Des protest songs de la fin des années 60s, Neil Young a gardé la voix (quand Dylan ajoutait l’effet goudron), le sens de la critique et la lutte pour ses idéaux. Il profite de son dernier album pour mettre une charge au géant des produits phytosanitaires et des OGM : Monsanto. Les années 60s sont loin, Neil Young est un peu le dernier des mohicans de sa génération et dans ce combat, The Loner semble ne jamais avoir aussi bien porté son surnom. La vieille rengaine du fermier canadien commence.

Neil Young est un impulsif, ce qui lui garantie la qualité d’un vrai être humain et le défaut de fonctionner à l’affect. Dans Shakey (2002), sa bio réalisée par Jimmy McDonough, son manager Elliot Roberts résume le bonhomme : « s’il regarde la télé sur la route et qu’il y a un dossier spécial de CNN en Bosnie, Neil va vouloir faire un disque et reverser les bénéfices dans les deux jours. »

Neil Young + Promise Of The Real

– The Message

The Monsanto Years marque le 36ème album studio de Neil Young. Quand on sort 36 albums en plus de 40 ans de carrière, il y a forcément à boire et à manger. Si la protest song à la limite populiste l’a déjà approché après les événements du 11 septembre (« Let’s Roll »), Neil a pourtant a toujours su rebondir après des albums médiocres en naviguant entre les styles. On parle du type qui a sorti le cultissime Harvest, de l’un des précurseurs du grunge et du rock alternatif par le biais de son Live Rust, un modèle pour la totalité de la scène de Seattle et dans le monde. La même personne qui, à l’occasion d’un passage derrière la caméra invite le groupe de l’Ohio, Devo, avant que ces derniers n’explosent. Mêmes ses récents albums affichent une prise de risque pas évidente pour un dinosaure. Il n’y a qu’à écouter Le Noise, album enregistré seul en guitare/voix aux accents très lo-fi et bruitistes.

Pour la plupart sans surprise, le disque constitue musicalement une sorte de pot-pourri de tout ce que papy Young sait faire. On passe du pur rock FM américain  (« A New Day for Love ») à la ballade folk (« Wolf Moon »), à la country (« Workin’ Man »), au blues rock (« If I Don’t Know ») au hard rock (« Big Box ») ou à un rock plus alternatif (« Rules of Change »). Venant d’un artiste qui n’a jamais eu son pareil pour donner une couleur particulière à un album, on ne peut qu’être désorienté.

Neil Young + Promise Of The Real

– A Rock Star Bucks A Coffee Shop

Dans ce concept album que constitue The Monsanto Years, il faut séparer le bon grain de l’ivraie. « Big Box » fonctionne et nous fait dire que peu d’artistes ont leur pareil pour raconter une histoire durant 8 minutes sans ennuyer. On sillonne des chemins de déjà-vu, « Wolf Moon », face B (du pauvre) de « Harvest Moon » et tube calibré radio avec « A Rock Star Bucks a Coffee Shop », que ce soit au niveau de la compo ou des paroles.

Ce qui est pratique avec Neil Young c’est que la déception ne dure jamais longtemps. Il est capable de sortir, dans un an ou deux, un nouvel opus d’excellente facture (où es-tu Crazy Horse Band ?). Car Neil Young est un fermier de la musique qui ne s’arrête jamais de travailler que ce soit après une bonne récolte ou une année noire.

Neil Young + Promise Of The Real

– The Mission

Dans un mail au Monde, Monsanto s’offusque :

« Beaucoup d’entre nous, chez Monsanto, ont été et sont fans de Neil Young. Pour certains d’entre nous, malheureusement, son nouvel album ne reflète pas notre engagement fort au quotidien pour contribuer à une agriculture plus durable »

Snif, pleurs, ouin. Mais bon, pas sûr que cet album égratignera l’ongle du petit orteil du moindre chargé de communication adjoint en devenir de la firme.