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Laura Cahen raconte Feist – Ma madeleine de Proust

Les madeleines de Proust. Ces petits actes, odeurs, mélodies et sensations qui, brutalement, font resurgir de notre mémoire de lointains souvenirs, souvent chargés d’émotion. Dans cette série d’articles, nous proposons à quelques uns des artistes que nous soutenons de rassembler ces morceaux qui constituent leurs madeleines de Proust et de nous raconter le souvenir qui y reste étroitement lié. Dans ce onzième épisode, on ouvre les guillemets à la superbe voix de Laura Cahen. Pour nous, elle revient sur la chanson, et quelle chanson, de Feist : « Gatekeeper ».

Laura Cahen :

« J’avais 14 ans quand “Let It Die” de Feist est sorti. Je me souviens le déballer à l’arrière de la voiture de mes parents, en partance pour Grenoble il me semble, la route des vacances de Noël, ou peut-être bien sur le chemin du retour à la maison. Le calendrier est un peu flou, mais c’était en hiver c’est sûr, à l’arrière de la voiture, sûr aussi. Je l’ai tendu à ma mère pour qu’elle le glisse dans le lecteur, et il ne m’a plus jamais quitté.

Il est la B.O de mon adolescence, de tous les longs voyages en train ou en voiture, dans mon vieux Discman en plastique aux autocollants multiples, de longues soirées seule dans ma chambre, ou de dimanches matins pluvieux quand le reste de la maison était encore endormi.

Je l’ai écouté jusqu’à ce qu’on ne puisse plus l’écouter, faute d’espace sans rayure, le seul disque que j’ai acheté en trois exemplaires. C’était la voix que j’aimais, et que j’aime toujours d’ailleurs. Sa voix m’a donné envie de chanter, cette chanson d’abord, puis beaucoup d’autres ensuite. Je me souviens avoir travaillé cette chanson dans un appartement en Belgique, à l‘occasion de vacances découverte en famille, et me faire corriger gentiment par mon frère sur le rythme. Ensuite, à chaque fois que l’occasion de chanter une chanson devant un public, aussi restreint soit-il, se présentait , c’était toujours “Gatekeeper”.

C’est LA chanson que j’aurais voulu écrire, sa mélodie me fascine et m’entête. C’est LA chanson qui m’a donné envie d’en écrire…   Quand je repasse le disque aujourd’hui, elle a le parfum de cette maison en hiver, les peaux de clémentines séchées sur le poêle au milieu de la veranda, le chat qui dormait entre les pattes de Babel ma chienne, museau contre museau. Elle me rappelle aussi mes premières amours, mes cheveux très courts, mes premiers chagrins. Elle retient cette douce mélancolie, la chaleur du mois de décembre à l’intérieur, et me transporte toujours autant. »

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