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Le clash du hip-hop, version Bourges

Pour sa première soirée 2010, le Printemps de Bourges avait concocté une soirée hip-hop bien alléchante au 22...

Pour sa première soirée 2010, le Printemps de Bourges avait concocté une soirée hip-hop bien alléchante au 22. Six groupes, dans deux salles qui se touchent. Mais au final, deux ambiances radicalement différentes. Deux genres de hip-hop qui n’ont que peu de choses en commun…

A ma gauche : Alonzo, Sexion d’Assaut et Youssoupha. A ma droite (pour une fois) : Rocé, Casey et Féfé. Sur le papier, rien de choquant. On se dit que le paysage du hip-hop actuel est plutôt bien représenté dans sa diversité. Pas de faute de goût flagrante comme ce fut le cas l’an passé avec Zone Libre en ouverture de Rohff.

Pourtant, très vite, on comprend qu’un gouffre existe entre le 22 Est et le 22 Ouest. Aussi flagrant sur scène que dans la fosse. A l’Est, rien de nouveau : de la machine à « tubes » hip hop. Comme dirait Demis Roussos, ça envoie du lourd. C’est ultra énergique et efficace. Les paroles sont assez classiques : on crie sa fierté pour son quartier (Marseille pour Alonzo, le 94 pour Sexion d’Assaut), on raconte ses galères de boulot. Une petite dose de revendicatif (marre de se faire refouler des boîtes!), mais juste un petit saupoudrage. A l’Est, on ne fait pas dans l’engagement radical. On passe sur Skyrock, et on est chez Live Nation (Sexion d’Assaut).

La salle, elle, sera pleine à craquer pour les trois concerts. Un public très jeune, beaucoup de blacks et de rebeux. Grosse grosse ambiance. Ça chante, ça crie et ça bouge beaucoup.

De l’autre côté du mur, changement d’ambiance. Public clairsemé, plus âgé et nettement moins métissé. Plus de pros également. C’est plus calme. Sur scène, chacun des trois artistes aura défendu, à sa façon, une vision du hip-hop libre et non formaté. Rocé ouvre les hostilités. Avec son phrasé si personnel, il balance ses piques. Les médias et le milieu hip-hop en feront les frais. Il fustige les rappeurs qui se complaisent dans une caricature d’eux mêmes, qui sur-jouent le côté « cité » pour rentrer dans la case qu’attendent d’eux les médias.

Le discours est violent et sans concession. De l’autre côté du mur, Alonzo balance un rap bien moins offensif, bien qu’efficace dans son style. Le public lui, commence à monter sur scène, juste pour danser et chanter (et se montrer un peu aussi). La sécu tente de contenir ce trop plein d’énergie en évitant tout geste pouvant être assimilé à de la provocation. Une dizaine d’ados restent alors assis sur la scène, face au public. La sécu les laisse, à condition de ne pas se lever pendant le concert. Jusqu’ici, tout va bien…

A l’Ouest, Casey prend la relève de Rocé. Cette fille défonce tout sur son passage. Dotée d’une rage et d’une énergie complétement folle, elle crache son venin sur ces rappeurs prêts à tout pour gagner du fric. Étrangement, entre chaque chanson, Casey est détendue et souriante. Le public a beau être clairsemé, elle s’en satisfait. Car cette bête avoue ne pas chercher à plaire au plus grand nombre. D’ailleurs, elle ne cherche tout simplement pas à plaire. Depuis des années, elle trace sa vie en fonction de son idéal, forcément radical et exposé au conflit. Rocé, lui, s’est glissé dans le public, au premier rang, pour apprécier la prestation. La violence de Casey tranche avec la tranquillité du public.

Mais de l’autre côté du mur, Sexion d’Assaut fait monter la sauce et renverse le public, le tout dans un esprit vraiment bon enfant. La dizaine de gamins qui était devant la scène commence a être de plus en plus énervée.

 

 

Les membres de Sexion d’Assaut demandent au public de rester dans un esprit tranquille et de ne pas monter sur scène. Mais en quelques minutes, une trentaine d’entre eux se retrouve sur les planches, en face à face avec la sécu. Concert arrêté, jusqu’à ce que tout le monde descende. Le groupe revient alors sur scène en demandant au public de laisser la sécurité faire son travail. Avec un argument massue : « il ne font que leur travail, c’est leur métier« . 10 minutes après, rebelote. Mais cette fois, ça se bat sur scène entre la sécu et les gamins. Très vite, l’envie de bagarre se répand, jusque dans la fosse…. On se fight sans trop savoir pourquoi.

Il est temps de repasser le mur du son pour terminer la soirée à l’Ouest. C’est Féfé qui s’y colle. L’ambiance est bien évidemment plus calme. Dans le public, mais aussi sur scène. L’ancien du Saïan ne fait pas dans le hip-hop violent d’un Casey ou d’un Rocé. C’est gentil, c’est frais et ça s’écoute sans trop de difficulté.

Mais, à sa façon, Féfé est également en rupture avec le courant « mainstream » du hip hop. Non pas dans ses textes ou dans son engagement politique, mais dans sa façon d’appréhender la musique. Il revendique aimer la pop et le folk. Il refuse d’être catalogué dans un style et s’amuse à se voir programmé un soir sur un plateau hip-hop, l’autre soir en compagnie d’Alain Souchon (Francofolies). Son concert débute dans une salle au trois quart vide et très silencieuse. Mais Féfé aura réussi à complétement faire chavirer le 22 Ouest en 45 minutes. A plusieurs reprises, il descend dans la fosse pour danser et chanter avec le public. Un pari risqué vu le bordel de l’Est. Mais un pari réussi quand on voit l’enthousiasme qui régnait durant les dix dernières minutes de cette soirée vraiment pas comme les autres.

Il est minuit, fin des hostilités. Le 22 Est aura accouché d’un hip-hop indolore et inoffensif sur scène, mais d’un sacré bordel dans la salle. Inversement, le 22 Ouest aura vu un déferlement de violence verbale sur scène, des révoltés, des résistants, chacun à leur façon. Le tout, dans une ambiance très feutrée (excepté le final de Féfé). Peut être qu’un jour ce public plein d’énergie, prêt à exploser, rencontrera ces artistes plein de rage. Gageons qu’alors le résultat sera moins folklorique et moins indolore pour tout le monde. Mais dormez tranquille, MTV et Skyrock devraient œuvrer de concert pour empêcher cette rencontre explosive.

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Vincent 16.04.2010

J’ai eu l’occasion de voir IAM au Mans en octobre dernier, une énorme baston s’est déclenchée sur les 5/6 premiers rangs (énorme concert gratuit en plein air)…

Il a fallu le professionnalisme des chanteurs pour que tout s’arrête, la condition d’Akhenaton était : « on se calme, on est tous là pour la même chose, juste pour le bonheur d’être ensembles et pour la musique… Donc vous respirez un grand coup et on reprend quand vous êtes prêts. »

C’est là qu’on se rend compte que ces mecs ont des années de métier derrière eux…

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