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Madben vs Marst :quand les fils spirituels de Laurent Garnier parlent du père

1987. Dans l’Angleterre tristoune de Margaret Thatcher, le mouvement rave prend son envol. Parmi les principaux protagonistes, un DJ français installe tranquillement sa réputation. Laurent Garnier prend ses quartiers à l’Hacienda, club de Manchester devenu mythique. Vingt-cinq ans plus tard, le parrain de la techno française paraît indétrônable. Pour causer de ce quart de siècle, on a décidé de réunir deux de ses fils spirituels. A gauche, Madben, première signature du label Astropolis Records. A droite, Marst, producteur rouennais qui monte. Interview croisée.  

Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler de Laurent Garnier ?

Marst : Bien sûr ! C’est mon grand cousin lillois (36 ans maintenant, ancien producteur de techno lui-même) qui m’a fait découvrir la source de la musique électronique dans sa chambre, en 1993-1994. J’avais donc 5-6 ans et il me faisait écouter Kraftwerk, 808 State et bien évidemment Laurent Garnier… à l’époque sur Fnac Music Dance Division. C’est son hymne Wake Up qui m’a directement fait accrocher à la techno. Je ne comprenais par grand chose, j’étais gamin, mais ça me plaisait grave ! Quelques années plus tard mes parents m’ont emmené à la première Techno Parade en 1998, j’avais 10 ans et des étoiles plein les yeux quand je l’avais vu jouer Place de la Nation. Heureusement nous avions quitté les lieux avant les bastons.

Madben : Les premières fois où j’ai entendu parler de lui, c’était en récupérant des flyers de soirées. Et la première fois où je l’ai vu mixer, c’était à I Love Techno en 1999, si ma mémoire est bonne. Il y avait Laurent et Jeff Mills ce soir là et je me souviens avoir pris une belle claque !

Partir en Angleterre à 17 ans pour prêcher la bonne parole dans les raves, ça vous parle ? C’est quelque chose que vous auriez pu faire ?

Madben : C’est définitivement un truc qui me parle oui ! Je viens moi même de quitter mon boulot pour me consacrer à 100% à la composition, aux DJ sets et aux lives. Donc je te réponds un grand OUI, c’est un truc que j’aurai adoré faire à l’époque.

Marst : Complètement. Laurent fin des années 80’s s’était dirigé vers l’Angleterre puisqu’il n’y avait rien d’excitant en France. De mon côté je ne supportais plus l’absence d’ouverture d’esprit pour la musique électronique dans ma ville (Rouen) alors je suis allé voir ailleurs ce qu’il s’y passait ! Ce n’est plus la même époque actuellement mais j’ai un peu fait la même chose finalement…

Laurent Garnier est souvent érigé en ‘pape de la techno française’. Pour vous, ce statut est-il indiscutable ? Qui d’autre peut y prétendre aujourd’hui ?

Marst : Pape de la techno « française » c’est évidemment indiscutable, il l’a été, l’est et le restera. Pour moi personne encore ne peut y prétendre aujourd’hui, même si y’a un paquet d’excellents artistes français. Et en terme de groupes, même si je n’apprécie plus du tout leur musique à l’heure actuelle, il est évident que la période Homework des Daft a été une méga claque.

Madben : C’est indiscutable oui ! Il y a Agoria qui est en train de naviguer dans son sillage, mais le pape de la techno made in France, c’est Laurent !

https://soundcloud.com/marst/marst-sun-on-the-moon

Son dernier maxi « Timeless » est sorti chez Ed Banger. Certains ont crié au scandale. Pour vous, signer chez Pedro Winter, c’est un signe d’ouverture d’esprit ou, au contraire, une erreur de parcours ?

