De Kid Koala aux Flaming Lips, de Ratatat à PS I Love You, de Broken Social Scene à Suuns, virée montréalaise dans un bien chouette festival.
Réputé barrière infranchissable pour tout journaliste en mal d’accréditation, le festival Osheaga a bien voulu accepter de nous laisser passer à travers les buissons du parc Jean Drapeau de Montréal.
Contents que nous sommes, on vous offre même quelques petites précisions si vous ignorez tout de ce festival québécois. Il a réussi, du haut de ses 6 ans d’existence, à s’imposer comme le digne cousin canadien de festivals tels que Coachella ou Reading. Définitivement axée sur la scène indie rock mais ouvrant une fenêtre de plus en plus large à l’électro et au hip hop, la sélection 2011 nous a fait (re)découvrir un paysage musical à suivre, absolument. Compte-rendu des trois jours.
Vendredi 29 juillet
Kid Koala : Le DJ chéri des Montréalais (photo) a accepté de prendre la relève au pied levé d’un Kid Cudi, tombé malade la veille du festival. La légende ne dit pas si les organisateurs ont choisi un homonyme volontairement. Une chose est sûre, ce DJ passionné par le cinéma et la pop a livré un set joyeux, enfantin et chaleureux. Une mise en bouche légère et euphorisante.
Uncle Bad Touch : On y est allé pour voir quelle tête pouvait avoir un groupe au nom aussi évocateur. On est resté pour le son stoner rock un peu crado mais sans jamais manquer d’harmonie. On s’est aussi dit que la bassiste avait de quoi rameuter pas mal de mâles. Et on est reparti en se disant que ces montréalais avaient un petit côté « True Blood », le cajun en moins.
Broken Social Scene : Est-il encore nécessaire de présenter l’un des meilleurs collectifs d’artistes rock de ces dix dernières années ? Si tel est le cas, loin de vous jeter la première pierre, on vous dira juste que même si Feist manquait à l’appel, les Torontois avaient ramené tous leurs copains sur scène et que le spectacle offert au public a été savouré à chaque minute. Mention spéciale pour leur reprise de « The World at Large » de Modest Mouse qui a fait trembler pas mal de genoux. L’émotion, que voulez-vous…
Janelle Monae : Découverte aux Transmusicales de Rennes en décembre dernier, il devient impossible à chacune de ses prestations de nier le talent de la jeune chanteuse. Avec un spectacle qui tient tout autant du show que de la performance vocale, la protégée de Kanye West a ébloui tout le monde avec sa reprise d’« I Want you Back » des Jackson 5.
Timber Timbre : À n’en point douter, le trio ontarien implanté à Montréal n’aime pas trop la foule. C’est dommage parce qu’elle le lui rend mal. Complètement cachée du public par un jeu de fumée et de lumière, la prestation de Timber Timbre avait quelque chose d’un morceau de fin du monde. Secrète, confidentielle, un peu comme un épisode de Twin Peaks. A la fin du concert, les lumières s’abaissant un peu plus à chaque chanson, on ne saura toujours pas qui a tué Laura Palmer. Mais on sait pourquoi Timber Timbre se taille discrètement mais sûrement une place à côté de Bon Iver ou Antony & the Johnsons.
Eminem : Difficile de clôturer cette journée sans parler du concert le plus attendu d’un grande partie de la foule présente aujourd’hui. Soit je vous dis que c’est effectivement quelque chose que de voir une star de cette envergure sur scène, que tout est réglé au millimètre près et que le fait de jouer devant un public conquis n’aura pas empêché le rappeur de se donner à fond. Soit je vous dis que j’ai trouvé ridicule l’acharnement du vieillissant Marshal Matters à hurler « Montreaaaal » entre chacun de ses tubes, le tout généreusement accompagné de vidéos permettant à tous de savoir quels moments étaient poignants, quels étaient ceux où il fallait remuer du bassin. Tous les classiques y sont passés, de Stan à Slim Shaddy. Soit 38 000 personnes extatiques. Navrée d’être hermétique.
Samedi 30 juillet
Deuxième jour de festival pour les Montréalais avec un programme pour le moins chargé, un peu comme les festivaliers, en somme.
Tokyo Police Club : Ahhh, les joies de la pop pour démarrer cette belle journée… Des troupeaux d’adolescents en fleurs déguisées en hipsters s’ébattent sur la pop-rock sucrée du quartet de Newmarket (Ontario). Ça sautille, ça se fait rafraîchir les idées par les canons à eaux, c’est efficace et bien ficelé. De là à vous dire que c’est une révélation…
The Mountain Goats : rock-pop toujours mais avec un brin plus d’expérience. Sur la scène des arbres, à des lieux des deux scènes principales, au sens propre comme au figuré, les Mountain Goats rappellent un peu Turin Brakes, un petit côté Nashville- Tennessee en plus. Le chanteur a une dégaine de prêtre baptiste. Ce qui a l’air de convertir mollement les spectateurs.
Twin Shadow : Est-ce que le soleil donne vraiment la même couleur musicale à tous les groupes ou est-ce l’absence d’alcoolisation à presque 17h qui empêche une distinction claire des genres ? Quoi qu’il en soit, certes les Twin Shadow s’avèrent être dans la mouvance pop qui plane sur Osheaga depuis quelques heures, mais ne cachent en rien leur influence cold wave. Ce qui donne un heureux mélange quand on sait que leur dernier album a été produit sous la patte du Grizzly Bear Chris Taylor.
Suuns : Le premier concert qui viendra vraiment rompre l’atmosphère sage et sucrée de ce samedi. Le quartet originaire d’un quartier mal famé de Montréal arrive à faire passer à travers ses riffs concrets et puissants une poésie de bitume. Un rock brutal et mélodieux sans jamais verser dans le sentimentalisme. Des nappes déstructurées, un chanteur sans doute plus bercé par Tim Burton que Tim Horton et au final, une musique qui peut aussi bien rappeler les meilleures heures de Sonic Youth que de Blonde Redhead.
