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Luce : « Je suis un peu la bouche que Mathieu Boogaerts ne peut ouvrir sur certains morceaux »

Après les premiers morceaux de « Chaud » – qui sort le 23 février – il est impossible de ne pas faire le lien entre Luce et Mathieu Boogaerts. Arrive la confirmation de la présence de l’homme à la tête de hibou lorsqu’il « hulule » avec sa protégée. Également auteur et réalisateur de cet album flirtant entre mélancolie et gaieté, la Perpignanaise maquillée avec une méticulosité hors norme s’épanche sur leur complicité. Discussion avec une hyper sensible, ultra bavarde, qui ne sait pas cacher ses sentiments.

As tu conçu Chaud de la même manière que Première Phalange ?

Avant, j’étais dans la démonstration. J’ai travaillé avec Katerine, Orelsan et Mathieu Boogaerts. Ce qui a été handicapant avec ce premier album, c’est que j’ai voulu toucher à tout. Et à force, je me suis perdue. C’est un album qu’on a dû sortir rapidement à la fin de La Nouvelle Star, il faut le savoir. Il faut aussi prendre en compte que j’avais 19-20 ans. Au lieu de me frustrer et de me priver, « Première Phalange » a été un patchwork de tout ce que j’avais envie de faire. C’est un bel album aussi, mais moins engagé, moins personnel.

Tu as été à La Nouvelle Star parce que tu rêvais de passer à la télé depuis enfant, ou tu étais plus dans une approche à la Julien Doré – qui a plutôt bien réussi – pour te mettre le pied à l’étrier afin de porter ton projet ?

Il a plutôt bien réussi, on peut dire ça (rires). J’étais en école d’infirmière et ai tenté pour la blague. Je n’avais pas fait de musique avant, ni du chant. J’avais quand même fait quatre ans de théâtre et j’étais vachement attirée par la scène.  Mon projet était de finir l’école d’infirmière, puis m’orienter vers l’art-thérapie, la musicothérapie et faire une école de théâtre par la suite. La Nouvelle Star s’est mis sur ma route et, aujourd’hui, on en est à « Chaud ».

« Chaussures », ça sent la blague. Tu chantes : « Moi j’en…

« Moi j’en ai plein les pieds / Comment je fais pour t’aimer  / Comment je fais pour danser / Hééé »

Tu ne cherches pas à faire un peu de concurrence à GiedRé ?

Ouh, non, je ne pense pas ! Je l’ai vue en concert – j’ai éclaté de rire d’ailleurs – et je pense qu’on est très différentes. C’est la blague dans l’univers de GiedRé. Elle a plein de décors, des tampons dans les cheveux… J’avais ce côté plus marqué et marquant quand j’étais plus jeune. Chez GiedRé, il n’y a pas de double message ; c’est frontal. « C’est bien fait que tu sois mort » et bam ! Finalement dans « Chaussures », il y a une double lecture. On sent que la nana est embourbée dans ses sentiments et dans ses pieds. Effectivement, il y a la petite blague, mais…

Certains de tes textes sont très marqués par l’empreinte de Mathieu Boogaerts. Tu n’as pas eu peur d’être qualifié de « Madame Boogaerts » ?

Ça ne me déplaît pas Madame Boogaerts (sourire). Plus sérieusement, en partant à deux et seulement à deux sur cette aventure, on savait que Mathieu allait être très présent. Surtout qu’il réalise, qu’il écrit et que je cosigne trois textes avec lui. Je suis sa muse, en fait. A l’heure où la plupart des chanteurs disent « Moi, je fais tout dans mon studio. Je fais la flûte, les batteries, la basse. Je m’autoproduis et j’aime ça » . Ma posture est différente et je le revendique: « Moi, je suis interprète et c’est très bien comme ça ». Mathieu m’a donné beaucoup de confiance, ce qui me crédibilise énormément. Je n’ai pas eu besoin de le gommer. « Chaud » est donc l’album de Luce, mais c’est aussi une bulle dans laquelle Mathieu évolue. J’ai un côté rentre-dedans qu’il n’a pas. Il est incapable de chanter « Chaussures », ni « Chat Doux » et encore moins « Le Feu au Cul ». Je suis un peu la bouche qu’il ne peut ouvrir sur certains morceaux. Lui est dans le coton, moi j’ai besoin de crier. Je pense qu’au final il y a un équilibre assez honnête pour les gens qui écoutent.

