Les madeleines de Proust. Ces petits actes, odeurs, mélodies et sensations qui, brutalement, font resurgir de notre mémoire de lointains souvenirs, souvent chargés d’émotion. Dans cette série d’articles, nous proposons à quelques uns des artistes que nous soutenons le plus de rassembler ces morceaux qui constituent leurs madeleines de Proust et de nous raconter le souvenir qui y reste étroitement lié. Dans ce quatrième épisode, Alix, l’un des deux MCs d’Odezenne nous parle d’un morceau de John Lennon.
Alix (Odezenne) :
« Je suis toujours bousculé par l’écoute du morceau de John Lennon « Jealous Guy ».
C’est une chanson que je me suis passé en boucle à l’âge de 13 ans, alors que je quittais précipitamment la région parisienne pour rejoindre une forêt de pins à Gujan Mestras près de Bordeaux. On suivait mon père qui changeait de vie, moi avec.
Je laissais derrière moi l’endroit où j’avais grandi, le seul lieu que je connaissais, celui où j’avais construit l’intégralité de mes souvenirs, c’est à dire mes potes et ma copine. Elise était un peu plus âgée que moi, je l’avais rencontrée deux ans auparavant et j’étais tombé éperdument amoureux d’elle. On s’emballait tous les jours derrière l’arrêt de bus du collège, sous un arbre, à l’abri des regards et j’étais à chaque fois mort de trouille et un peu plus heureux que la veille.
Evidemment, à 13 ans, j’ignorais totalement le sens des paroles de ce track, ce n’est que plus tard que j’ai découvert leur portée, presque comme une prophétie d’ailleurs. A l’époque, j’entendais surtout la mélancolie dans la mélodie de piano et le trouble dans la voix mystique de John Lennon.
Toujours est-il que les premières notes de ce morceau me transportent encore aujourd’hui dans la plus profonde nostalgie. Une sorte de belle tristesse. Et c’est impressionnant de voir avec quelle fraîcheur elle a conservé jusqu’au goût de ma salive d’enfant, sans oublier la peur que j’avais alors de quitter ce qui constituait tout mon univers pour me jeter dans l’inconnu. C’est comme si toutes ces sensations avaient été conservées dans cette chanson, et qu’appuyer sur « play » revenait à ouvrir un coffre-fort.
C’est finalement quelques semaines plus tard, au collège Chante Cigale à Gujan Mestras, que j’ai rencontré Mattia, avec qui nous avons formé Odezenne, vite rejoint par Jaco. Je suis resté avec cette fille pendant encore quelque années, jusqu’à ce qu’elle déménage au Texas et que je finisse par la perdre définitivement de vue après bien évidemment qu’elle ait pris soin de me briser le coeur comme tout premier amour qui se respecte. »
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