Les madeleines de Proust. Ces petits actes, odeurs, mélodies et sensations qui, brutalement, font resurgir de notre mémoire de lointains souvenirs, souvent chargés d’émotion. Dans cette série d’articles, nous proposons à quelques uns des artistes que nous soutenons de rassembler ces morceaux qui constituent leurs madeleines de Proust et de nous raconter le souvenir qui y reste étroitement lié. Dans ce neuvième épisode, place à Amber Arcades, cette blondinette hollandaise à la voix éthérée. Elle écrit des morceaux à l’atmosphère cotonneuse en harmonie avec la spontanéité et l’ingéniosité avec laquelle elle nous conte une partie de son enfance.
J’ai choisi « Golden Brown » des Stranglers. À chaque écoute, cette chanson me ramène à une période spéciale de mon enfance. J’avais sept ou huit ans, mes parents venaient de se séparer à l’époque. Mon père avait alors déménagé dans une petite cabine, dans les bois, près d’un grand lac. Au printemps, j’allais souvent le voir, le temps de quelques semaines. On faisait du canoë, on nageait, on cherchait même des grenouilles et des salamandres dans le petit courant d’eau près de la maison. On créait nos propres arcs et flèches, ce après quoi nous faisions des concours de tir. On se baladait cherchant des plantes et champignons comestibles… Chaque jour était une nouvelle aventure, pleine de possibilités. Certaines odeurs et images spécifiques me reviennent quand je pense à ces moments. L’odeur du dentifrice, très salé, que mon père utilisait. Je détestait tellement ce dentifrice – même si maintenant je l’utilise religieusement, haha. Le goût du pain au levain toasté et nappé de sirop de pomme. L’image du couvre-lit couvert de dessins de plantes tropicales et d’animaux. Et puis cette chanson… Je ne me souviens plus vraiment si elle passait à la radio ou si mon père possédait l’album.
J’ai un souvenir très distinct d’un de ces matins typiques et cette musique en fait partie. Il était très tôt, sûrement dans les environs de 7h30, un jour de semaine. Je m’étais levée pour regarder mon émission préférée. Une fois l’émission terminée, mon père avait mis de la musique. Il faisait très beau dehors donc nous prévoyions ce que nous allions faire de cette journée qui s’annonçait pleine de découvertes, tandis que mon père nous préparait notre petit déjeuner préféré. Et cette chanson passait au milieu de tout ça. Je suis sûre que nous avons écouté dix mille autres chansons mais c’est celle-ci qui m’est restée. Je l’ai immédiatement adorée. Je n’avais jamais rien écouté de tel et ça semblait coller parfaitement à l’ambiance de ces matins parfaitement paisibles. Chaque fois que je l’entends, elle me renvoie à ce moment et j’ai l’envie soudaine de manger un pain levain tartiné de sirop de pomme. Ces plaisirs simples constituent mes souvenirs les plus heureux. Ils sont ce qui me donne l’envie de m’installer plus près de la nature à un moment ou l’autre de ma vie. Je sais que je ne pourrais pas le faire pour le moment car j’ai le besoin de voyager dans le monde avant tout. Mais tant que je ne suis pas prête pour cet autre épisode de ma vie, il me suffit juste d’écouter cette chanson pour me sentir de nouveau enfant et voir le monde d’un œil un peu plus optimiste et téméraire.
The Stranglers – Golden Brown
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