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Len Faki : « La techno n’a pas d’âge limite »

On ne le présente plus à certains, il est peut-être encore un peu obscur pour d’autres, voici Len Faki, roi de l’équarrissage au pays de la techno. Ancien résident du Berghain, il a ensuite monté un petit empire où la tôle vibrante est reine. Dans le peloton de tête des DJs les plus demandés au monde, il a gardé le sens de la brutalité et de la morale dans sa profonde musique de glace. Entretien avec le pape de la pénombre.

Tu mixes depuis plus de quinze ans. Entre les kids d’hier et d’aujourd’hui, y a-t-il une grande différence sur les dancefloors ?

C’est sûr qu’il y a eu du changement. De plusieurs façons je dirais. Déjà, le dancefloor s’est internationalisé, ce qui est super. A l’époque, tu allais dans le club à côté de chez toi et à de rares occasions tu t’envolais ou tu conduisais plus loin. Aujourd’hui, les vacances sont prévues en fonction des événements et des festivals. Les gens prennent des vols pour des villes éloignées juste pour le week-end, pour rendre visite des amis, aller faire la fête. Le monde nous rapproche et nous connecte tous plus facilement.

Ces dernières années, Seth Troxler a donné sa forte opinion sur la scène qu’on appelle EDM, ces événements sponsorisés à trop forte dose et ses DJs marquetés. Quelle est ton opinion dessus ?

Sur d’énormes événements et festivals, il est plutôt habituel et normal d’avoir  de nombreuses scènes avec différents styles. Je ne suis pas sur ces scènes EDM et tu imagines que ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Mais les gens ont des goûts différents en musique, en nourriture, en mode… En tout. Ça me va totalement et sans dire que c’est une bonne chose, n’oublions jamais que nous ne sommes pas tous les mêmes. Ce serait super ennuyeux.

Len_Faki_2Len Faki / Antonio Hant Corallo

Si on prend le problème de l’autre côté, existe-t-il un énorme snobisme de l’underground en matière de techno ?

Ça doit exister mais je ne suis pas vraiment influencé par ça. Personnellement, je fais ma musique, c’est ma passion, mon amour et je suis uniquement concentré là-dessus. Vivre et laisser vivre.

En fait, ces questions te passent complètement au dessus.

Non, pas vraiment. Ça peut être un effet secondaire naturel mais ça n’en a aucun lorsque je produis et je joue de la techno. Je préfère donner de mon temps dans des choses qui sont proches de mon cœur.

Est-ce que ta techno peut – littéralement – casser des murs ? Des fenêtres sinon ?

Il faudrait essayer, en effet. Et ainsi, pourquoi la techno ne deviendrait-elle pas un univers entier, sans barrière ? Moins littéralement, il y a certains moments où la techno casse toutes les frontières, ces moments que tu ne peux pas décrire avec des mots car les mots ont une fin. La musique n’en a pas. Que ce soit en studio ou en club, certains moments magiques et intenses te permettent d’avoir la sensation que les murs se cassent. Je ne parle pas que d’euphorie mais aussi d’une profonde connexion intérieure. La musique peut rassembler les gens les plus différents du monde et les connecter.

Devrait-on faire écouter de la techno à des enfants ?

Eh bien, les enfants écoutent souvent ce que leurs parents écoutent. Si je vivais avec un enfant, il entendrait beaucoup de techno, c’est inévitable. Ça l’influencerait, mais d’une façon naturelle. Beaucoup ont grandi avec la collection jazz de leurs papas par exemple. C’est la même chose, selon les préférences et l’air du temps. La techno n’a pas d’âge limite.

Est-ce que la rumeur de la rue, le bruit blanc des villes a-t-il déjà produit de la techno ? Ou de la dub techno ?

C’est clair ! Je suppose que tout le monde a déjà remarqué que beaucoup de sons du quotidien ont un rythme. Ça m’arrive souvent de mon côté. Ça me donne aussi pas mal d’idées. Je commence une boucle dans ma tête, elle commence à prendre forme, puis mes pensées y ajoutent des petits sons. A un moment, je pars si loin que je ne suis pas sûr si les tonalités existent vraiment ont sont complètement le fruit de mon imagination.

J’ai cru comprendre que tu était un gros fan de randonnée en haute montagne. C’est une vieille passion ou une question de vie ou de mort ? Un DJ est-il obligé de trouver cet air pour survivre en club ?

Je fais beaucoup de rando, c’est vrai. J’ai découvert ça assez tard, mais depuis que je suis tombé dedans, j’essaie de me faire des sessions régulières chaque année. Tout le monde a besoin d’exercice pour aller bien. C’est une bonne contrepartie au voyage et à la vie de nuit. Là haut, l’air est tellement frais et sent les fleurs alpines. C’est silencieux à quelques exceptions, avec l’arrivée des vaches et leurs cloches, bien sûr. C’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour rechargé mes batteries et ressourcer mon esprit.

Avec l’EP Street Dub, tu signes la soixante-dixième sortie de ton label Figure. Tu ne te lasses jamais ?

Pas du tout. A propos de la musique et du temps passé en studio, je ne fatigue jamais. C’est mon vrai amour. Cette année, j’ai eu plus de temps pour produire et j’ai adoré, ça faisait un bail. C’est la même chose avec mon label. Tant de belles choses sont arrivées à Figure jusqu’à aujourd’hui pour les jeunes artistes qu’on défendait. Ça me donne de l’énergie et me garde jeune et frais.

Len_Faki_3Len Faki / Antonio Hant Corallo

On est pas mal fans de Roman Poncet que tu as signé sur Figure. Quelle est sa touche particulière ?

Roman est un super producteur et un bon DJ qui a son propre style, dans toute sa diversité. Pour moi, c’est l’un des artistes français les plus intéressants du moment. J’ai découvert sa musique pour la première fois il y a des années et immédiatement j’ai eu le sentiment qu’il était quelqu’un de spécial – voire plus. Je suis content de voir son bon développement  ces dernières années. J’aime son style moderne et rafraîchissant et son vrai sens pour la musique.

Quel morceau devrait être intouchable ? Personne ne devrait jamais le reprendre ni le remixer.

Laurent Garnier – Crispy Bacon

Crédit photo de couverture : Antonio Hant Corallo
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