L’idée originelle du festival Les Femmes S’en Mêlent ? Celle de célébrer La journée internationale des droits des femmes en musique, avec des interprètes et compositrice féminines. Tout a donc commencé un 8 mars. Aujourd’hui, Stéphane Amiel, son boss, reste aux commandes. Après une courte pause en 2000, le festival est revenu, différent, plus fort pour sa vingtième édition. L’occasion de parler de la cause féministe, de la cause pour les madeleines et de la cause pour les chevaux avec la directrice de galerie Marie Magnier et la musicienne Rebeka Warrior.
Tout part d’un constat alarmant : la musique est dominée par les hommes. Vous en doutiez ? Sans autre festival exclusivement féminin pour exemple, Stéphane Amiel, créateur du rendez-vous musical Les Femmes S’en Mêlent, part de nulle part, du désert complet, et se lance. La prise de position apparaît avant tout dans les choix artistiques. La promotion d’artistes indépendantes, de carrières et parcours étonnants, c’est pour le festival la meilleure manière de militer. La programmation se fait éclectique avec des tempéraments divers, des propos contrastants et des personnalités fortes.
Stéphane Amiel se réjouit pourtant. Depuis la création du festival, il remarque une nette augmentation du nombre d’artistes féminines sur la scène musicale et une meilleure exposition dans les médias. Pour l’occasion, le festival s’est associé pour ses 20 ans à la galerie Filles du Calvaire, créant notamment une exposition 100% féminine et retraçant l’histoire des femmes dans la musique, particulièrement dans le rock à travers le papier glacé. Pour Marie Magnier, à l’origine de cette galerie, le phénomène ne touche pas que la musique : « Il y a de plus en plus de visibilité des plasticiennes même si on ne peut pas parler de « parité » mais on peut noter une présence plus importante des artistes femmes dans les musées ou les galeries. »
Ça n’a l’air de rien, mais c’est déjà un tournant. Pourtant on est loin du compte. Programmée à l’affiche du festival de musique, Julia Lanoë, de son nom de scène Rebeka Warrior, chanteuse de Sexy Sushi et de Mansfield.TYA, l’explique ainsi : « Il y a 51,3% de femmes en France et elles se volatilisent sur les affiches de festivals« . Il suffit de visiter ce site qui s’est attelé à vider les affiches des festivals des artistes masculins pour que l’on se rende mieux compte du peu de place que les femmes y occupent.
Si Rebeka Warrior soutient depuis toujours l’initiative de ce festival (et y traîne tous les ans), on ne peut que s’attrister du principe-même de son existence. On ne peut pas s’étonner si elle, comme les autres artistes femmes, soufflent lorsqu’on lui demande s’il est difficile d’être une femme dans l’industrie du disque. La question première, tout bête, mais si importante : pourquoi ne parle-t-on pas de musique avec les musiciennes plutôt que d’insister sur leur condition de femme ? Les anciennes habitudes et les vieilles idées ont la vie dure.
La lutte féministe n’intervient pas plus qu’une autre lutte dans la carrière de cette musicienne soutenue depuis des années par notre média. Elle se bat « pour les femmes, les homos, les noirs, les hommes, les dauphins, les chevaux, les vieux, les jeunes, les handicapés, les pauvres, les morts, les rats, les abeilles, les fleurs, les arbres, les océans, la poésie, l’art, la paix, l’égalité, les madeleines, les vieilles céramiques. » Tout est un combat. Avec humour, Rebeka tourne, comme prévu au ridicule les questions qu’on lui pose, prenant pour exemple des collègues masculins à qui l’on poserait les mêmes questions. C’est vrai que demander : « Alors Julien Doré, vous avez réussi à vous faire une place dans le paysage musicale actuel, c’était pas trop dur en tant qu’homme ? » ou encore : « Bonjour Phoenix, qu’est ce que ça vous fait d’être un groupe exclusivement composé d’hommes ? C’est revendicatif ? » n’aurait pas grand sens. Elle a raison. Certains journalistes construisent encore leurs interviews sur la qualité et le sens de la musique des hommes tandis qu’ils se focalisent sur des questionnements, de niveau zéro sur l’échelle de l’intérêt, à destination des femmes. Une manière de perpétuer sans le vouloir un décalage absurde.
Les Femmes S’en Mêlent n’a rien d’un repère de féministes, il n’est pas non plus qu’un festival féminin, il est avant tout un festival de fans. Un festival de musique, prônant certes des voix féminines mais mettant surtout en lumière le talent d’écriture et le sens du spectacle. Les artistes comme le public lui restent fidèles car, comme en témoigne son créateur, il est fait de camaraderie, d’entraide et d’un climat « familial » qu’il serait bien dommage de ne jamais vivre.
Les Femmes S’en Mêlent débute ce soir et durera jusqu’au 8 avril. Il se déroule dans toute la France ainsi qu’en Belgique.
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