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Le Prince Miiaou, victoire de la musique

Au départ, même avec toute l’affection (immense) qu’on a pour elle, on a écouté « Victoire », le nouvel album du Prince Miiaou, avec l’appréhension de ceux qui craignent l’effet de mode du « virage électro ». Mais avec le Prince Miiaou, rien de tout ça. Elle est juste sortie, tout bêtement et une fois encore, de sa zone de confort, et est de retour avec un panache dont on n’aurait pas dû douter une seconde.

Maud-Elisa Mandeau, la femme qui se cache derrière les moustaches du Prince Miiaou, est une personne surprenante. Multiple. Complexe. Telle un oignon, elle est une superposition de couches qui font pleurer, tantôt d’émotion, tantôt de rire. Le contraste entre ses chansons, assez loin de la grosse rigolade, et le récit hilarant de la préparation de son clip qu’elle déroule sur son site officiel est, à titre d’exemple, saisissant. Pour autant, pas d’incohérence chez cette fille-là. Pas de jeu, de posture, de chaud-froid qui pique, d’impression désagréable de se faire manipuler. Simplement la démonstration, imparable, que personne n’est d’un bloc, que nos humeurs se succèdent et s’entrechoquent, qu’un instant nous ne sommes que tension, brutalité, concentration, et le suivant légèreté, insouciance, joie, mais qu’au fond, c’est toujours nous.

Depuis 2007 qu’on se tourne autour, on croyait commencer à pas mal connaître le Prince Miiaou, et patatras, la revoilà donc en 2018 en électron électro. Potentiellement, ça sentait bon la galère et la faute de goût. Que nenni. Là où d’autres se perdent en route, elle continue de se trouver. De s’auto-explorer. Parce qu’elle grandit, qu’elle vieillit, qu’elle change, alors son travail aussi. Cette fois, son inspiration et sa créativité l’ont emmenée là, au pays du synthétique et des prises de courant, la prochaine fois ce sera ailleurs, peut-être, sûrement, mais on parie que le résultat ne sera jamais qu’elle.

Dans « Victoire », Maud-Elisa, armée de ses petites griffes félines et de ses gênes de songwriteuse, continue de farfouiller à la recherche de ce quelque chose d’autre, ce quelque chose en plus. Elle ne se cache derrière rien, elle affronte ses peurs, elle leur fait leur fête. Pour en sortir, donc, victorieuse.

A celles et ceux qui s’inquiètent et regrettent déjà les textes subtils, les arrangements délicats et d’une manière générale toute la finesse princière, on dit stop. Pas de panique. Son envie d’électro, elle l’a utilisé, modelé pour que ça rentre dans ses cases à elle. Pas le contraire. Evidemment, parvenir à insuffler dans ce type d’aventures de l’organique, oserait-on dire de l’humain, est toujours un défi. De certaines tentatives, on préférerait ne pas se souvenir. Mais parfois, ça marche. Parfois les machines, pour peu qu’on leur demande gentiment, se font le vecteur d’une âme, d’un corps, d’un souffle. Elles réchauffent au lieu d’isoler. Depeche Mode l’a compris il y a un siècle. St Vincent n’en a fait qu’une bouchée. Le Prince Miiaou, elle aussi, a tout pigé.

Dans cet album, qui raconte un combat, qui est une course, on trouve surtout le vivant dans sa voix sur le fil, incarnée, cette voix qui sur « Steadfast » va jusqu’à nous rappeler, un peu, le « Container » de Fiona Apple. Et si « Victoire » et « Summerlover » sonnent malgré tout très club, elles gardent un sens, dans leur construction, dans leur durée, dans la litanie de leurs refrains. Elles disent l’endurance, la persévérance, et cette victoire, de longue haleine, à l’arrivée.

Qu’elle chaloupe dans un calme confinant parfois au recueillement ou qu’elle explose en tempête, en frénésie, en transe, le Prince Miiaou ne fait, finalement, que de la musique. Point. Différente mais pareille. Un support comme un autre pour faire ressentir et se faire entendre. Sans faire de bruit, et peut-être sans le faire complètement exprès, le Prince Miiaou est en train de construire une œuvre. Un tout. Un auto-portrait en couleurs, en ombres, en relief. Qu’on écoutera dans quelques années en se disant « ha oui tiens, ça c’est tout à fait elle », « et là aussi, oui, ça lui ressemble ». En se disant « oui », quoi.

Crédit photo : Boris Barthes
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