Trois parcours, trois influences, trois caractères réunis autour d’un projet inclassable. Quatre ans ont passé depuis la sortie de leur premier album chez Infiné. Le deuxième volet de l’histoire d’Aufgang s’appelle « Istiklaliya » et sera définitivement plus live. Nouvelle configuration sur scène, les pianistes jouent debout, il y a plein de synthés et la batterie accompagne la machine. Plus qu’une musique, les membres d’Aufgang défendent des démarches sensibles, un certain goût d’associer la tradition et la création et une certaine idée de l’humanisme. Ils seront au Trabendo le 16 avril, et on vous a gardé quelques places au chaud.
Pour commencer, jouons à « présente ton voisin ».
Aymeric : Rami Khalifé, 33,33 % d’Aufgang. Il est pianiste, compositeur, fils d’un grand compositeur, Marcel Khalifé, et frère de l’artiste Bachar Mar Khalifé. Il a étudié au Conservatoire de Boulogne où nous nous sommes rencontrés et à la Julliard School à New-York où il a croisé la route de Francesco. C’est quelqu’un de délicieux.
Rami : Francesco Tristano, né au Luxembourg et vit à Barcelone. Il est pianiste, compositeur et a travaillé sur des projets en solo, en duo avec moi, avec orchestre. Son dernier projet est « Long Walk » sorti sur Deutsche Grammophon, fin 2012. Il est très versatile.
Francesco : Aymeric Westrich, né à Nanterre, d’origine chilienne et bretonne, aussi 33,33 % d’Aufgang. Il tient la baraque dans le sens rythmique et humain – c’est lui qui sort les vannes. Il est initié à la musique très tôt, au jazz, au hip-hop, il a fait des productions pour Kery James mais il a aussi joué à l’orchestre classique du conservatoire de Boulogne. Son dernier grand amour est l’art du sampling et son usage de la MPC. Il a aussi accompagné Cassius et Phoenix pendant leurs tournées.
Et Aufgang ?
Francesco : On s’est rencontré pour la première fois ensemble à New-York en 2000 et Aufgang est né en 2005 au festival Sonar à Barcelone.
Quelle est la configuration scénique d’Aufgang aujourd’hui ?
Aymeric : Sur scène, on a deux pianos, une batterie et quatre ou cinq synthés. Les pianos sont surélevés pour que mes deux compères jouent debout. Cela donne une dimension plus rock, plus énergique au live. Nous contrôlons totalement nos structures rythmiques et mélodiques : pas de boucles, on s’en occupe. Le groove est le même sur le disque qu’en live. Même groove, même ambiance, mais avec des structures que l’on peut étirer ou raccourcir en temps réel.
Rami : Entre nous, les rôles ne sont pas totalement définis. On alterne pour la basse, la mélodie. Il n’y a pas de recette systémique. Après, chacun son caractère. Francesco, c’est l’expert des basses, moi plus des mélodies. Chacun a ses moment de groove en tout cas.
« Istiklaliya » est donc un album fait pour le live ?
Aymeric : C’est un album fait en live.
C’est ce qui tranche vraiment avec le premier album « Aufgang » ?
Rami : Oui, il y a l’ajout des synthés mais surtout la batterie qui prend une place aussi importante que les machines. Tous les rythmes sont joués par Aymeric. Il y a aussi un apport de voix et de chant qu’il n’y avait pas avant. Aufgang a une approche plus organique de la scène et de l’enregistrement.
On ne peut pas limiter Aufgang à un projet hybride classique-techno. Votre imagerie et votre musique essaient-elles d’aller au delà de cette idée ?
Francesco : A la base, on peut dire qu’on fait de la musique électronique mais on la joue en acoustique donc on n’est pas du tout dans l’esthétique du « full minimal » noir et blanc… Non, il y a tout le bagage classique et pour certains, même romantique. C’est aussi un truc que l’on retrouve dans le blason. Peut-être que l’on aime bien la notion de rétro-futurisme.
Aymeric : Bien sûr qu’on aime bien.
Francesco : Il n’y a pas de rupture entre la tradition et la création, c’est à dire que l’un se nourrit constamment de l’autre. On n’écoute pas les musiques anciennes de la même façon qu’après avoir écouté John Cage, qui a remis à plat toute l’histoire de la musique. Si l’on retourne en arrière, les chants grégoriens et les musiques baroques était très minimalistes et répétitives. La musique classique, elle, nécessite beaucoup d’ornementations, beaucoup d’envolées et encore plus dans le romantisme. Le vingtième siècle, lui, refait appel aux musiques baroques et pré-baroques. Dans l’esprit, je ne pense pas que Terry Riley voulait exprimer la même chose que Carl Craig mais peut-être dans la démarche. La musique d’Aufgang est notre meilleure description, au delà de ce qu’on peut raconter et au delà des images comme le blason. C’était sympa de développer ce coeur sur la main, c’est notre côté humain. L’humain est au centre d’Aufgang. Au final, c’est bien trois hommes qui jouent pour un public.
Aymeric : Pour le blason, on s’est inspiré des armoiries de la famille de Francesco. On était parti sur un griffon très violent qui crachait du feu mais Rami a vite tiré la sonnette d’alarme. Et il avait raison parce que c’était pas nous. L’actuel nous représente bien plus, il y en a marre des symboles agressifs, tout est agressif aujourd’hui, la télévision est agressive, tout. Nous on ne l’est pas. Nous faisons la différence entre l’énergie et l’agressivité. Le coeur sur la main, c’est peut-être un peu bateau mais ça nous ressemble bien plus qu’un griffon cracheur de feu.
Vous avez dû écouter l’album de Bachar Mar Khalifé ? Est-ce une musique qui vous parle ?
Rami : Oui, on est sur le même label donc il y a des choses qui se ressemblent. Il n’y a rien d’étranger à écouter mon frère et à écouter Aufgang.
Aymeric : C’est d’ailleurs un grand supporter d’Aufgang.
Rami : C’est une histoire de famille, moi aussi je suis son plus grand fan. Il a même repris un de mes morceaux sur son dernier album. Là, on part en tournée avec notre père en Tunisie, j’ai hâte, même si c’est un pays à hauts risques.
Un mot sur Infiné ?
Aymeric : En 2005, quand on a fait le Sonar, Infiné n’existait pas et s’est construit un peu en même temps qu’Aufgang. Après, on a grandi de notre côté. Son slogan, c’est « Easy music for the hard to please » : une musique facile à écouter pour des gens difficiles à complaire.
Rami : C’est un label entre les deux. Il n’y a pas de projet commercial à Infiné, juste un attrait plus commercial qu’un mec qui joue du Xenakis ou du Mozart.
Il y a des artistes justement en ce moment à Infiné que vous…
Aymeric : … Bachar Mar Khalifé, c’est le meilleur artiste d’Infiné. Après, les univers de Rone et d’Arandel me parlent beaucoup. Oh, et Cubenx aussi.
Francesco : Bachar Mar Khalifé, Arandel et j’aime bien les productions de Clara Moto aussi.
Rami : Tu connais ma réponse…
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