Les madeleines de Proust. Ces petits actes, odeurs, mélodies et sensations qui, brutalement, font resurgir de notre mémoire de lointains souvenirs, souvent chargés d’émotion. Dans cette série d’articles, nous proposons à quelques uns des artistes dont nous respectons le plus l’œuvre de rassembler ces morceaux qui constituent leurs madeleines de Proust et de nous raconter le souvenir qui y reste étroitement lié. Dans ce deuxième épisode, Loïc Fleury, le chanteur d’Isaac Delusion, nous parle de « Smooth Criminal » du roi de la pop, le grand Michael.
Loïc Fleury (Isaac Delusion) :
« Je me revois encore dévorer des yeux le paquet cadeau rouge, dépassant de la hotte du père Noël, soigneusement ficelé avec un ruban doré. Je pouvais y distinguer un étiquette à mon nom.
Je devais avoir 6 ans et m’apprêtais, ainsi qu’une horde d’enfants surexcités, à recevoir mes cadeaux de Noël. Mes cousins, ma sœur et moi étions sagement assis sur le tapis blanc du salon de mes grands parents, à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes. Nous contemplions avec les yeux plein d’émerveillement le père Noël qui venait de faire son apparition. Emmitouflé dans un costume rouge trop grand, une barbe blanche à peine fixée à son menton, je me surpris l’espace d’un instant a m’interroger sur le fait qu’il ressemblait étrangement à mon oncle. Mais je fus vite happé de ma rêverie quand je le vis saisir un paquet et se diriger vers moi en prononçant la phrase tant attendue : « Pour le petit Loïc ». Quand le rituel de la distribution fut terminé et que les cadeaux s’étaient joyeusement entassés devant chacun de nous, l’heure de l’orgie de cries de joies et de bruits d’emballages cadeaux déchirés avait sonné. Je saisis le premier paquet venu, c’était un cadeau d’Elisabeth, notre jeune fille au pair canadienne. Elisabeth devais avoir la vingtaine à l’époque. Elle était venu passer un an avec nous pour aider ma mère qui était très prise par son travail. Elle était rousse avec de faux airs de Jodie Foster, je me marrais bien avec elle.
Ce que j’allais découvrir en déballant son cadeau allait changer ma vie : un walkman Fisher-Price en plastique rouge et blanc, avec un casque jaune criard et une cassette audio : Bad de Michael Jackson. A partir de ce moment, ce Walkman pour enfants ne quitta plus jamais mes oreilles et j’écoutais Bad, ma seule cassette, en boucle nuit et jour, inlassablement jusqu’à en user la bande. L’unique bande originale de ma vie d’enfant, le fond sonore qui m’évoque des grandes assiettes de légumes crus qu’Elisabeth, la végétarienne déterminée, nous forçait à avaler ma sœur et moi. Les innombrables heures passées dans ma chambre à m’entraîner a faire le moonwalk, la rentrée des classes au CP avec cette studieuse odeur de colle et de plastique neuf qui me collaient la peur au ventre.
Je me revois un jour, sur la terrasse de mes parents, en train chantonner en yaourt les paroles de « Smooth Criminal » en me servant de la neige fraîchement tombée sur le sol pour glisser en moonwalk. Cette audacieuse tentative eut le mérite de me conduire directement a la case urgences, car après un moonwalk superbement exécuté, je perdis l’équilibre et dans ma chute mon front heurta violemment la paroi anguleuse du bord de la terrasse me laissant une cicatrice encore visible aujourd’hui. Un témoignage de mon amour éternel pour ce bon vieux Michael. »
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