Il y a différentes manières de composer un album. Inventer un personnage ou se mettre à nu est une des questions premières. George Evelyn est DJ Ease et a traversé l’histoire de la musique électronique au centre du projet de Warp, Nightmares On Wax. Il vient de sortir la pièce la plus authentique de son répertoire avec son dernier album « Feelin’ Good ». Le groove électronique de cet opus lui a permis de se montrer enfin tel qu’il est : un aspirant à la tranquillité. Un entretien sans trucs ni astuces.
Qu’est ce qui a vraiment changé dans la vie de George Evelyn, noyau historique de Nightmares On Wax ? Quel est l’élément qui fait qu’au bout du septième album et (presque) vingt-cinq ans de carrière, il réalise, selon ses dires, une oeuvre authentique qui a le mérite d’avoir ses défauts mais qui ne souffre d’aucune arnaque. C’est un album plus personnel ? « Plus honnête, répond-il du tac au tac. C’est moi. C’est ce que je suis sans me cacher. Plus que jamais, j’ai fait de mon mieux pour ressentir et pas réfléchir cet album.» Ce qu’il veut dire, c’est qu’on peut tromper mille fois une personne mais pas tromper une fois… Non, on ne peut pas… Bref.
Contrairement à ce que l’on croyait, Nightmares On Wax n’est pas la toute première signature de Warp, mais la deuxième (en 1989). Cette première était alors l’oeuvre du trio Forgemasters, dans lequel on trouve Robert Gordon, co-fondateur du label ; groupe qui a produit des maxis pendant quatre ans (mais de très bonne qualité !) et qui est aujourd’hui complètement inconnu du public. On peut donc considérer, à juste titre, que la première grande réalisation de Warp fut de développer la carrière de George Evelyn. « Je suis super lié à Steve [Beckett, l’autre co-fondateur de Warp], confie-t-il, et il y a pas longtemps, il m’a demandé « t’as quelque chose en ce moment ? » et je lui ai répondu que oui. Je lui ai envoyé toutes les chansons qui sont sur l’album sauf une, qui est Be, I Do parce que j’étais trop nerveux. Quand il m’a assuré que c’était le meilleur album que j’avais fait jusque là, je lui ai fait écouter Be, I Do et il m’a dit « Whaou, ça c’est le single ! ». C’est ironique parce que je parle d’honnêteté et le morceau qui s’appelle Be, I Do est celui que j’avais le plus peur de montrer. Car il montrait tout. »
Un album-bilan, comme on écrit une page de remerciements. Le sage Nightmares On Wax ferait donc partie de ces hommes qui ont trouvé la paix de l’âme tant recherchée ? « J’apprends à l’être [en paix]. Rien n’est définitif. Le plus dur est de se maintenir, de rester, de garder. Tu penses que c’est joué quand on dit à un footballeur qu’il est bon ? Non, il faut qu’il reste bon. On oublie de rester bons. Je ne dis pas comment faire, ce n’est pas une leçon. Faire cet album, c’est juste ce que j’ai trouvé de mieux pour être joyeux. Tout le monde passe sa vie à être quelqu’un d’autre. Moi le premier. On s’invente. Je pense que l’important n’est pas ce qui nous arrive mais comment on vit avec. On a la capacité de prendre les choses du bon côté même dans les pires moments. Faire de la musique m’a rappelé quelle magie ça pouvait être. Et que ça me faisait du bien. Composer me fait du bien. Danser me fait du bien. On peut toujours prétendre aller bien mais on ne peut pas le prétendre à soi-même. »
L’art comme une guérison, comme on prend des médocs. Le principe n’est pas rare. Comme ces auteurs qui écrivent pour sortir quelque chose, comme un mal. Comme on se sent bien après avoir fait preuve de créativité ! Le but de Feelin’ Good (tout est dans le titre) serait donc de retrouver une santé ? Un remède ? « Non, ça n’est pas vraiment ça, répond-il. Les médicaments n’aident pas et je ne suis pas malade… » L’artiste refuse de le voir de cette façon, mais prend le temps de réfléchir en quoi cet album l’a aidé. Sur quoi, il réplique que « pendant la composition de cet album, ça a été l’occasion de me poser de vraies questions, je ne savais juste pas lesquelles. Je me demandais quelle était ma relation avec la musique. D’où venait cette attraction ? Comment j’arrivais soudain à composer des morceaux dont j’étais satisfait ? Jusqu’à ce que je me rende compte que c’était une question de confiance en soi. » L’art comme nécessité donc. « Je ne chante pas pour passe le temps », clamait Jean Ferrat en son temps, right ?
Des peintures qu’il expose en live avec un groupe composé des meilleurs, semble-t-il. C’est « sûrement le groupe le plus solide que j’ai jamais eu. Humainement d’abord. J’ai aussi un batteur de 22 ans que j’ai pris pour ne pas être le plus jeune (rires). Non sérieusement, ce batteur est l’un des musiciens les plus incroyables que j’ai rencontré. Il est l’exemple parfait que tout est possible en musique. Ça, c’est pour la tournée européenne et il y a un autre percussionniste pour la tournée américaine. C’est drôle parce que je ne l’ai pas encore rencontré. Mais, c’est plutôt excitant. » Une tournée à-la-cool à l’inverse des artistes qui sillonnent le globe en l’espace de quelques jours. « Quand j’étais jeune, j’avais un agenda, je devais jouer dans les clubs, j’étais partout à la fois, continue-t-il. J’ai essayé de me souvenir comment ça faisait et je ne pouvais plus continuer comme ça. Là, on prend le temps entre les dates pour se reposer et profiter. En tout cas, ça me fait énormément de bien de remonter sur scène. » Voilà un petit aperçu de ce que NOW donne en live.
Après quasi vingt-cinq ans de carrière, le DJ est toujours lié à Warp, un exemple de fidélité à notre époque. « J’ai l’air jeune, hein ? » se marre-t-il. Alors, ce qu’il en pense du label est forcément aussi sympa que s’il parlait d’un vieux pote. Warp est « fidèle à ce qu’il était. Je me rappelle qu’au début, certains disaient que c’était un label techno… mais ça n’a jamais été le cas. C’est juste un label – enfin, un label incroyable – mais ça ne veut rien dire, un label se distingue par ses techniques d’accompagnement des artistes. Warp ne se met pas au dessus des artistes, il est plus intelligent que ça : il sait rester discret. Et son histoire est folle. »
Certains parlent d’un bouquin sur Warp mais Steve Beckett ne semble pas enchanté selon George Evelyn. Il doit trouver ça bizarre qu’un trip d’une bande de potes de Sheffield soit aujourd’hui considéré comme l’un des plus avant-gardistes de son temps.
Crédits Photo : Tracey Taylor
Parfait ? comme analyse ! Jais découvert l’album smokers delight en 1996 et tout de suite jais su que j’écouterai ce jenre de musique. J’adore le style de vie cette poésie mélodique… Bravo !!!