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Louis-Jean Cormier, jongleur d’invisible

Leader des feu Karkwa, Louis-Jean Cormier s’est lancé en 2012 dans une carrière solo pavée de deux albums d’inspiration folk épique. En plein confinement, il vient de sortir le somptueux Quand la nuit tombe, un recueil de tounes (chansons au Québec) groovy, riches de multiples langues musicales et au cœur grand comme le monde. Alors, on a voulu rencontrer ce musicien qui nous fait rêver d’hivers longs et de forêts aux couleurs éblouissantes.

Imaginez un monde où Vianney et Maître Gims ne passent pas toutes les 10 minutes à la radio. Un monde où la batterie n’a pas été définitivement supplantée par la boîte à rythmes. Un monde où les textes des chansons relèvent de la poésie élégante plutôt que du monologue intérieur d’instagrameur. Un pays où les musiciens sont les potes d’Arcade Fire, de Patrick Watson ou des géniaux Barr Brothers.

Ce pays, mes amis, existe : c’est le Québec. La province canadienne voit s’épanouir depuis quelques années une génération dorée de musiciens francophones. Ils défendent une chanson française ambitieuse, ancrée dans le rock tout en lorgnant vers d’autres horizons. Loin des triolets abêtissants de la trap et des infrabasses qui font remuer les intestins sur le fauteuil d’un gros SUV. Dans cette scène bouillonnante, Louis-Jean Cormier fait figure de parrain. Voici notre entretien.

LJ_Cormier_crédits_Maude_ Chauvin_06

Interview : Louis-Jean Cormier

Bonjour Louis-Jean. Quelle est la situation au Québec avec le coronavirus ?

On est en retard d’environ deux semaines sur vous en France. Tout semble être bien encadré par des process gouvernementaux efficaces. De mon côté, j’ai sorti mon album Quand la nuit tombe en plein confinement ! Nous avons hésité mais je pense qu’au final c’était une bonne décision. Les gens sont bloqués chez eux et sont heureux de pouvoir écouter de la musique. Les réactions que j’ai reçues autour du disque sont très fortes. Le plus ennuyeux pour les artistes ce sont bien sûr les lives. Nous sommes en train de décaler toutes nos dates à l’automne, de façon très condensée. En France, nous avons dû annuler notre date en mai que nous avons recalée à l’automne (NDLR : le 25 novembre au Point Éphémère).

Où en étais tu de ton parcours au moment d’aborder Quand la nuit tombe ?

Cinq ans séparent cet album de mon précédent, Les grandes artères. D’abord, après plusieurs années de tournées, j’ai pris du temps, pour poser les valises et fermer les guitares. Ma vie a aussi beaucoup changé : rupture amoureuse, nouvelle compagne, voyages, nouvelle musique… J’étais donc dans une zone totalement différente de ma vie au moment d’aborder ce nouveau disque. Et puis deux projets sur lesquels j’ai travaillés ont été déterminants pour cet album. Le premier : la musique d’un long métrage sur les premières nations, Kuessipan. Je me suis assis au piano, retrouvant l’instrument sur lequel j’avais appris la musique et que je n’avais pas touché depuis 20 ans. Cela m’a amené à désapprendre plein de choses, à composer plus avec le cœur qu’avec la tête. J’ai perdu mes notions académiques pour prendre des chemins de traverse. J’ai eu envie de faire un disque qui gade cette direction : un disque fondé sur le cœur, la spontanéité.

Quel était l’autre projet sur lequel tu as travaillé ?

C’était la musique d’un spectacle de cirque que j’ai réalisée avec Serge Fiori, ex-leader d’Harmonium, un groupe légendaire de Québec. Il m’a aussi mis sur ce chemin de me fier à l’émotion, au feeling. Il m’a rappelé l’importance de capter un moment, un frisson, un trip plutôt que de chercher la meilleure prise.

Comment cela se traduit-il sur Quand la nuit tombe ?

Ce qui est marrant, c’est que l’album sonne plus électro que les précédents, très carré. Alors que tout a été enregistré sans recourir aux technologies de production et sans métronome. Nous avons tout fait live en studio, en gardant les prises où nous étions encore en train de chercher notre voie dans les morceaux. Je dois admettre que je suis aidé car je travaille avec des musiciens extraordinaires. Je crois que l’album est au bout du compte très vivant et assez audacieux…(il se reprend) Bon, à vrai dire j’écoute tellement de musique fuckée que j’ai du mal à dire audacieux. Disons libre ! J’aime beaucoup la pop et la chanson et j’ai toujours besoin de faire des chansons simples, de garder un fil rouge, sinon j’ai l’impression qu’on perd son temps.

Qu’est-ce qui était le plus difficile dans la création à ce moment de ta carrière ?

Le plus difficile c’est justement de réussir à trouver cet éclair de simplicité, de naïveté. De trouver une chanson simple, avec une jolie mélodie qui rayonne, mais qui va réussir à rassembler le plus de gens possible. Parfois, les chansons arrivent comme un coup de foudre. Je m’installe au piano et j’ai l’idée complète : la mélodie, les mots… Je dois dire qu’il y en a pas mal sur cet album, comme « J’ai monté » par exemple.

Tu travailles aussi en produisant pour d’autres. Quel aspect préfères-tu de ton travail désormais ?

En réalité, je suis tellement passionné de musique que j’aime toutes les sphères de mon métier. Mais je pense que l’idée d’être happé par une idée de chanson, c’est vraiment ce qui me fait le plus vibrer. Avec la musique, on jongle avec l’invisible. Quelque chose, qui n’existait pas, existe soudain. Ce que j’adore aussi, c’est le dialogue musical entre musiciens. On est souvent dans des pièces différentes, avec des casques, mais on se parle à travers la musique. C’est magique.

La musique francophone québécoise est très riche actuellement. Quels sont les artistes québécois à ne pas rater selon toi ?

C’est vrai qu’on a une bonne scène en ce moment, dans une veine folk mélancolique, avec une musique un peu éclatée. C’est peut-être dû à notre ADN hybride, attaché à la fois à la chanson française mais aussi à l’americana et au rock. Parmi les artistes actuels, tu peux écouter Hubert Lenoir, Klô Pelgag, Marie-Pierre Arthur, Safia Nolin, Philippe Brach qui est un fou furieux de chez nous… Ou encore Les Louanges qui fait des chansons super funky. Mais nous avons aussi beaucoup de musique electro et pop commerciale / TV. Aujourd’hui, tout le monde a envie de faire la musique que tu entends sur Tik Tok. De mon côté, ce qui me rend zen c’est que j’arrive avec un disque qui sonne comme rien mais qui peut se glisser au milieu de chansons trap.

Crédits photos : Maude  Chauvin

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