Les madeleines de Proust. Ces petits actes, odeurs, mélodies et sensations qui, brutalement, font resurgir de notre mémoire de lointains souvenirs, souvent chargés d’émotion. Dans cette série d’articles, nous proposons à quelques uns des artistes que nous soutenons de rassembler ces morceaux qui constituent leurs madeleines de Proust et de nous raconter le souvenir qui y reste étroitement lié. Dans ce dixième épisode, on ouvre les guillemets à Jean-Louis Brossard, programmateur superstar à la française, qui est entre-autres choses à la tête des Trans Musicales de Rennes. Pour nous, il revient dans les années 70 nous parler de Kevin Ayers et d’une chanson au groove sans équivalent.
Jean-Louis Brossard :
Wouahh. Le truc qui me vient maintenant, ce serait Kevin Ayers, un morceau qui s’appelle « Stranger in Blue Suede Shoes ». Ça, c’est dans les années 70, sur son troisième album. J’avais découvert ce disque au Pop Club de José Arthur. Donc il y avait l’émission, et puis les deux premières heures, c’était une émission musicale, sans José. La première heure, c’était soit Pierre Lattès soit Patrice Blanc-Francard qui faisaient la prog. La première heure était rock, la deuxième était jazz et blues. C’était vachement intéressant. Et il y avait toujours ce morceau un début d’heure, à 22h, à 23h, à minuit, à 1h, ça s’appelait le disque pop de la semaine. Un jour, ça a été ce morceau. Kevin Ayers, c’était le premier bassiste de Soft Machine, qui était aussi le groupe de Robert Wyatt, pour situer un peu. Donc il est parti après le premier album et il a signé chez Harvest, il a fait une tapée d’albums solos dont les quatre premiers sont exceptionnels. Il a une voix assez grave, c’est un mec qui a beaucoup vécu en Espagne, à Ibiza, très particulier. Je l’ai rencontré lors d’un concert à l’Ubu. Y’a un groove, une montée de piano dans cette chanson.
A l’époque, j’organisais pas encore de concerts, mais j’écoutais beaucoup de disques et la radio. J’avais des cheveux longs ah ah. J’étais en terminale et je m’apprêtais à aller de Saint-Brieuc à Rennes pour aller à la fac. Dès que je suis arrivé à Rennes, je suis allé chez le disquaire qui était Disc 2000 où il y avait Hervé Bordier – avec qui j’ai ensuite créé les Trans Musicales – qui y travaillait. C’était une période où je me trouvais libre à Rennes, où j’avais enfin mon appart avec un pote. Fini les parents, on allait aux concerts de Can, on allait voir Magma, des groupes qui sont nés à l’époque. Je sortais beaucoup.
0 commentaire