Le producteur irlandais nous parle du Titanic, de prostituée londonienne, de Londres...
Enfant de Belfast adopté par Londres, Max Cooper s’affirme comme l’un des plus fins orfèvres de la sphère électronique du moment. C’est lui qui ouvre notre série « 10 DJ/10 villes », où chacun nous cause de son chez-soi. A lire ici au fil des prochaines semaines.
Tes premiers souvenirs à Belfast ?
Je pense que ce sont les « Harland and Wolff cranes » [gigantesques grues de Harland & Wolff, ndlr] où le Titanic a été construit, car elles étaient entre chez moi et le centre-ville, donc je devais tout le temps passer à côté.
Que représentait cette ville pour toi en tant qu’adolescent ? Tu en étais fier ou tu voulais la fuir ?
Si tu fais référence aux conflits en Irlande du Nord, alors non, c’était un peu « la norme » pour tout le monde d’avoir la présence de l’armée, les problèmes des « Marching season » [parades de groupuscules, majoritairement protestants, ndlr]. Je n’ai jamais porté une attention particulière à tout ça. Je pense que la représentation que les gens s’en faisaient en dehors de l’Irlande est dûe à l’exagération des médias. C’est surtout en quittant Belfast que je me suis rendu compte que cette ville avait forgé mon caractère et que finalement j’étais content d’en être originaire.
Quels souvenirs de tes premiers pas en tant que producteur en Angleterre, où tu as déménagé ?
La première fois que j’ai joué à Londres, je m’en souviens, c’était en 2003, au Heaven. Je suis parti tout seul de Nottingham, où j’habitais alors. Bien sûr je me suis perdu, et j’ai dû m’arrêter pour regarder une carte. J’étais en plein milieu d’un grand boulevard londonien, et une fille a frappé à la fenêtre de ma portière, en me demandant ce que je cherchais. Je lui ai répondu, elle m’a dit qu’elle y allait, donc elle est montée. Quelques minutes plus tard, je me suis rendu compte qu’il s’agissait en réalité d’une prostituée d’environ 45 ans, avec une mini-jupe en cuir et tout le reste. Ça m’a un peu inquiété, je me voyais déjà arrêté à un contrôle de police avec elle à mes côtés, et les flics qui auraient du mal à me croire… Bon finalement, personne ne m’a arrêté, j’ai juste dû sortir de la voiture avec elle juste devant le club. La soirée fut pas mal, avec des gens plus vieux qu’à l’accoutumée.
Max Cooper – Stochastisch Serie
Début 2000, Londres, c’était une ville excitante pour toi ?
Oui, il y a une forte immigration dans cette ville, et toutes ces influences se mêlent, c’est vraiment intéressant et créatif, ça stimule. Après je suis à Londres que depuis 2008, donc je n’ai pas vraiment encore fait le tour de la question.
Quels producteurs de l’époque t’ont marqué ?
CJ Bolland, Francois K, Phil Kieran, DJ Shadow, Sasha, Aphex Twin, The Chemical Brothers, Richie Hawtin, Laurent Garnier, Orbital etc. En gros que des gars qui sont encore au top aujourd’hui !
Aujourd’hui, comment te places-tu dans l’effervescence de la capitale anglaise ?
Je pense qu’aujourd’hui la scène est plus « fragmentée » avec des micro-entités, qui se créent grâce aux réseaux sur internet. L’esprit de la rave a tendance à s’essouffler, c’est plus complexe qu’avant. Quelle est la position des pouvoirs publics en la matière ? Il n’y a plus la même haine que dans les années 90 de la part des autorités, puisque le mouvement génère moins d’intensité. Je pense que ça s’est calmé.
Tu te sens ambassadeur de cette scène britannique ?
Non. Pas mal de gens ne considèrent même pas que je fais de la techno, je ne voudrais pas qu’on me range complètement dans cette case, et puis j’habite à Londres mais finalement je fais de la musique chez moi et j’ai peu de communication avec le monde extérieur. Je ne fais pas partie de ce genre de personnes qui sortent tout le temps et connaissent les bonnes personnes et les bons lieux. Avant, j’avais quand même mes petites habitudes dans quelques lieux : Corsica Studios, Plastic People, Fabric, Jacks.
Une envie d’ailleurs, parfois ? Une ville rêvée ?
Pour moi, l’endroit où j’aimerais vivre actuellement serait au sommet d’une montagne, déconnecté du monde, perdu au milieu de la nature, bien loin des distractions. Mais je pense vraiment pouvoir aller n’importe où, l’endroit où tu habites importe peu, tout t’arrive par ton ordinateur. Ceci dit, Berlin reste quand même le carrefour de tout ce petit monde.
Max Cooper sera en France ce vendredi 2 mars (We Are Family au Glazart, Paris) et à la Cast’Hell Session (Lançon de Provence) le lendemain.
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