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Oscar les Vacances à l’école du polyamour

Après un premier album tendrement dansant, le chanteur et multi-instrumentiste Oscar les vacances choisit de raconter le jeu périlleux du polyamour. A mi-chemin entre le jardin d’Eden et le Manège enchanté, ce voyage acoustique nous plonge dans une atmosphère nouvelle. Loin de son personnage qui joue parfois le jeu de l’arrogance, le voile se lève sur ses sens qui cogitent et les doutes qui accompagnent l’envie.

Quand Oscar m’a demandé si j’avais été inspirée par sa dernière chanson « Poly Polyamour », il m’aurait été plus facile de répondre par la négative. J’aurais pu lui rétorquer que je préfère centrer l’article sur son repas préféré, les incontournables de sa garde-robe et autres sujets qui m’auraient emmenée vers un terrain moins glissant.

Pourtant, face à cette captation qui nous le montre sous un autre jour : en une prise, au piano, dans un cadre bien plus intimiste que les neuf clips de son premier album Dansent les cygnes, j’étais partagée. Malgré le soupçon de gêne que m’a inspirée cette vidéo, je me suis dit que si ces trois minutes avaient touchées en moi quelque chose de nouveau, c’était le signe qu’elles avaient leur place dans les canaux de Sourdoreille.

Dans polyamour il y a « poly ». L’idée que l’on peut aimer plusieurs personnes à la fois, que la monogamie n’est pas la voie royale pour toutes et tous. C’est donc à trois voix que se joue cette rencontre musicale entre Florence Délu, Samuel Liger et Oscar, dont il explique qu’elle s’est déroulée tout naturellement. « Il m’a semblé évident de jouer ce trouple amoureux et lyrique avec Florence et Samuel. Déjà, j’avais très envie de les voir tous les deux en robe blanche, avec une couronne de lierre, me regardant de manière mélancolique. » Il ajoute qu’ils n’en sont pas à leur première collaboration, Florence a enregistré toutes les deuxièmes voix de son album et Samuel lui a enseigné bon nombre de chants polyphoniques venus enrichir son répertoire. « Par ailleurs, avec eux, le polyamour et l’anarchie relationnelle, ce sont des sujets qui reviennent sur la table… » Dans ce triangle polyamoureux de chants angéliques, tout le monde semble croire qu’un amour ouvert, libre et confiant est possible. Les couronnes de lierre viennent parfaire ce cadre enchanteur tout en nous ramenant au temps fantasmé des orgies romaines.

Vaste question que le chemin qui nous mène vers l’autre ; de l’amitié à l’amour, du désir à l’action, du crustacé au grand cachalot… Et voilà. Je sais pourquoi j’ai tant hésité à écrire sur ce sujet. Il m’est quasiment impossible de parler d’amour sans tomber dans des généralités ou noyer ma gêne dans de l’autodérision. Mais comme on n’est jamais seul·e même quand on croit l’être, peut-être que c’est en partie cette même gêne que cherche à nous livrer Oscar lorsqu’il répète « chez les autres, c’est facile ». Au cœur de ce banquet musical, les paroles de la chanson nous ramènent à une réalité plus concrète : pourquoi a-t-on si souvent l’impression d’être à côté de la plaque ? L’écrivaine Susan Sontag disait que le vrai art possède la capacité de nous mettre mal à l’aise. Si ce n’est pas toujours une émotion confortable, elle me semble nécessaire pour changer de regard et alléger nos malheurs respectifs.

Le confinement a perturbé bien des choses mais il n’a pas altéré la créativité de celui qui tourne en dérision le célibat autant qu’il chante l’amour sur fond de sable gris. Le fait d’être contraint à l’isolement lui a même permis de réfléchir autrement et de se distancier de l’esthétique habituelle des clips d’Oscar les vacances. « On était confiné avec les amis, et il y avait ce piano. A la base je voulais faire un clip, mais on a commencé à la chanter ensemble, en trio, et en fait c’était chouette : c’était cohérent, c’était polyamour, il ne fallait pas mettre plus d’instruments. Le clip, c’est sympa, mais ça fait aussi du bien d’avoir juste des micros, une caméra et la contrainte de tout faire en une ou deux prises. On ne peut pas trop tricher, on est un peu plus tout nus. Et du coup, on est un peu plus dans le thème. »

Au risque de perdre votre attention pendant une demi-seconde, j’aimerais faire un parallèle entre les propos d’Oscar et la Nouvelle Vague tchécoslovaque. Les cinéastes de ce mouvement cinématographique né dans les années 1960 – notamment Miloš Forman– ont été forcé·e·s de redoubler de créativité pour contourner la censure qui sévissait alors dans leur pays occupé par l’URSS. Peut-être que ce confinement et toutes les mesures qui l’accompagnent sont aussi une opportunité pour nos artistes de se poser de nouvelles questions et enrichir leurs pratiques créatives. Voire revenir à des choses plus simples comme… un cheval de bois posé sur un piano noir. Lorsque je tends une perche à Oscar pour lui demander s’il y a une symbolique derrière l’étalon à crinière blanche qui marque les premières images du clip, il est tout à fait inspiré. « Le cheval, c’est la liberté, c’est la chevauchée, c’est torride, puissant et tendre à la fois, c’est mythologique, c’est en même temps l’hippocampe et Pégase, l’eau, le vent, les éléments. […] Plus sérieusement, ce jouet-cheval traînait dans un placard de ma grand-mère. Je me suis dit que ça ferait stylé. »

L’ambiguïté est au cœur du projet musical et visuel d’Oscar les Vacances et, parfois, on ne sait pas vraiment quoi penser. Heureusement, le temps des cours de français où l’on ne dit rien de peur de se tromper est maintenant derrière nous et l’on dispose aujourd’hui de nouveaux espaces pour faire des erreurs librement. En regardant « Poly Polyamour », je me suis demandée quelles étaient les intentions d’Oscar et si il était normal que l’on ait parfois l’impression de regarder une scène interdite par le trou de la serrure. Il semblerait que lui-même ne soit pas toujours conscient de sa propre histoire, ce qui explique que les spectateurs ne savent pas toujours où se mettre. « A mon sens, c’est toujours une histoire de degré et d’ambiguïté ; j’aime bien ne pas trop savoir dans quoi je mets moi-même les pieds, du coup il y a des choses qui restent floues, contradictoires. Même s’il y a des images, il n’y a pas de clé de compréhension. Tu imagines aussi, s’il fallait que j’inclue tout le monde dans une histoire polyamoureuse, ce serait la galère… »

Une chose est sûre : dès la première écoute, cette chanson reste en tête comme la rengaine du marchand de beignets, l’été à la plage. On se détend et on songe au monde d’avant. Honnêtement, en écoutant les harmonies finales, je me suis sentie si légère que j’ai cru que j’allais m’envoler de ma chaise de bureau. Mon seul regret est qu’il n’y ait pas un troisième couplet qui vienne préciser les expériences décrites. Peut-être que l’on en saura plus dans les chansons de son prochain album ? « Je compose plusieurs nouvelles chansons en ce moment, j’aimerais sortir un nouvel EP courant 2021. J’avance aussi sur mon set live grâce aux résidences, malgré tous les concerts et premières parties reportées (Ma Pauvre Lucette, Volo…). Et à côté de tout ça, j’ai plusieurs projets tout-à-fait excitants, notamment un court-métrage expérimental sur les pigeons, et une série en dessin animé sur les dealers de cannabis. On s’amuse comme peut ! »

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Nathalie J 21.12.2020

J’adore tout simplement merci Oscar les Vacances pour cette douce folie dépressionnaire

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