La semaine dernière s’est tenue à Paris la 8e édition du Pitchfork Music Festival. Au Pitchfork Avant-Garde, au main event du week-end ou pendant les After-Parties, comme chaque année, se sont succédé de très bonnes découvertes, des moments où on se demande ce qu’on fout là, de vives douleurs anales en regardant le prix de la bouffe et de l’alcool, des instants full love en after et des envies de mettre des gros coups de talons sur les dizaines de smartphones qui poussent comme des champis à chaque début de morceau pour immortaliser une soirée qui finira aux objets trouvés. Pour ça, on a envoyé un rédacteur fan de hip-hop et de house au combat. Désolé les rockeurs, on revient vite.
Je suis ressorti encore bien rôti de cette semaine de concerts passée au milieu d’une forêt de Vans noires. Sans doute les nouvelles Stan Smith de cette fin d’année 2018.
Si je réfléchis très fort pour garder le principal, j’aurai vu à la louche deux tracks de Jpegmafia et de Biig Piig, des super lives de Jimothy Lacoste et Kojey Radical, fait une impasse sur la soirée du jeudi, un Blood Orange de loin, un Bagarre de près… Quoi d’autre ? Kaytranada, Gabe Gurnsey, Honey Dijon, Muddy Monk, Bon Iver pendant un quart d’heure, Jeremy Underground et DJ Koze, c’est à peu près ce qu’il s’est passé pour moi pour cette édition 2018. Et j’entends déjà gronder chez les trolls le bruit de leurs petits doigts crochus tapant, cachés derrière leur rouleau de Sopalin, des commentaires acerbes et éclairés de type : « Quoi t’as pas assisté aux sets d’Étienne Daho, Mac DeMarco, John Maus, CHVRCHES, Lewis Ofman, Peggy Gou, Avalon Emerson ou encore Daniel Avery ? » Et bah non ! Je ne peux pas tout faire, je reste un humain et surtout je ne vais pas vous raconter l’intégralité du festival en 8000 signes.
Même si le Pitchfork Music Festival n’ouvre officiellement ses portes que le jeudi soir à la Grande Halle de la Villette, ça commence en réalité dès le début de la semaine avec le Pitchfork Avant-Garde. Au Café de la Danse, au Réservoir, au Pop-Up du Label ou encore au Badaboum, l’objectif comme son nom l’indique, est de découvrir et de mettre en avant des artistes encore trop confidentiels pour les scènes Pink et Green du week-end. Je ne vais pas parler des deux morceaux de Jpegmafia et de Biig Piig que j’ai réussi à gratter en arrivant à la bourre, à part qu’il faut vraiment aller digger ses deux artistes. Jpegmafia est complètement zinzin sur scène, et le public a eu l’air d’apprécier ses appels grinçants à tuer des flics et à chier dans le cou des racistes et des hipsters.
Je vais plutôt m’attarder sur celui qu’on pourrait qualifier du « génie » de la semaine : Jimothy Lacoste. Le Londonien de dix-neuf ans, qui s’était fait connaître avec « Getting Busy » en 2017, a réussi à réunir Beyonce et Hamza dans un même corps pour lâcher une trentaine de minutes de show (en même temps il n’a que sept morceaux au compteur) entre romantisme naïf, discours anti-drogues et passion pour le métro de la capitale anglaise. Toujours sapé à base de Ralph Lauren, Burberry et Lacoste, ses trois marques préférées, l’auteur-producteur de Camden danse non stop sur une planète lo-fi / vintage faite de gimmicks comme « Life is getting quite exciting ». Au début, sa bedroom pop à moitié rappée fait sourire, et à la fin, tu te dis que si Complex, The Guardian ou The Fader en ont parlé cette année, et qu’il a été invité par Boiler Room en septembre dernier à Londres, ce n’est peut-être pas pour rien.
Mercredi 31 octobre, retour au Badaboum pour une deuxième soirée Avant-Garde. Toujours à la bourre et préférant privilégier la qualité à la quantité, je vais me focus sur le set de Kojey Radical. Comme son compatriote Jimothy Lacoste, le Londonien de vingt-cinq ans retourne la bonne demie-heure qui lui est allouée pour finir en sueur, sur « Water » (présent sur la soundtrack de Fifa 19) et « If Only », laissant un public aussi chaud que Jean-Vincent Placé en after, les punchs racistes et misogynes en moins. Celui qui se définit comme un rappeur avec une conscience sociale plus que comme un rappeur conscient passe la moitié de son concert torse nu, un holster sur le dos comme pour nous montrer qu’il est prêt à nous envoyer des grosses bastos et nous faire oublier qu’il ne sortira pas d’album avant quelques temps. Après ses récents feats avec Mahalia, Swindle, Juls, Ghetts ou encore Jay Prince, à qui il peut d’ailleurs faire penser à certains moments, j’ai bien hâte de me manger une petite rafale.
