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Le Goat Club, des concerts en confinement à Tours

Déconfiner la musique, retourner voir un concert. Une idée qui ferait saliver un bon nombre d’entre nous. Si l’annonce de la réouverture des salles au 19 mai prochain nous permet de commencer à entrevoir le début du bout du tunnel, certains n’ont pas attendu cette date pour rebrancher les amplis. Depuis quelques semaines, un mystérieux site a fait irruption sur internet : le « Goat Club ». Une plateforme qui permet de faciliter l’organisation de concerts privés et qui revendique 150 concerts au compteur en l’espace d’un mois.

Un samedi ordinaire, quelque part dans Tours. Une petite quarantaine de personnes s’est pressée dans un quartier peu fréquenté de la ville pour écouter de la musique. De la musique live.

Cette scène passerait inaperçue dans le monde d’avant tant elle n’a rien d’original, elle s’est pourtant déroulée le 27 mars 2021 alors que l’interdiction des concerts publics fêtait son triste premier anniversaire. Cet après-midi, c’est Péniche, un groupe de post rock local, qui ouvre le bal et Jessica93 qui joue entre l’heure du goûter et celle du couvre-feu. Sous le bruit des guitares saturées noyées dans la reverb’ du musicien parisien, certains boivent une bière, d’autres discutent, certains portent le masque, d’autres non. Ici globalement, tout le monde se connaît plus ou moins. L’espace qui accueille le concert est grand, il aurait probablement pu recevoir trois ou quatre fois plus de monde si nous n’étions pas en période de pandémie.

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Jessica93 – 27 mars 2021 © Goat Club

Ce concert privé a été rendu possible par le biais d’une plateforme qui est apparue sur internet il y a quelques semaines : Goat Club. Cette sorte d’organisation secrète se présente comme un « comité de résistance culturelle et citoyenne » et propose à travers son site internet, de mettre en relation des groupes et des particuliers souhaitant recevoir un concert chez eux. Comme le rappel cet article de Public Sénat, ces organisations ne sont pas illégales et on ne peut d’ailleurs pas parler de fête clandestine tant l’accent est mis sur la musique. Quand on vient au Goat Club, on vient écouter un concert, pas faire la bamboche. On vient peut-être aussi résister un peu à la résignation générale, selon les termes de leur manifeste.

Le site présente une sorte d’annuaire de groupes (86 inscrits à l’heure où l’on écrit ses lignes), qui ressemble d’ailleurs pas mal au roster (catalogue) d’une boîte de booking : une photo, un lien d’écoute et un formulaire de contact. On y croise des têtes plus ou moins connues et le spectre musical semble plutôt bien balayé : de la pop lo-fi avec Marietta, du rap avec Nivek, de l’électro punk avec Princesse Näpalm, de l’indie rock avec Thé Vanille et même du free jazz, de la musique des Balkans ou du grindcore.

L’autre partie principale de la plateforme est un manifeste qui se décline en treize règles qui définissent et encadrent l’organisation de concerts sous la bannière Goat Club : des jauges limitées et raisonnables, une ouverture au « public » sur invitation, le respect des autres et notamment du voisinage, pas de photo ni de communication et prise en compte des précautions sanitaires qui s’imposent. Le manifeste en question aborde également d’autres points plus militants et parfois clivants sur certains aspects. Il revendique une organisation anticapitaliste, autonome et fonctionnant autour du principe du prix libre. Dans l’idée, ce mode d’organisation n’a rien de nouveau et est déjà en œuvre dans les milieux punk et DIY depuis des dizaines d’années mais le contexte politique, social et sanitaire fait du Goat Club un objet un peu à part.

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© David Snug

« Le Goat Club, une vaine utopie? Le Goat Club considère plutôt que le “monde d’après” est une utopie tant notre gouvernement a déjà tué dans l’œuf toute perspective de reprise un jour des activités culturelles DIY telles que nous les connaissions par le passé. Des dizaines de cafés concerts mythiques ont déjà fermé (Le Void, Le Mondo Bizarro, DIY Café…), des lieux dont des années de lutte avaient permis l’éclosion, des lieux incontournables dans lesquels des groupes alternatifs ne pourront plus se produire… CQFD, le retour au monde d’avant dans le monde d’après n’est donc déjà plus possible ! » Extrait du manifeste.

Naturellement, alors que la troisième vague de Covid-19 frappe l’Europe depuis plusieurs semaines, se pose aussi la question des précautions sanitaires. En d’autres termes : est-ce bien malin d’organiser des concerts en ce moment ? A cette question, la plateforme nous répond qu’il n’y a selon elle « pas davantage de risques dans un de ces clubs éphémères qu’à la Fnac ou dans un métro. »

Rappelons de notre côté que si le risque zéro n’existe pas, ces concerts accueillent généralement une quinzaine de personnes et que l’ambiance n’est pas à la Covid-party. A ce jour, il n’y a pas eu de cluster déclaré dans une salle de spectacle depuis que les mesures sanitaires sont en place, comme le rappelait Antoine Flahault, directeur de l’Institut de Santé Globale à l’Université de Genève dans un article (réservé aux abonnés) pour Télérama en mars dernier. Par ailleurs, les résultats du concert test où 5.000 personnes s’étaient rassemblées fin mars à Barcelone n’ont montré aucun signe de contamination non plus. Le bilan du Goat Club va dans ce sens : sur 150 concerts organisés depuis le lancement de la plateforme, aucun cas de Covid-19 n’a été déclaré.

Nouvel extrait choisi du manifeste : « Ce monde d’après dont tout le monde parle, le Goat Club est à peu près persuadé que c’est à nous seul·e·s d’aller le chercher et que la culture rejaillira tôt ou tard par des biais par lesquels on ne l’attendait plus (dans la rue, chez les gens, de manière accessible, pour tout le monde, tout le temps), et qu’on assistera bientôt à des fêtes de la musique 365 jours par an, avec des bars clandestins citoyens à tous les coins de rue qui prônent, tout comme le Goat Club, la décroissance, l’anticapitalisme… la redécouverte du sens, de la liberté et d’une certaine forme de bonheur. »

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Photo en une : © Goat Club
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