Sia : Si il faut avouer qu’elle a un peu vieillit, celle dont le succès est arrivé avec « Breathe me » (le morceau clôturant les 5 saisons de « Six feet under »), rien ne laisse deviner une quelconque trace de fatigue. Loin de ses bluettes fragiles, la chanteuse s’est avérée être une reine du dancefloor, offrant à un parterre conquis un concert résolument festif et disco-pop. Ce qui a comblé un public déjà fort… gai.
PS I love you : Rappelons un détail spatial avant de parler de leur musique. La scène des arbres a été tout au long de ce festival le repaire des parents bobos en manque de découverte, des accros de la wayfarer et de quelques punks. Pourtant, les arbres ont abrité l’une des plus agréables découverte de cette édition. Avec une formation réduite au minimum, le duo basse/batterie de Kingston, Ontario produit un mélange de garage/pop/grunge ahurissant. Il y a fort à parier que la reine du bal de promo serait effrayée par les aveux déstructurés du bedonnant chanteur à la voix haut perchée. Daria, elle, adorerait.
Anna Calvi : tout ce qui a déjà été dit sur le petit bout d’anglaise nerveuse qui s’est présentée devant les canadiens ce soir est vrai. Une musicalité impressionnante et une recherche de l’énergie brute et juste, le tout dans une aura discrète mais indéniable. La dernière à nous avoir fait pensé à ça était PJ Harvey. Rien de moins.
Ratatat : Si Elvis Costello squattait la grande scène devant un public composé de fans et d’absents, les rois de la soirée furent sans conteste Ratatat. Beaucoup ici les nomment les nouveaux Daft Punk, (en même temps, depuis 10 ans, qui n’a pas été appelé le nouveau Daft Punk ?), alors qu’en fait le duo new yorkais n’a besoin d’aucune comparaison. L’omniprésence de la guitare vient nourrir leur set électro et crée une forte dépendance chez tous ceux qui ne souhaitent que danser.
Dimanche 31 Juillet
The Sounds : Les Suédois ne peuvent en aucun cas nier leur ressemblance avec Blondie. Que ce soit dans la gestuelle et le physique de leur chanteuse ou dans leur arrangement échappés des 80’s, ce groupe là a tout de même réussi à faire bouger les quelques courageux qui avaient décidé d’assister aux concerts avant la tombée de la nuit. A mi-chemin entre No Doubt et Olivia Newton-John, la musique des sounds est capable de remplir une discothèque d’adolescent en moins de temps qu’il n’en faut pour dire rhum/coca.
The Pains of being pure at heart : Avec un nom si romantique, les New-Yorkais dressent d’entrée le tableau et proposent une pop qui flirte gentiment avec la noise. C’est doux, c’est mignon. On doute même que ça puisse faire du mal à un enfant. Mais on n’est aussi pas très loin du easy listening formaté pour « Colette ».
Cypress Hill : Réception triomphale pour les vétérans de Cypress Hill. Un public euphorique reprenant chacun des titres ayant fait le succès du groupe. Un concert généreux et enthousiasmant. Peu de chance de contrôle négatif au THC dans le pit.
Viva Brother : D’obscures raisons personnelles nous ont poussé à aller découvrir ce groupe. Essai transformé puisque les anglais Viva Brother offrent un rock shoegaze déstructuré et insolent. Si comme leurs aînés d’Oasis ils prônent aussi les villes un peu miteuses de Grande Bretagne, la bière et la pop, espérons que ces frangins là ne se sépareront pas de sitôt.
The Joy Formidable : Nous arrivons ici devant le dilemme de base de n’importe quel journaliste. Que faire lorsqu’on assiste au concert d’un groupe dont on est déjà extrêmement fan ? Soyons honnêtes et jetons tout reste d’objectivité par la fenêtre, avec un set malheureusement plus court que prévu, les Gallois de The Joy Formidable ont réussi à produire ce que tout le monde attendait d’eux : un pur moment de dream pop. Un rêve un peu fou, nappé d’envolée lyriques jouées la chanteuse et guitariste Ritzy Bryan et qui a gravé sur le public un sourire ridicule.
Crystal Castles : Une chose est sûre, la plus jeune partie du public a déserté la grande scène où officiait Death Cab for Cutie pour aller se frotter aux nappes distordues de Crystal Castles. Alice Glass a surfé sur le public comme à son habitude, et Ethan Kath s’est planqué sous sa capuche pour faire du mal à son Atari. La foule a hurlé sa joie. Elle était sans doute mieux rodée que moi.
Death Cab for Cutie : Nouveau dilemme de la soirée ; si la violence sonore de Crystal Castles a dépassé notre seuil de tolérance, que dire du concert de Death Cab for Cutie. Non, il ne nous aura pas violé les tympans. Mais c’est presque ça qu’on lui reproche. Au sein de la fosse, seul le passage du serveur de bière nous aura empêché de trouver le concert un peu trop sage.
The Flaming Lips : Il y a quelque chose de galvanisant à voir un groupe tant attendu se produire sur scène. C’est peut-être dans la grandiloquence des décors, digne d’un concert de U2. A moins que ce ne soit dans la confiance des artistes poussée au point de chanter devant une vidéo géante du générique des Télétubbies. A moins que ce ne soit le courage de faire du crowd surfing dans un ballon gonflable. Le fait est que les Flaming Lips ont chanté la totalité de « The Soft Bulletin » et que c’était aussi délicieux qu’une visite sous acide de la chocolaterie de Charlie.
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