Brain is the new sexy. Têtes pleines de livres qu’ils n’ont pas juste achetés mais également lus et corps n’ayant pas vu l’ombre d’un jogging depuis 1989, les cinq membres de Feu! Chatterton construisent depuis deux albums, dont le dernier en date « L’Oiseleur » sorti le 9 mars, une œuvre littéraire et charnelle à la fois. Plutôt qu’un SMS, j’ai dégainé la lettre d’amour.
J’avais écouté « La Malinche ». Beaucoup. 15 fois, 20 fois par jour. Ce « hooo oui », il m’obsédait. Sache-le, Arthur, toi et moi on l’a chanté ensemble jusqu’à l’extinction de voix. Et puis, comme souvent après l’obsession, était venue l’abstinence. Comment, pourquoi, je ne m’en souviens pas. Pernicieusement, sans doute. Dans mon dos, définitivement. Parfois, on est sans pitié. On passe à autre chose. On ne se retourne pas.
Vous êtes revenus tous les cinq gratter à ma porte. Tentateurs que vous êtes. Au début, j’ai été forte. De marbre devant vos moustaches enjôleuses. J’ai regardé droit devant moi. Pourquoi ? Là encore, je ne me comprenais pas moi-même. Résister, refuser. Ne pas être mainstream, critiquer ce qui est encensé, brûler ses idoles. Fatiguant. Pas utile. Entendre, lire, boire, accepter, admettre, prendre, oui.
Alors, je vous ai redonné mon double de clés. Et l’histoire s’est répétée, d’un bout à l’autre. Comme avant, je me suis un peu méfiée, quand même. Parce que vous avez l’air tout droit sortis d’un Feydeau, parce qu’à vous seuls vous pouvez relancer le marché du dictionnaire, j’ai pensé : posture ? attitude ? prétention ? écran de fumée ? J’ai pensé à ces simples mortels que vous alliez peut-être laisser sur le bord de la route, sans le mode d’emploi, sans la traduction. Et aussi parce que j’ai cherché la définition d’ « oiseleur » et que je suis tombée sur : « personne qui prend les petits oiseaux avec des filets ou des pièges ». Mon cœur anti-spéciste a loupé quelques battements. J’hésitais, donc. C’est agréable de se tourner autour. Je me sentais un peu comme un oiseau de proie. Vengeance. Mais les meilleures choses, paraît-il, ayant une fin, j’ai engagé le contact.
Ce fut délicieux.
Un peu casse-gueule, un peu déroutant. Ta voix, Arthur, elle s’en fout. Elle vit sa vie. Elle traîne, elle flâne, elle accélère, elle ralentit. Elle ne suit pas les règles. Je ne sais pas toujours de quoi elle parle, il faut que j’y revienne plusieurs fois. C’est pas ma vie, c’est pas chez moi. Avec toi, il faut toujours bouger, partir, revenir, on dirait que tu ne connais que là où l’on n’est pas, là où l’on ira. Et que tu ne veux y aller qu’en Orient Express, qu’en vieux coucou. Définitivement pas en RER. Du panache, que diable ! Je signe.
Vous n’êtes pas faits pour être consommés, je crois. A l’emballage plastique d’un CD je préfère vous libérer de l’étui cartonné d’un vinyle. Je vous souhaite des Zénith, des foules, des triomphes, mais je vous fantasme dans des églises, dans les cours des châteaux-forts. En transe, en good ou en bad trip, en état second.
Il est long, ce disque. Plus d’une heure. A une époque où tout est fast, quick, insta. Moi la première, je m’en plains, mais si je suis vraiment honnête, je m’y suis habituée aussi. Alors ça me bouscule. Tant pis, tant mieux. Au revoir zone de confort, bonjour joyeux bordel et vrai plaisir. Mais je suis parfois un peu à bout de souffle, car la fièvre, l’abondance, par définition c’est toujours trop, c’est jamais juste un peu.
Feu! Chatterton, je vous aime comme j’aime les concerts de jazz. C’est fiévreux, c’est habité, c’est possédé. Il y a du désespoir et de la joie. Je sais que c’est beau mais je ne sais jamais quand il faut applaudir.
PS : j’ai adoré vous écrire, j’y ai mis tout mon cœur. Mais ce cœur s’est brisé à chaque espace supprimé entre « Feu » et le point d’exclamation. Vous allez trop loin. Je vous le demande. Pourquoi ?
Bel article.
Une petite faute dans le PS : espace, en typo, est un mot féminin, il faut donc écrire « à chaque espace supprimée ».
Comme quoi j’ai bien lu jusqu’au bout :p
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