Madben : Ça me fait marrer toute cette polémique ! Aujourd’hui, il y a des mecs qui passent leur temps à broyer du noir sur les réseaux sociaux… Sans pour autant « apporter » quoi que ce soit, ils agissent comme de véritables ayatolas de la techno passée ! « Si tu joues pas tel track sur vinyl, t’es pas underground mec ! » C’est dingue d’avoir un esprit aussi fermé, non ? Bref, pour en revenir à ta question, j’ai vraiment du mal avec la musique electro turbine 2.0 et globalement, avec ce que proposait Ed Banger jusque maintenant. Dans le cas du « Timeless EP », on peut parler d’une double ouverture d’esprit : celle du label et de l’artiste. Je pense que Laurent a très bien joué son coup avec cette sortie : il a pu toucher un nouveau public avec un label typé « kids », et proposer quelque chose de nouveau. D’ailleurs Jacques in the box  reste mon track préféré du maxi.

Marst : Je n’ai pas grand chose à rajouter. Ben a dit l’essentiel. J’emmerde profondément tous les crétins qui peuvent gueuler pour ne rien dire. Faudrait déjà qu’ils aient quelque chose d’autre à faire. Les « pseudo-débats » sans intérêt sur les réseaux sociaux au sujet par exemple du support sur lequel on joue la musique ne m’intéressent pas. Et concernant la sortie de Laurent sur Ed Banger, je suis à 100% pour. Pedro Winter est quelqu’un de très respectable pour tout ce qu’il a pu faire, même si je n’apprécie pas tout de son catalogue, loin de là. Et cet EP, en plus d’être efficace, fait danser des culs… C’est l’essentiel non ?

Au-delà de son statut de producteur, Garnier est un activiste reconnu. Vous estimez-vous capables de prendre le relais ? Est-ce encore nécessaire aujourd’hui de militer pour la cause des musiques électroniques ?

Marst : Oui, je pense qu’il est encore utile de militer pour cette cause, et j’aime le faire, car il est essentiel de croire en ce que l’on fait, et en la musique que l’on défend. Alors il est évident qu’aujourd’hui tout est bien plus facile qu’avant, la musique électronique étant devenue un genre ancré parmi les autres et des Dj’s remplissant des salles aussi bien que des chanteurs, mais cela dit, il est toujours d’actualité de défendre cette musique, tous les jours, pour ne cesser de la faire avancer et évoluer. Donc oui, je me sens capable, à mon petit niveau, de « prendre le relais ».

Madben : La musique électronique (dans sa globalité) est vraiment entrée dans les moeurs aujourd’hui. Elle a énormément évolué, s’est assagie, a pris place dans la pub, dans des films, des spots TV, sur des radios nationales… Ça n’a pas toujours été positif d’ailleurs, car de belles m***** sont apparues sur le marché, jouées par des DJ’s demandant des cachets complètement dingues ! Finalement, si l’on devait maintenant militer pour quelque chose, ça serait probablement pour faire vivre son histoire, et ne pas oublier d’où elle vient.

Laurent Garnier playliste parfois vos titres et vous soutient. Le meilleur conseil qu’il vous ait apporté ?

Madben : Faire masteriser mon live, c’est son dernier conseil en date ! Depuis que je me suis lancé dans l’aventure musicale, il n’y a quasiment pas un projet pour lequel je n’ai pas demandé l’avis de Laurent. Et jusque maintenant, cela a toujours été constructif ! C’est ce que je trouve génial chez lui, il est toujours prêt à donner un coup de pouce et à partager son expérience.

Marst : Ne jamais se laisser marcher dessus, toujours croire en ce que l’on fait et ne pas vendre son âme au diable. C’est l’essentiel de tout ce qu’il a pu me dire jusqu’à présent. Des conseils en or venant d’un grand monsieur de la musique électronique qui a su rester humble et simple.

https://soundcloud.com/marst/laurent-garnier-waterlight-iiwii

Le titre de Laurent Garnier dont vous serez éternellement jaloux ?

Marst : La Minute Du Répondeur Le Plus Casse-Couilles, sans aucune hésitation !

Madben : Impossible d’en choisir un seul… mais selon le contexte, je dirais Colored City, Crispy Bacon ou encore The Man With The Red Face.

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