En écoutant « Ton Crâne », je me disais que c’était une plume très féminine. En regardant, c’est écrit par Mathieu. As-tu eu également cette impression de féminité accrue à certains moments ?

Moi, c’est sur « Vernis » que ça me l’a fait. J’ai un peu co-écrit « Ton Crâne », même si ma part d’écriture est toujours légère. Quelques phrases, par exemple. J’aurais pu l’écrire, ce titre, car il est hyper personnel. Ça parle de mon image, de mes tocs quand je mets mon vernis. C’est très précis. Même dans ma transformation physique quand je suis face au miroir, il y a un avant et un après. Quel nœud choisir ? Donc oui, on pourrait croire que c’est écrit par une femme, mais Mathieu est hyper sensible.

Notamment sur « M’attends pas », « Vernis » et « Ton Crâne », cet album ne parle-t-il pas de la difficulté à aimer fort quelqu’un même s’il nous emmerde sur certains côtés ?

« M’attends pas », le message est clairement « Ne m’attends pas pour jouir ». Elle lui dit que ça ne sert plus à rien d’être ensemble, de finir son affaire et partir. C’est une histoire périmée, qu’elle ne veut plus vivre. « Ton Crâne » est vraiment personnel, c’est une rupture que j’ai vécue où je cherchais quelque chose en l’autre qui n’était plus là. Elle ne trouvera pas la flamme à la fin. Donc là aussi, l’histoire est résolue dès le début. Dans « Vernis », elle est face à elle-même et au regard des autres. Il y a de l’amour et du non-amour dans cet album. Elle veut crier l’amour, la joie…

L’ensemble reste néanmoins positif, globalement.

Oui, c’est très positif globalement.  Et il y a aussi des éclats mélancoliques, car je suis comme ça aussi. On me perçoit de manière joviale, toujours à fond. Pourtant, mon caractère est axé sur la mélancolie. J’ai des grosses retombées et suis très nostalgique de mon enfance. Me voir grandir, c’est assez terrifiant. Cet album a un côté loufoque et sanguin, car je viens du Sud et que c’est dans mon caractère. Mais je suis souvent dans la mélancolie et la nostalgie.

N’utilises-tu pas l’ironie et la jovialité tel un pansement sur les moments compliqués de la vie ?

Là, tu touches vraiment à l’écriture de Mathieu. Dans Polka, c’est terrible. La nana veut danser mais personne ne veut danser avec elle. Et les gens qui veulent danser sont, eux aussi, dans des situations assez terribles. Mais il y a un trait d’humour car cette fille, ce qu’elle veut c’est danser, et elle danse quand même avec son chagrin. C’est un album plutôt léger, non pas dans les textes et les mélodies, mais dans le propos. Sauf peut-être Dans le Sable, c’est traité avec humour et légèreté, car la vie ce n’est pas toujours ça…

En deux pistes, on passe de Dans ma Maman à Le Feu au Cul. Ce grand écart te caractérise ?

C’est des états que je traverse vraiment. Enfin, pas le feu au cul (rires). Comment dire ? Je suis très excessive et je ne me maîtrise pas. C’est très handicapant. Je peux éclater de rire et, dans la seconde, je vois quelque chose d’émouvant qui me met en colère et ça devient très fort. C’est très éprouvant pour moi et ceux qui partagent ma vie. Je suis sanguine et en dents de scie.

Un peu comme un enfant de deux ans et demi ?

