Deux titres sur Bandcamp usés jusqu’à la lie depuis juillet. Il était temps que le premier EP de Nicolas Michaux sorte. Nicolas qui ? Ne cherchez pas, ce Liégeois – qui perd son accent lorsqu’il chante – n’a pas encore percé. Une rencontre avant un enregistrement chez Radio France permet d’en savoir davantage sur ce doux rêveur à la plume trempée de mélancolie. Surprise, on découvre un homme déterminé qui se perçoit comme un artisan. En plus d’être un artiste dans la lignée de Mathieu Boogaerts.
Deux 45 tours monochromes accompagnent la sortie de ton EP. Est-ce ton idée ou celle du label ?
C’est une vieille idée. Elle a plus ou moins coïncidé avec la sortie d’un EP dans cette masse de chansons que j’ai écrites depuis 4 ans. C’est un format qu’on aime bien avec mon manager. Guillaume tient aussi un petit label à Bruxelles qui édite pas mal de 45 tours. Moi, je voulais sortir un album mais le label préférait d’abord un EP. Vu que j’ai pas mal de chansons, ça ne me posait pas de problème.
Je ne sais pas en Belgique mais, en France, s’appeler Nicolas Michaux c’est un peu comme Julien Dupont, autrement dit le nom passe-partout qu’on oublie.
Il y a une espèce de simplicité qui me plaît. Je vais être honnête et te dire qu’évidemment, à un moment, je me suis demandé si j’allais pas trouver un nom à consonance américaine plus flatteur que Nicolas Michaux. Je suis parti vivre un an au Danemark, sans spécialement penser à la musique. C’est un projet que j’ai eu en accord avec la vie que j’avais. Les chansons s’écrivaient sans préméditation, donc ça m’obligeait à être honnête vis-à-vis de moi-même. Les chansons étant personnelles, ça me paraissait évident. Si j’étais boulanger, j’aurais gardé mon nom.
Ton visage est caché sur la pochette. On ne te voit pas non plus dans ton clip, qui laisse libre cours à des images surannées empreintes de mélancolie. Faut-il y voir une volonté de se cacher ?
Je n’ai pas une volonté de me cacher, mais je n’ai pas l’impression que mon visage représente le mieux ma musique. Je suis relativement anonyme. Si je fais la file chez le boulanger, je suis la personne qui se fait dépasser. J’écris des chansons comme un artisan. Je ne me vois pas charismatique. Sur le côté suranné, j’ai fait des études d’histoire. J’aime bien le passé, qui dit beaucoup sur nous. Les images du clip viennent de la région d’où je viens – Liège – avec des fêtes populaires encore vivaces dans les années 70, ou des métallurgistes qui vont à l’usine. Ça aussi n’existe plus vraiment. Ces images collaient avec le texte, de savoir ce que l’on fait dans les villes.
« Le sang que l’on donne pour sauver une vie est-il du sang jeté ?. » T’as écrit cette phrase un jour de déprime ou il y a un fond d’ironie ?
Ce n’est pas de l’ironie. Je n’aime pas expliquer les chansons, mais comment dire… (silence). « Nouveau Départ », devant l’enlaidissement du monde, ce sont plusieurs personnes qui rêvent d’un avenir meilleur, d’absolu, face à la misère du monde. En même temps, la métaphore du sang jeté – sans me comparer à Léo Ferré – c’est un peu comme si on se demande de vivre sa vie à Ostende [« Comme à Ostende », titre de l’anarchiste Léo Ferré sur l’existence / Ndlr]. Il m’est arrivé à un moment de ma vie de me demander l’intérêt à devenir un être social dans la ville.
La notoriété, ça t’effraie ? On t’arrête souvent à Bruxelles ?
Je ne passe pas la télé et ne montre pas mon visage sur les pochettes, donc on ne m’arrête pas. Puis, c’est le début. On a beaucoup joué avec mon groupe les deux dernières années à Bruxelles. J’adore voir le public prendre autant de plaisir que nous. Mes craintes seraient plus fortes face aux médias. Je suis toujours un peu dubitatif. Me dire que je dois passer par les médias n’est pas la partie qui me plaît le plus du métier. Mon père et ma copine sont journalistes, donc ça va quand même… Faire mon travail, c’est faire des bons disques et de bons concerts. Et à la fin, en plus, je dois dire partout que c’est vraiment bien. Un chirurgien qui opère bien n’a pas à le faire. C’est étrange comme relation.
Face à la baisse des ventes, les artistes doivent faire plus de compromis. Es-tu prêt à entendre les stratégies pensées pour toi par des professionnels, car vivre de son art nécessite un rapport au commerce.
Tout à fait, c’est un commerce. Si on choisit d’être indépendant plutôt qu’employé, arrive le moment où il faut vendre. Je suis vraiment content d’être chez Tôt ou Tard, un label qui prend le temps et écoute. Mais je ne vais pas mentir et dire que tout va bien. Je ne suis pas contre aller chanter à la télé par exemple, mais je refuse qu’on me dise de couper un couplet. Je suis très intransigeant sur l’album, le mix, le son. Après, chanter pour les médias sans me changer me paraît normal. Je suis redevable à mon label.
Ça fait plusieurs fois que tu emploies le terme « artisan ». Est-ce ton approche du métier de chanteur ?
Clairement. Quand tout le monde m’aura oublié, je resterai Nicolas Michaux jusqu’à ma mort. Ça m’oblige à rester maître de ce que l’on dit sur moi.
Nicolas Michaux – A la vie, à la mort
(Live session)
Si tu dois garder un budget pour un aspect de l’album, où le mets-tu ?
On termine en ce moment le mastering de l’album. L’apport de Tôt ou Tard a été de pouvoir faire des sessions en plus. J’en avais fait beaucoup seul. Puis mon ami Julien, d’un groupe de rock belge, et un batteur sont venus. Là, on n’avait plus d’argent. Le label nous a permis de louer une maison dans la campagne à côté de Bruxelles et payer tout le monde. C’était les plus beaux jours de l’année, il faisait beau. C’est comme si on partait en vacances entre potes, sauf qu’on jouait tout le temps.
En 1995, la Belgique était le peuple dont les Français adoraient se moquer. Aujourd’hui, vous êtes n°1 à l’indice UEFA, vos talentueux acteurs squattent nos écrans et France Inter vous a même donné un nom d’émission. Comment expliques-tu cette vague belge sur le paysage français ?
Plusieurs aspects. L’équipe de foot a été en quart de finale de la Coupe du Monde. Il doit y avoir quelque chose de sociologique dans le cosmopolitisme de Bruxelles. Le scouting dans les clubs de foot a permis à des jeunes de se former dans les meilleurs clubs d’Europe. Pour le côté culturel, on a beaucoup à se dire entre France et Belgique francophone. Il n’y a pas beaucoup de différences entre nous. Par exemple, mon père lit Le Monde depuis 40 ans chaque matin. Un bon journal belge, il faut le chercher. On aime donc la culture française. Pour finir, je suis très amoureux de Bruxelles. J’y suis depuis 4 ans. Plus le temps passe, plus cette ville me passionne.
Crédit photo : Simon Vanrie
0 commentaire