Certains festivals passent leur temps à montrer leurs muscles en laissant penser que leur festival est plus incontournable qu’un autre. En réalité, beaucoup sont dispensables, oubliables, trop occupés qu’ils sont à empiler les têtes d’affiche dans un champ ou sur un parking sans réfléchir à ce qu’ils font. Et puis il y a les autres, ceux qui se construisent patiemment une réputation au fil des années. Les 3 Eléphants, à Laval, est de ceux-là. Et cela fait précisément 20 ans.
L’anniversaire est plutôt fêté en catimini. Claironner les vingt ans de l’événement, ce n’est pas vraiment le style de la maison. Pourtant, le palmarès est là. Deux vies en une : la première était rurale, du côté de Lassay-Les-Châteaux, la seconde est résolument urbaine, au cœur de Laval depuis 2009.
Jeff Foulon, l’historique directeur artistique du festival, a quitté ses fonctions après la fin de la précédente édition et ne soufflera donc pas les bougies. C’est Perrine Delteil qui prend la main. Pour autant, ne vous attendez pas à ce qu’elle renverse la table. Quand on l’interroge là-dessus, le message est limpide : « Je suis arrivée seulement à l’automne et je porte un regard assez admiratif sur le travail mené par Jeff. Je n’étais donc pas dans une logique de rupture. » Pourquoi, en effet, remettre en cause les fondements d’un événement qui a patiemment pris place parmi les plus pertinents de son paysage ? Pourquoi revoir la copie d’un festival dont les fautes de goût sont si rares ? Perrine Delteil avait déjà connu, en tant que spectatrice, l’ancienne vie des 3 Eléphants, lorsqu’il était encore à Lassay-Les-Châteaux, dans sa belle campagne. « J’avais gardé l’image d’un festival qui accordait une importance peu commune à l’accueil du public, à travers notamment la scénographie, nous précise-t-elle. Je n’aurais pas postulé à un festival qui ne me ressemble pas. Celui-là est vraiment à taille humaine, avec une programmation atypique, des découvertes et des têtes d’affiche originales. ».
La bascule urbaine s’est donc opérée en 2009, à la fois pour se reconnecter à la population locale et pour cesser cette absurde course à l’échalote qu’est la surenchère des festivals d’été, qui risquait de mener l’événement mayennais à sa perte. Une envie qui n’est pas pour déplaire aujourd’hui à sa nouvelle programmatrice : « J’aime cette idée des festivals en ville, surtout à Laval où le patrimoine est riche et mis en valeur, notamment avec tout ce qui se passe au Cillage. La proposition Arts de Rue est très qualitative. » Et mémoire de Sourdoreille, elle l’a même toujours été.
Pour la vingtième, toujours pas de ratés sur les gros noms : « Christophe ou Trentemøller sont deux têtes d’affiche haut de gamme, dans la tradition du festival. On ne les retrouve pas partout. Christophe ne joue quasiment jamais en festival, car il n’aime pas ça, notamment en raison du temps de balances qu’il estime trop court. Je suis heureuse qu’il accepte de venir fêter avec nous les 20 ans. Je ne pensais pas le programmer un jour, j’avais encore cette vieille image de Christophe en tête. Mais je l’ai vu en octobre au MaMA. Il a un live rock et électro, avec six musiciens. Et le dernier album est d’une musicalité incroyable. »
Alors bien sûr, l’arrivée de Perrine Delteil amène aussi son lot de sang neuf. Si elle entend s’inscrire dans une continuité, l’ancienne collaboratrice de L’International et du Pan Piper apporte sa pierre hip-hop à l’édifice, en nous rappelant les belles présences cette année à Laval de Coely, Rejjie Snow, Ash Kid et Gracy Hopkins. L’une des têtes d’affiche porte d’ailleurs cette marque : « MHD correspond à l’envie de rajeunir le public et de coller à ce qu’il écoute, pour qu’il s’approprie l’événement. C’est une fête qui doit aussi s’adresser à tous. Et les jeunes écoutent beaucoup de hip-hop. En France, il y a une super scène. » Certaines évidences sont hélas nécessaires à rappeler.
Pour conclure, on ne pouvait pas passer sous silence ses propres coups de projecteur sur la cuvée 2017. Elle nous cite pèle-mêle : Meute, un « brass band venu de Hambourg qui revisite des morceaux techno via des cuivres et des percussions. C’est vraiment incroyable, ce sera un temps fort chaleureux pour clore la soirée du vendredi. » Autre groupe à suivre, Jungle by Night, de l’afro beat venu d’Amsterdam. Et Paradis, qui donne des couleurs électroniques à la chanson française. A noter qu’une carte blanche est donnée à Olivier Depardon, le leader de Virago en écho à la programmation du groupe lors de la première édition.
Vivement ce vendredi 19 mai pour le lancement du festival, qui s’achèvera dimanche.
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