Oui, c’est ce que j’ai gardé de l’enfance. Ces éclats peuvent arriver à tout moment et c’est incontrôlable. C’est comme ça que je peux varier sur scène. Quand je chante Dans ma Maman, j’ai une vraie émotion. Dans Le Feu au Cul, je ressens aussi une urgence. C’est vrai, ce n’est pas fabriqué. J’aimerais être différente (petit silence) mais ça me sert sur scène énormément. Sauf que je ne le contrôle pas. A tout moment, je peux renverser la table… Je lis de l’inquiétude dans ton regard (rires).

J’imagine que c’est tout l’opposé lorsque t’étais en studio avec Zaf Zapha, Selim et Mathieu. Il doit planer une ambiance Bisounours ?

Eux, ils sont dans un cocon. Leur attitude est reposante. Même si Mathieu est exigeant et qu’il sait ce qu’il veut. On ne sortira pas tant qu’on n’aura pas eu ce qu’il veut. En studio, j’arrive à me canaliser. C’est plus sur scène et dans ma vie de tous les jours que c’est tout noir ou tout blanc.


luce rue

Vu l’état du marché de la musique, ne te dis-tu pas que c’est ton dernier album ?

Ouais, je me le dis. C’est peut-être pas bien, mais je me l’étais déjà dit dès le premier. Je vis les choses à fond. Je ne peux pas me dire que je vais faire un troisième album. Voyons petit à petit. Je me le dis en ce moment : « Putain, c’est peut-être ma dernière tournée, c’est peut-être ma dernière pochette, c’était peut-être mon dernier studio il y a un an ». Ça fait beaucoup de derniers, donc ça n’aide pas à être pump it up, mais je savoure tellement. Pour être totalement honnête, c’est mon premier vrai album. J’ai réalisé beaucoup de partis pris. Il y a ma voix mise en avant. J’ai pris des décisions que je n’aurais pas prise dans le premier album. Je peux t’en parler des heures et des heures, tu te lasseras avant moi (rires).  Cette promo est un plaisir. C’est peut-être mon dernier album, mais je n’ai aucun doute sur aucun morceau. C’est mon album !

Désolé de me faire l’avocat du diable, mais tu te vois infirmière dans deux ans ?

C’est compliqué car j’ai goûté à une vie artistique très riche. Je me sens de temps en temps épanouie, car tu sais la complexité du bonheur… Bref,  j’ai l’impression d’avoir fait les bonnes rencontres, être plus légitime, de faire les bons choix. Je sors d’un télé-crochet qui a été super pour moi. Sur le premier album, je ne me sentais pas légitime. Le métier d’infirmière, je ne l’ai pas choisi par hasard. C’est un métier qui me correspond car je suis entièrement humaine. J’avais besoin d’être en aide avec moi et les autres. Actuellement, je ne me vois pas faire autre chose que chanter. Mais on ne sait pas de quoi demain est fait. On a des envies, mais est-ce que nos envies vont se réaliser ? Et qu’est-ce qui me dit que dans trois ans, je ne voudrais pas ouvrir un magasin de fleurs car j’adore les fleurs. On ne sait pas.

Sur scène, ça va se passer comment ?

On part à deux en guitare-voix. L’album a été conçu comme ça. Ce sera vingt dates où la voix sera mise en avant, en session acoustique. C’est un album où la voix est mise en avant, donc on a voulu garder cet esprit. Un concert entre mars et juin sera totalement différent, car Mathieu va partir à un moment. L’impulsion sera plus rock quand il va partir. Il va enfin me laisser (sourire). Sérieusement, c’est un projet de fusion. Mathieu m’a donné ce qu’il a de mieux et il a pris beaucoup de temps. Il m’idéalise, Mathieu, donc ça me booste à fond. J’avais besoin d’avoir sa confiance. Je n’aurai pas aimé qu’il me dise « J’écris et je laisse la réalisation à quelqu’un d’autre ».

Crédits photos : Cauboyz
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