Blogs, médias traditionnels, associations, zincs de cafés, politiques… Tout le monde ou presque a donné son avis sur le cas Orelsan, rappeur de Caen au coeur d’un polémique nourrie de toutes parts. Perso, je n’avais pas envie d’en rajouter une couche sur Sourdoreille. Jusqu’aux derniers événements, assez alarmants.
Tout commence la semaine dernière, lorsque le Confort Moderne, salle de musiques actuelles de Poitiers à la programmation curieuse et peu consensuelle, décide d’annuler le concert d’Orelsan. Le couperet est tombé après un débat au sein du conseil d’administration, long de six heures.
L’ équipe du lieu se disait « tiraillée entre le fait de censurer une représentation artistique et donc trahir une déontologie professionnelle ou risquer d’amplifier la souffrance déjà exprimée par un geste qui ne pourra être considéré par les concernées que comme une provocation supplémentaire ». Finalement, l’association a choisi la première option. Exit Orelsan. « En résumé, faire le choix de l’humain, et pas celui de l’art. »
Un choix discutable, pour deux raisons. D’une part, l’équipe de programmation se réfugie derrière le fait qu’elle ait programmé l’artiste sur une simple écoute de quatre titres du nouvel album. Et qu’elle n’a découvert le clip « Sale Pute », objet de la polémique, qu’après la levée de boucliers sur le net. Du coup, machine arrière… On friserait presque la faute professionnelle.
Deuxième élément troublant : l’équipe n’a pas hésité à programmer des groupes aux textes hautement misogynes, comme TTC ou le MC Grem’s.
A quelques kilomètres, au Printemps de Bourges, l’histoire quitte le domaine artistique pour investir, une fois de plus, le champ politique. Le président socialiste de la Région Centre, François Bonneau, annonce le retrait de la subvention (380.000 €) allouée au festival en cas de maintien du spectacle d’Orelsan, le 25 avril. Un chantage scandaleux. Face à cette menace, le directeur Daniel Colling n’a pas courbé l’échine. Et fait bloc.
Alors bien sûr, le Printemps a des ronds, contrairement à d’autres festivals qui, face à une telle menace, auraient sûrement mis en jeu leur pérennité. A Bourges, la question dépasse le financement. « Le Printemps de Bourges estime qu’il n’a pas à être complice d’un véritable tribunal populaire qui tente de se substituer à la justice dans un Etat de droit. L’équipe du Festival constate par ailleurs que le clip et le texte de cette chanson, diffusés sur de nombreux sites Internet depuis 2 ans, n’ont fait l’objet d’aucune mesure d’interdiction. »
Le problème se situe peut-être là. Oublié sur la Toile pendant deux ans, Orelsan, ses textes crus et la liberté d’expression sont subitement sacrifiés sur l’autel des bonnes valeurs. Les politiques qui déversent leur bile sur la casquette de ce rappeur n’ont, par contre, pas hésité à voler au secours de Charlie Hebdo dans la tourmente des caricatures…
Merci Mario. Merci de retenir et de souligner ce qu’il y a à sortir de cette fausse affaire. Les commentaires moralisateurs navrants de certains articles liés à Orelsan m’amènent vraiment à me poser des questions sur l’état de la liberté d’expression en France.
Alors quand un président de région soit disant de gauche vient brandir la menace budgétaire en guise de chantage, on peut tout simplement se demander qui fera les programmations des festivals à l’avenir. Juste lamentable!
De plus, pourquoi un tel buzz autour d’un artiste alors que comme tu évoques très bien TTC ont enflammé le Phénix y’a 4 ans avec leur Girlfriend sans un bruit? Et quitte à tout prendre au premier degré, alors, le « Pour oublier je dors » des fabuleuses Mansfield Tya à l’honneur du printemps cette année aussi serait-elle une incitation crue au crime conjugal parfait?
On peut aimer ou détester Orelsan, là n’est pas l’enjeu du problème. Juste BRAVO au Printemps de résister à ces pressions politiques et populaires dignes d’une autre époque. Avec de tels débats, la France descend bien bas…
Etant un farouche partisan de la liberté d’expression (totale et sans restriction), je ne peux que m’attrister d’un tel épisode.
Pour le cas d’Orelsan, un peu comme avec la banderole des supporters du PSG contre Lens, j’aurais envie de parler de « droit au mauvais gout ». Car après tout, ce n’est que ça !
On est dans la provoc, dans l’excès, dans la volonté de choqué et d’être outrancier, quitte à blesser. C’est peut être pas malin, c’est sûrement pas fin, mais ça doit rester autoriser. Autoriser juridiquement (et ça l’es puisque le gugus n’a pas eu de condamnation) mais aussi autoriser dans la pratique. C’est en cela que la position du Confort Moderne et du maire de Bourges sont assez flippants.
Enfin, là ou l’histoire devient encore plus ironique : c’est qu’au final, ceux qui veulent « combattre » cet artiste qu’il juge scandaleux et dangereux, sont ceux qui lui font la meilleure promo possible. En s’érigeant en garants des valeurs morales, ils pensent être en accord avec leur conscience mais au final, ils permettent aux textes en question d’avoir une visibilité maximale.
Alors que sincèrement, la chanson « SAle Pute », n’a vraiment qu’un intérêt très limité : textes vraiment très moyens et composition au raz de paquerette. Orelsan a pourtant des compos bien plus interessantes.
Joli paradoxe que « grâce » à une chanson merdique et une morale toute aussi merdique, un artiste arrive à se faire connaître du plus grand nombre….
Sans même parler de « liberté d’expression » au sens fort, faut quand même souligner que « sale pute » c’est de l’humour au 4ème degrés, ce qui n’est pas ou peu le cas de TTC où là on est dans la provoque agressive juste. Plus globalement, cet article est bien écrit, il y a tout dedans, enfin l’essentiel : les institutions « musiques actuelles » ne représentent plus, ça devait arriver, maintenant elles se protègent. Et comme dirait « Alex », le lion dans Madagascar : « Tu ne mords pas la main (qui te nourrit) ! » n’empêche ça ouvre une belle perspective sur l’avenir, que ceux qui, eux, n’ont rien à perdre, entrent en action. Marre des moralisateurs !