L’Islande. Ses fjords, ses volcans aux noms imprononçables dont on n’entend guère parler que lorsqu’ils paralysent le trafic aérien, son système politique fantasmé, la carte postale que vous avez reçu de ce couple d’amis que vous jalousez secrètement. Mais si l’on vous demandait de citer un(e) musicien(ne) islandais(e), y parviendriez-vous ? Björk ? Ok, c’était facile. Un(e) deuxième ? Sigur Rós, oui, pas mal. Mais encore ? Mais encore, il y a Bang Gang, curieux et cru nom pour une formation d’indie pop rock tendance dreampop menée par Barði Jóhannsson depuis 1996.
Bang gang, c’est d’abord You, son premier album paru en 1998. Tentation trip hop et flirt avec l’électro, You est un album de rave party tranquille, de club électro branché, un peu agaçant à vrai dire depuis son canapé et résolument créateur de déception pour ceux qui s’attendaient à d’autres albums de la même trempe. Reste « Sleep », piste médiane de l’album qu’on aurait souhaitée Oscar de la meilleure chanson originale pour n’importe quel film représentatif du début des années 2000, Sexe intentions par exemple, en lieu et place du « Colorblind » de Counting Crows.
C’est une question d’humeur et de moment propice. Mais fort heureusement pour les adeptes du gloomy sunday, de la douce mélancolie printanière, pour ceux qui préfèrent dodeliner de la tête plutôt que de la démonter, Something wrong sortait en 2003. Moins électro, plus acoustique, délaissant le trip pour le dream, Bang Gang semblait ainsi trouver son véritable genre musical. Alternant les pistes chantées par diverses voix féminines (dont Nicolette et l’artiste Keren Ann avec qui il collaborera par la suite) avec la sienne, Barði Jóhannsson propose avec Something wrong un album doux et vaporeux, atmosphérique diraient certains, si cet adjectif n’était pas réservé à la seule « Holes » de Mercury Rev.
Pour une première rencontre authentique avec Bang Gang, « Inside », tout en douceur et sensualité, est la chanson la plus appropriée. Jusqu’au point culminant de l’album, « It’s alright », perle minimaliste et litanique (la figure de style préférée de Bang Gang) qui ferait une BO parfaite pour le film de nos amours mortes.
2008, Bang Gang réalise Ghosts from the past, album un brin plus rock et solaire (toutes proportions gardées) que Something wrong, quand bien-même la piste d‘ouverture se nommerait « The world is gray« . Chanson étonnante à vrai dire étant donné son tempo rapide, le caractère apaisé de la voix que contrebalancent les paroles : « The world is gray, you are alone […] you’re searching for the ground ». Ce sont les meilleures chansons disait Daniel Darc. Dans le sublime documentaire Pieces of my life récemment sorti en salles, Daniel faisait remarquer face caméra qu’une bonne chanson triste était une chanson dont on pouvait ôter les paroles pour en faire chanson joyeuse grâce à l’instrumentation. Un peu comme il l’a fait avec « My baby left me« .
Ghosts from the past est empli de ces chansons jamais tout à fait accablantes, toujours lumineuses. Le genre préféré des lunatiques du dimanche qui hésitent toujours entre bruncher et rester sous la couette. Car c’est ça, Bang Gang, la mélancolie nécessaire d’un pays qui jouit de peu de lumière mais qui la conçoit sans peine. La douceur d’une voix et d’une guitare basse en un rythme qui n’avoue jamais son porteur vaincu.
Jusqu’à The Wolves are whispering, 2015, album sombre dont les premières notes rappellent celles de la cold wave. Ce n’est pas comme si on l’ignorait. Bang Gang a toujours eu comme thèmes fétiches l’amour déçu, le deuil, le désespoir d’être seul et la tentation de la mort. Quelques rythmes baladeurs continuent de faire illusion, et cette voix claire et caressante qui murmure plus qu’elle ne chante.
Peut-être qu’il n’y a, au final, que des Black lake en Islande.
« How could you leave me on the ground/ Pulled me up to throw me down/ Pushed me off a cliff/ When I thought you’d help me back to life ».
Comme un écho à « The world is gray » qui ouvrait le précédent album, tels sont, sur la dernière piste de l’album, les derniers mots parvenus de Barði Jóhannsson depuis les bois sombres de son imaginaire poétique.
En espérant que Bang Gang ne soit jamais a ghost from the past.
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