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Novo Amor, le syndrome du mec trop doué

Novo Amor est peut-être ce qui est arrivé de mieux à l’indie folk depuis un bail. Entre ballades intimistes et envolées épiques, le projet du chanteur et multi-intrumentiste Ali John Meredith-Lacey fait souffler un vent romantique qui vise directement au cœur. Rencontre.

Ali John Meredith-Lacey est un garçon humble et timide. On retrouve le Gallois juste avant qu’il monte sur la scène du Fuzz’Yon dans le lobby de son hôtel Mercure. Les canapés en cuir anonymes et la lumière orangée forment un cadre déplacé pour un artiste qui évoque plutôt les fjords, les grands lacs et le souffle du vent. Le personnage, lui, est en adéquation avec sa musique. Casquette sur la tête, chemise lose, converse allstar, barbe de trois jours. Sa personnalité réservée, un peu maladroite, touchante, l’est aussi. On le sent peu à l’aise avec l’exercice de l’interview. C’est sans doute parce que, comme l’explique Andy Inglis, son manager, : « on connaît un certain succès avec pourtant quasiment aucun relai médiatique, surtout en France ».

C’est qu’ils ont dû devenir sourds. Ou n’avoir de regard que pour les artistes préformatés, hyperactifs et hyperconnectés dont l’époque semble se repaître. Novo Amor, lui, se contente de publier des chansons en béton armé dans une discographie déjà riche. « Birthplace », son premier album solo paru l’année dernière reste sans aucun doute son sommet et pour sûr l’une des plus belles choses qu’on ait entendu en 2018.

Avec ses ballades sensibles et aériennes, évoquant Bon Iver ou Sufjan Stevens, Novo Amor propose une musque sublime. Basé sur de délicats et sophistiqués arpèges de guitare ou de piano, son folk a un aspect cinématographique. Le Gallois compose comme d’autres peignent. Sachant jouer à merveille des contrastes et n’hésitant pas à traverser ses morceaux d’envolées orchestrales fulgurantes. L’auditeur est pris entre la caresse de sa douce voix chantant falsetto et la puissance d’arrangements splendides. Et rend les armes.

Skate & VHS

Alors, forcément, on a voulu en savoir plus sur cet artiste énigmatique et son parcours. « J’ai grandi dans un petit village au milieu du Pays de Galles. Il devait y avoir 2000 habitants ». Il est très vite exposé à la musique, son père ayant un studio juste à côté de la maison familiale. « Il enregistrait des groupes locaux. Il n’est jamais allé très loin avec ça, il en a profité surtout souvent pour piquer des siestes dans le studio ! Mais pour moi, y avait tous ces instruments à portée de main ». Le déclic se fait plus tard, en flashant sur le son de vidéos. « J’étais à fond dans le skateboard. J’étais fasciné par les musiques qu’on entendait sur les VHS pour accompagner les parts de skate ». Il a depuis arrêté le skate, mais la musique est restée.

A 13 ans, Ali John-Meredith Lacey se met ainsi à la batterie, joue dans plein de groupes et achète son premier ordinateur sur lequel il commence à composer et à s’enregistrer. « Plus tard, j’ai fait des études pour apprendre à produire et arranger. J’étais à fond dans la musique de cinéma. Je voulais devenir compositeur pour films ». On trouve aujourd’hui un écho de cette formation dans sa production. Mais c’est après un été passé à Woodgate, Upstate New York (dans le nord de l’Etat de New York quoi) que le projet Novo Amor prend forme. Ali John-Meredith Lacey commence à composer des chansons qui finiront sur ses premiers EP, Woodgate justement puis Alps ou Bathing Beach. « J’étais batteur avant tout, pas chanteur. En m’enregistrant, je me suis aperçu que ma voix de tête était plus intéressante, plus émotionnelle, que ma voix chantée habituelle ». Et c’est ainsi que se forgea ce qui est devenu une marque de fabrique : un chant falsetto qui va nous cueillir par sa douceur.

Capodastre & fleurs de lys

« Je suis encore nerveux sur scène », confie-t-il. « Je me trompe dans les paroles, je fais des erreurs. Je préfère le studio ». Syndrome du mec trop doué ? Car, sur scène, il en fait beaucoup plus que la moyenne. Sautant du piano à la guitare, enchaînant les arpèges complexes, les accordages ouverts et les changements de tonalité, il a fort à faire. Et pourtant, Novo Amor prend son envol. Et bluffe son monde, malgré une timidité apparente, entouré d’un groupe qui sert à merveille ses compositions. Il compte notamment dans ses rangs Ed Tullet, chanteur compositeur gallois avec lequel il a publié l’album Terraform. Lorsque leurs deux voix se mêlent, on flotte carrément dans l’extraordinaire.

« Quelles sont tes chansons préférées ? » lui demande un spectateur à la volée. « Parmi les miennes ? Well, je n’aime pas mes chansons. », répond-il. Avant de se raviser « peut-être Repeat Until Death ou From Gold ». C’est la même chose quand on lui demande de décrire sa musique : « c’est très difficile » admet-il. Essayons pour lui. Novo Amor, c’est la quiétude secrète des nénuphars, la beauté fragile des fleurs de lys, la magie discrète de la rosée. Sur scène c’est une expérience inspirante, ajoutant une transe aux accents celtiques et des transitions psychédéliques à des chansons construites avec un soin maniaque.

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Slipknot & Kacey Mulgrave

« Ce que je préfère dans la vie de musicien, c’est de voyager autour du monde. Ça et la liberté de créer la musique que je veux », confie-t-il. Et Ali John Meredith-Lacey continue de sortir des perles. En 2019, il a déjà publié deux chansons avec Gia Margaret, qui assure sa première partie sur sa tournée, et une reprise très bien vue de la chanteuse coréenne Katie Kim, I Mak Sparks. Car l’homme a des goûts plus éclectiques qu’on pourrait le penser. « Ce que j’ai aimé dernièrement ? », il dégaine son téléphone. « Slipknot, Kacey Musgrave, même si c’est un peu trop pop pour mes goûts, Gia et Pinegrove. Evan Stephens Hall est un des tous meilleurs songwriters actuels pour moi ». On s’interroge donc sur la direction qu’il compte prendre à l’avenir. « Je vais recommencer à enregistrer dès la fin de cette tournée. Birthplace était vraiment différent pour moi, plus expérimental, plus riche musicalement », explique-t-il. « Je peux vraiment devenir obsédé par des détails. J’aimerais parfois arriver à m’en tenir au strict minimum, et peut-être que j’irai dans cette direction. Ou alors je ferai un album orchestral massif ! ». Pour l’instant, laissons Novo Amor à la fin de sa tournée, où il remplit des salles entières aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Scandinavie et jusqu’en Chine. Le tout sans promo. Et réécoutons « Birthplace » pour rêver des landes tranquilles du Pays de Galles et de forêts du nord des Catskills Moutains.

Crédit photos : Daniel Alexander Harris

 

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