L’heure des comptes a sonné. Notre équipe a épluché la programmation de 230 festivals français sur la période mars / septembre. Plus de 2 000 groupes se produiront dans ces festivals. Certains plus que d’autres.
Dernière actualisation : 22/04/2015.
Festivals français de mars à septembre (230 festivals)
L’étude complète est téléchargeable via ce lien.
Illustration : Lola Salines
Le gagnant est une surprise puisqu’il s’agit de Massilia Sound System (c’est déjà une surprise d’apprendre que le groupe existe encore). Les Marseillais fêtent ainsi leurs 30 ans de carrière sur 21 festivals. La présence en haut du classement d’un groupe un peu roots et festif n’est en revanche pas étonnant puisque Zebda occupait cette place en 2012 et Tryo en 2013. On peut noter que Massilia n’est programmé sur aucun des 10 plus gros festivals français.
Derrière, les artistes squatteurs sont assez conformes à ce qu’on pouvait attendre, avec notamment Fauve et Shaka Ponk pour compléter le podium, suivis de Salut C’est Cool, Asaf Avidan et Fakear. Le nombre de festivals squattés par les premiers du classement est en revanche sensiblement moins élevé que les années précédentes : Fauve était sur 26 festivals l’an passé, Zebda sur 36 en 2012 !
Pour la petite histoire, trois des Victoires de la Musique 2015 sont présents dans le classement : Christine & the Queens, The Do et Calogero. Tandis que quatre groupes de ce millésime 2015 étaient déjà dans celui de l’an passé : Fauve, Salut c’est cool, Shaka Ponk et Biga Ranx. Shaka Ponk n’ayant manqué qu’une édition des squatteurs depuis quatre ans !
Pour Jean-Jacques Toux, programmateur des Vieilles Charrues, la présence des ces groupes sur de nombreux festivals n’est pas un problème : « Les Charrues, c’est au deux tiers un public du grand ouest, dont une bonne partie du Finistère. Ça ne dérange donc pas ce public que Shaka Ponk passe aussi aux Eurocks ou à Rock en Seine. » Un avis que partagent les tourneurs, acteurs en première ligne pour la programmation des festivals français. Pour Thierry Langlois, directeur d’Uni-T, « un artiste présent sur de nombreux festivals perd de sa valeur marchande, car il devient moins rare. Mais il ne perd pas de son attractivité. Les publics ne se déplacent pas d’un bout à l’autre de la France pour voir un artiste, sauf pour des festivals de niches comme le Hellfest. »
Les Fauve et Shaka Ponk devraient ainsi se croiser une bonne partie de l’été puisqu’ils se retrouveront sur cinq festivals. Aucun festival ne programme les trois groupes du podium, principalement en raison de l’absence de Massilia Sound System des gros festivals.
Une présence sur les festivals visiblement essentielle pour les groupes même si Yann Dernaucourt, tourneur chez Astérios, modère ce constat : « Aujourd’hui les recettes que nous générons en festivals ne sont importantes que sur des artistes dits « têtes d’affiches ». Sur les artistes en milieu de tableau ou émergents, l’opération est tout juste à l’équilibre. Ces festivals sont par contre des accélérateurs de notoriété et permettent à des artistes d’être vus par des publics qui n’auraient pas fait la démarche d’aller voir le projet en dehors du festival. » Son de cloche différent chez son confrère de chez Uni-T : « C’est plus avantageux de remplir des stades ou des Bercy pour un groupe, mais en deçà de ce niveau, ça reste plus intéressant financièrement d’être programmé dans un festival ».
Une chose est sûre : programmer des artistes en festival coûte de plus en plus cher. Les cachets auraient ainsi augmenté en moyenne de 250 % en cinq ans, selon Jean-Jacques Toux. Un phénomène impossible à contrer mais qui poussent les programmateurs à échanger entre eux et à faire des choix complémentaires, comme l’explique le programmateur des Veilles Charrues : « On échange beaucoup avec le Paléo, Dour ou les Eurockéennes. Et on se dit les choses franchement, en entrant dans les détails de nos propositions tarifaires. Car aujourd’hui, certains tourneurs nous demandent de faire une offre, au lieu d’annoncer un cachet comme c’est l’usage. On cherche donc à savoir entre nous qui a proposé combien pour cet artiste, et s’il a accepté. Après, nos échanges dépassent largement ce cadre. On est pour beaucoup devenus amis, on va à des festivals ensemble, notamment les festivals de découvertes type Eurosonic… On écoute et on s’échange nos coups de cœurs. »
A noter que le nouveau festival de Spiderland à Angoulême est le seul à programmer 4 des 6 premiers squatteurs de l’année (Fauve, Shaka Ponk, Salut C’est Cool et Fakear). Mais il n’est pas le festival le plus squatté en proportion (cf ci-dessous). Et comme les éditions précédentes, les festivals comptant le plus de squatteurs du top 20 sont le Printemps de Bourges (14 des 20 squatteurs, soit 11% de la prog), les Francofolies (12 des 20 squatteurs, soit 16% de la prog) et les Solidays (12 des 20 squatteurs soit 17% de la prog).
Comme les années précédentes, le top 20 est uniquement constitué d’artistes français (ou francophones). L’explosion des cachets se ressent surtout sur les artistes internationaux : de nouveaux festivals portés par de grosses machines voient le jour un peu partout en Europe et aux USA. C’est ainsi que le public des Eurocks est passé à quelques dollars de voir Kendrick Lamar, comme nous l’explique Jean-Paul Roland, le directeur du festival : « On avait fait une proposition initialement acceptée mais l’artiste à préféré faire un saut de puce aux USA pour un événement mieux payé. En plus, cette année, il n’y a pas d’énormes têtes d’affiches françaises comme Detroit ou Stromae. Quand tu sais qu’Arctic Monkeys coûte quatre fois plus cher que Detroit qui ramènera pourtant plus de monde… Et puis il faut aussi comprendre qu’en France, il y a un problème de visibilité des musiques actuelles dans les médias, notamment la télévision. Les têtes affiches des Eurocks ne passent ainsi quasiment pas sur les principales chaînes françaises. En Angleterre, La Roux ou Florence + The Machine passent régulièrement. Ça change la donne. »
Pour un festival comme les Vieilles Charrues, qui consacre un tiers de son budget à la programmation, l’explosion des cachets des têtes d’affiches complique la donne, surtout pour un événement quasi non subventionné, où la billetterie et les stands représentent 80 % des recettes. Pour le programmateur du festival, cela tient du casse-tête : « On est conscients de la situation économique actuelle et on tient à ne pas trop augmenter les tarifs. En même temps, on a besoin de très grosses têtes d’affiches pour remplir. Et là où ça devient complexe, c’est que notre équilibre, notre break, est de plus en plus haut. » Un constat que partage Jean-Paul Roland des Eurocks, également co-fondateur de la fédération de festivals De Concert : » Pour de plus en plus de festivals, le point d’équilibre s’approche désormais du soldout ! Alors même s’il y a un vrai attachement du public à un festival, cela ne suffit pas pour arriver à un tel remplissage. Après, à mes yeux, il y a trois étages dans une programmation : les têtes d’affiches internationales (et là, on a une marge de plus en plus réduite), les artistes français du moment (qu’on retrouve principalement dans votre classement des squatteurs) et les artistes émergents. Et cette dernière salve est la plus importante en nombre de groupes. C’est aussi elle qui fait qu’un festival se démarque des autres, qu’il a sa propre identité. Enfin, de plus en plus de festivals comme le Paléo, Dour ou les Eurockéennes proposent des thématiques, des angles de programmation ou des focus particuliers ».
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