Cette rubrique est aussi vieille que Sourdoreille. Pourtant, comme les artistes qu’on souhaite ici défendre, on l’avait oubliée. Et puis on a rouvert les cartons et on a décidé de remettre au centre du jeu ceux qui ont quitté la scène médiatique et qui ne squattent plus les fils d’actualité Facebook. Certains ne les ont même jamais connus. À notre façon, on tente de leur rendre justice. Ce mois-ci, place est faite à Silverchair.
Aimer Silverchair n’était-il qu’un rêve d’adolescent ? Au fur et à mesure qu’on construit une culture musicale, la question se pose de plus en plus explicitement : a-t-on toujours eu les idées claires ? Quelle est la part du vrai et du faux quand on estime tour à tour un groupe comme surcoté, sous-coté, unique, fade, copieur, inspiré ? On sait, au fond de nous, qu’on n’aura peut-être jamais réponse à ces interrogations, sans savoir si le plaisir d’avoir aimé à ce point ces trois Australiens était coupable ou non. Et si Marie, Alain, Morgane, Florent et les autres, tous ces amours de jeunesse, qui ont tant pourri nos jours et agité nos nuits collégiennes et lycéennes, étaient finalement moches, et pas si intéressants que ça, après tout ? C’est possible.
On pourrait s’en tenir à ça. Sauf qu’enfermer Silverchair dans cette caricature nous gène. Oui, on a aimé ce groupe. On n’a même jamais cessé de l’aimer. Non, Daniel Johns ne se résume pas au simple ersatz d’un Kurt Kobain qu’il a, certes, un jour été. Il lui doit évidemment beaucoup, mais comme tout adolescent qui a besoin d’une idole pour l’aider à exister. Mais l’adolescent s’est mué en artiste. Et l’artiste est ensuite devenu adulte.
Bien sûr, il y a eu ce premier album Frogstomp (composé à l’âge de 15 ans) dont les ventes ont dépassé les deux millions d’exemplaires (du jamais-vu au pays depuis INXS, si l’on considère que AC/DC est hors-concours), mais dont les textes ressemblent à ceux d’un élève de 5ème qui prend conscience de l’immensité du monde, de sa complexité, pour en faire une synthèse indigente et démago. Il y a eu aussi Freak Show, deuxième album autocentré sur les tourments de son chanteur leader en pleine séance publique de contrition (notamment après que deux jeunes auteurs d’une tuerie justifièrent leur acte par le déclic de l’écoute d’ « Israel’s son »). Mais il y a eu ensuite, et surtout, ce formidable Neon Ballroom. Il y a donc eu cette flamme qui ne s’est pas subitement allumée à l’aube de ce troisième album. C’était bel et bien un retour de flamme, qui était née lors de morceaux comme « Tomorrow », « Shade », « Cemetery » ou « The Closing », des chansons comme autant de signes qu’on était en face d’un songwriter à part, qui atteint alors son sommet en 1999.
À l’époque, la presse est emmerdée. Saurait-elle être aussi courageuse que le disque qui se trouvait devant elle ? Allait-elle plaquer à nouveau ces vieux schémas qu’elle s’était construite autour du groupe ? Jamais pourtant Daniel Johns, Ben Gillies et Chris Jouanou n’étaient allés aussi loin dans leurs ambitions et intentions. Avec ses arrangements et ces structures en trompe-l’œil, plusieurs écoutes au casque s’imposent, suprême affront pour le plus fainéant des journalistes musicaux. Voilà pour la forme. Sur le fond, difficile de se mettre plus à nu que ne l’a fait Daniel Johns sur l’intégralité de Neon Ballroom : anorexie, agoraphobie, troubles psy en tous genres, etc.
Silverchair n’a jamais été aussi inspiré que sur ces douze titres, et ne ne le sera hélas plus ensuite, selon nous. Pourtant, un certain Christophe Conte, cofondateur des Inrocks, prendra sa plume à la sortie de Diorama en 2002. Il illustre alors à merveille la schizophrénie journalistique qui fait de Silverchair un cas d’école : « Il va sans dire qu’on n’a jamais trouvé la moindre circonstance atténuante à ce trio de mouflets australopithèques, pauvre déjection grunge entrevue dans le ciel de traîne qui a suivi l’orage Nirvana. Si nos souvenirs sont exacts, leurs trois premiers albums ne contenaient pas l’embryon d’une chanson potable, alors que ce Diorama débute par un authentique bijou, Across the Night, longue fresque étincelante de près de six minutes que l’on croirait esquissée par les Zombies ». Conte évoque même la « métamorphose de cloportes en cigales argentées ? ». Bah voyons.
En 2016, Silverchair ne fait plus débat. Tout simplement parce que tout le monde s’en fout. Jamais référencé dans une bio d’artiste, jamais cité en interview. Dur. Officiellement, ses membres refusent de parler de split depuis Young Modern, leur dernier album paru en 2007, mais bien de « pause à durée indéterminée ». L’an passé, Daniel Johns a osé un disque solo dans une veine radicalement opposée, nommé Talk, et qu’on n’osera à peine qualifier, car seule notre conscience professionnelle aura permis une écoute intégrale. Reste ces chansons, parues entre 1995 et 1999, qui nous collent encore à la peau, comme le témoignage d’un artiste inconstant, mais terriblement doué et attachant.
Merci pour cet article ! Je partage votre point de vue. Et j’ai pas oublié Silverchair !
Je n’ai pas oublié Silverchair !
Merci pour cet article. Je prépare une petite émission pour la radio locale à Aix sur Silverchair, ces infos sont claires. Merci encore
Silverchair est un groupe culte, un des meilleurs que l’Australie nous ai donné. Le trio a su se renouveler après la courte période grunge correspondant à leurs 2 premiers albums. Il a je crois, été sous côté et aujourd’hui avec le recul, on se rend compte que Silverchair a marqué toute une génération, aujourd’hui quadra. Enfin personnellement j’ai trouvé l’album solo de Johns, plutôt bon. J’espère pouvoir un jour les voir sur scène, pour une tournée réunion où un nouvel album qui sait?….
Fan depuis la première heure de ce groupe de surdoué, j’ai été embarqué par leur univers dès les premières notes de leur premier album! (et pourtant déjà baigné et fanatisé par le son de kurt cobain!)…j’ai aujourd’hui 40ans et je les aime toujours autant! j’aime tous leurs titres car ils ont eu l’intelligence de grandir avec leur musique. ils feront à jamais partie de ma discographie! et je pense même que je les entendrai encore resoné dans l’âtre d’une église le jour ou je serai seul entre quatre planche…ils feront à jamais partie de ma vie! Merci Silverchair!
Nous sommes je crois, quelques centaines en France à ne pas les avoir oubliés et à rêver d’une reformation ne serait ce que pour une tournée. ?
Merci !!!! Certains heureusement n’ont pas oublié Silverchair
Merci pour cet article : vous m’avez non-seulement rafraichi la mémoire mais je partage également ce que vous pensez de Silverchair (épisode du solo de Daniel inclus)