Comme précisé plus haut, je fais l’impasse sur la soirée d’ouverture du jeudi à la Grande Halle de la Villette, pour me laisser directement glisser à celle du lendemain qui sur le papier doit se terminer très tard. À mon programme de mec pas ouvert sur la pop et le rock indé : Bagarre, Blood Orange, Kaytranada, Perel, Gabe Gurnsey, Honey Dijon et DJ Seinfeld.
Il est 21h20 et Bagarre débarque sur scène pour ce qui est le moment qui a fait bouger le public dans le week-end. Qui de mieux placé qu’une fan rencontrée au hasard dans le public pour en parler ? « J’ai sué en dansant, ce qui est toujours bon signe pour un live. Ça m’a impressionnée qu’ils aient réussi à faire autant bouger le public du Pitchfork parce que c’est assez rare. »
L’envie d’une soirée éternelle s’annonce à moi, comme un murmure à peine couvert par les subs. Après Bagarre, et une fin en cassage de guitare par La Bête, direction le bar pour une pinte d’Heineken. Ça part ensuite en excursion au Playground, le village en somme, composé d’un espace avec des balançoires, d’un bar, du Coco Beach Hotel pour ceux qui sont chaud du blind-test, d’un espace karaoké et de deux cabanes dans lesquelles en binôme et avec des talkies-walkies il était possible de gagner des vinyles. Pas ma came. Ah si, il y avait Chromeo avant Bagarre. On en parle ? Non. Comme Blood Orange qui pourtant avait mes faveurs sur le papier. Son rap nuageux et éthéré souvent accompagné de clips à l’esthétique à la Boyz In The Hood, marche mieux (ceci n’engage que moi) en sirotant un verre chez soi qu’en live devant un public qui a sans doute tout donné pendant Bagarre.
À partir de là, tout va très vite. Doit-on y voir un lien avec le fait que de la drogue s’est glissée à peu près à ce moment-là sous ma langue ? On est pas dans Making a Murderer et le bénéfice du doute est avec moi. Kaytranada arrive et lâche un set dont il a le secret à base de brisage de nuques, apparemment c’est ça qu’il faut dire quand on parle d’un DJ très connu. Ensuite, c’est la grosse glissade. Direction l’after au Trabendo avec Perel, Gabe Gurnsey, Honey Dijon et Dj Seinfeld. Tout ce que je sais c’est que l’Anglais Gabe Gurnsey (du groupe Factory Floor), dont le premier album solo Physical est sorti cette année, déborde sur le timing pour envoyer une fin de set de zinzin 90’s à base de batterie. Le tout sous les yeux de Honey Dijon qui attend patiemment de prendre les commandes. Déjà Honey Dijon à jeun, ça marche bien mais là je vous laisse imaginer les deux heures pleines d’amour, de house et de disco que j’ai passée. Des transitions de l’enfer, pas un instant de répit, une envie irrépressible de danser toute ma vie et un Uber à douze balles. Fin de chantier.
Le lendemain, après avoir bu un Ice Tea pour lequel j’aurais pu faire un cunni à ma mère et une journée à rechercher la confiance partie avec mon taux de sérotonine, je me retrouve devant Muddy Monk. Le Suisse dont Longue Ride, son nouveau projet, sort le 9 novembre, droppe un set dément dont je mets un moment à me remettre. Non, c’est faux mais c’est bien quand même, surtout à 18h. Ses appels nostalgiques à la rêverie et à l’évasion, comme autant de caresses sur mes joues de trentenaire cherchant un sens à sa vie, font l’effet de… mais qu’est-ce que je raconte ?
Après ça, c’est le néant pendant trois heures. Je crois que je ne suis définitivement pas prêt pour des artistes comme Snail Mail, Stephen Malkmus & the Jicks ou encore Bon Iver. Bon Iver qui d’après le nombre de spectateurs et leur réaction face aux morceaux totalement réarrangés pour la scène, laisse à penser que c’est un des meilleurs set du samedi. Personnellement, je tiens quinze minutes. Mon objectif de la soirée est de tenir jusqu’à celui d’Avalon Emerson avec entre-temps Jeremy Underground, DJ Koze et Peggy Gou. Mon corps en décide autrement et après avoir assisté à une bonne partie du set de Dj Koze, terminé ping-pong, je prends un des derniers métros et rentre me coffrer.
Crédits photo en une : Alban Gendrot
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