En revenant, le printemps a déposé dans nos oreilles, un objet sonore au volume sonique impressionnant. Monté de Nantes jusque sur nos platines, « Ashamed », le deuxième album de Mad Foxes a foutu un sacré boxon dans nos étagères engourdies par l’hiver. Écoute et chronique.
Évacuons d’entrée la question, oui, le Mad Foxes nouveau affiche un cousinage avec les furieux d’Idles et toute la scène middle class désanchantée / révoltée britannique dont nos oreilles se délectent. Mais Ashamed est loin d’être ce cousin frenchie d’un rock anglais une fois de plus bousculé par le post-punk. Ce nouvel album des Nantais est plutôt une synthèse fine, intelligente et intelligible d’une multitudes d’influences piochant dans bon nombre de sous catégories que compte le rock.
Dès l’ouverture de l’album, nous voici quelque peu égratignés par le psalmodiant « Ashamed » et son psychédélisme quasi-chamanique se transformant en révolte punk s’attaquant à la masculinité toxique, à ses codes, à son emprise sur les construction de chacun·e·s « Look at your brother’s chest and hide this awfull shame ». La masculinité toxique, le patriarcat sous tendent tout au long d’un album qui questionne les manières par lesquelles on s’aime, se déchire, se construit, qui font que l’on est dans un modèle social éculé qui s’agite en sentant sa fin arriver. Mad Foxes manie une certaine ironie dans son traitement du monde tant dans le texte que dans le fond. Les choses sont questionnées dans le bruit et la fureur à l’image de l’explosif single « Crystall Glass » qui décrit avec acidité la recherche et la construction d’un amour façon XXIème siècle, entre ennui, individualisme, vanité, loose et absurdité.
« I blame all the buddies and any forhead crushed can contest. BBQ ribs, jersey sport socks and locker room talks » nous narre-t-on avant le hurlement au refrain « Look at me ! Say my name ! ». Il y a dans cette vision presque désabusée, une jeunesse grunge qui vient s’amarrer au post-punk de Mad Foxes. Un constat que l’on retrouve sur le son des Nantais avec cette brutalité compressée mais sans fioritures qui semble convoquer les débuts bruyants du plus connu des power trio de Seattle.
Car c’est peut-être encore plus là-bas, dans l’ouest froid de l’état de Washington que Ashamed va chercher ses nourritures premières, à l’image du brillant « Charlie » sur lequel planent les ombres nineties de Steve Albini et Butch Vig. Rien d’étonnant alors à ce que Mad Foxes se retrouve dans les petits papiers de la légendaire radio KEXP, tant parfois ils semblent sortis du sous-sol crade d’une maison de la banlieue de la Cité d’Émeraude. La grande force de Ashamed étant de convoquer le grunge sans nostalgie ni ringardise. Une chose rendue possible parce que dans son brûlant bouillon, Madfoxes vient ajouter une drôle d’épice entre stoner et post-hardcore (« The Cheapest Friend »). Il y a dans cette manière de déstructurer les riffs, de cramer la tronche de l’auditoire à chaque refrain un je ne sais quoi des grandes heures de Refused ou de Metz (« Propeller ») et un regard vers le désert sous LSD de Black Angels (« Home »).
En poussant sur les multiples racines du rock, Mad Foxes a musclé son son, mais avec finesse et finalement une certaine élégance dans la manière d’asséner à son public une sévère volée de bois vert. Entre dissonances, cassure de rythme et cette capacité à exploser furieusement, Mad Foxes synthétise ses influences pour acquérir une identité propre en cet objet qu’est « Ashamed ». Un disque brutal, sans concessions ni complexes qui vient dire les maux universels d’une jeunesse brutalisée par un monde dont, ironiquement, elle est aussi actrice.
Photo en une : Mad Foxes © Yohan Gérard
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