleterre non ?
Complètement, on a viré la mention. Merci.