Retirée à Strasbourg pour l’écriture de son troisième disque, Anna Calvi en a profité pour explorer son expression du genre et sa sexualité dans une ville inconnue, vierge de toute contrainte. Chronique de son nouveau disque, « Hunter ».
Désir. Désir ni féminin, ni masculin. Désir animal, pur, qui fait voler en éclat les limites du chant. Désir chuchoté jusqu’à l’épuisement – comme essoufflé par une course inlassable, supplication du bout des lèvres. Désir clamé avec aplomb, puis sublimé dans un râle indéfinissable, orgasme sonore, Telecaster saturée à bout de souffle. Versatilité désarmante, dans cet espace des relations humaines où tout n’est que performance, et pourtant nudité de la chair et des sentiments.
« Crawl down, down on my knees, crawling through the trees like an animal
I taste taste taste of the dirt, taste the dirt of us
God I feel the rain rain rain on my back, crawling through the trees like an animal I go »
Un passage vers la lumière pour celle qui, discrètement lesbienne, étire le sujet du désir dans toute sa complexité, depuis son premier disque. Après Anna Calvi (2011), album éponyme en guise d’introduction au monde et One Breath (2013), odyssée romantique très cinématographique, Hunter est un acte politique. Manifeste queer à l’appui, elle y défend la fluidité des catégories de genre, transcendées par la violente beauté des jeux de l’amour et du hasard.
« I’ll be the boy you be the boy until I see a broken mirror in the sun
I’ll be the boy you be the girl I’ll be the girl you be the boy I’ll be the girl (come up to feel it) »
Guitare capiteuse au fond des nuits embrumées, batterie ponctuant la chasse comme un métro infernal vers le sex club, vers la rencontre à l’issue incertaine. Autant prédatrice que chassée par le désir. Peu de mots, beaucoup de cris, de soupirs, d’instants instrumentaux en forme d’explosions cathartiques. « Hunter », cuir et fleurs, néons rouges, accents bowiens du sexe clandestin. “Indies or Paradise”, course effrénée vers la proie, soumission réciproque, abandon à la fulgurance de l’autre. “Wish”, le balancement doux-amer entre extase et attente, appel et consomption. “Swimming Pool”, “Away”, “Eden”, apaisement épisodique, chœurs en volutes confinant au repos, tourmentée, des fins de nuits voluptueuses. Une revendication élégante et intense de la simple liberté d’être soi.
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