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Pour les disques d’or & co, le SNEP décide de ne plus comptabiliser les écoutes gratuites

Il y a deux ans le Syndicat National de l’Édition Phonographique (SNEP) avait modifié ses certifications pour les disques d’or et de platine, en intégrant notamment les écoutes par les outils de streaming. Nous vous avions tout expliqué dans un précédent article. Mais la semaine dernière, ce même syndicat a modifié les règles du jeu, ne prenant plus en compte les écoutes des comptes freemium. Explications pour les newbies.

Depuis plus deux ans à raison d’environ une fois par semaine, Booba poste un screen d’un tweet du SNEP, qui l’informe que lui ou l’un des artistes de son label Tallac Records vient d’obtenir, au choix, un disque d’or, un single d’or, de diamant ou de platine. Une rengaine qui montre combien la réforme de la prise en compte des écoutes en streaming a facilité l’obtention de certifications, tout ça à une époque où l’achat d’albums physiques continue de perdre du terrain.

En ce début mai, ils sont déjà 59 à avoir obtenu un disque d’or, de platine, de double-platine, de triple-platine ou de diamant (dont l’album de Mass Hysteria, Contradiction, qui a obtenu son disque d’or en mars et qui aura donc mis 19 ans et un mois à l’obtenir, félicitation à eux). Avant cette réforme, ils avaient été 79 toute l’année durant. Ce changement permettait donc aux artistes (et aux maisons de disques) d’accéder plus facilement à ces récompenses, mais il s’accommodait surtout à son époque.

Et toi, tu as payé pour ton disque d’or ?

Ainsi, avant le 27 avril 2018, les achats physiques + les achats numériques + les écoutes en streaming des comptes premium et freemium, étaient comptabilisés dans ces chiffres. Avec un calcul assez complexe, évoqué dans l’article précédent, pour établir une « équivalence stream / vente d’albums ». Ce n’est désormais plus le cas. Aujourd’hui, les écoutes en streaming depuis les comptes freemium – vous l’avez compris, ce qui n’ont pas d’abonnement payant sur les plateformes de streaming – ne seront plus comptabilisés dans ces calculs. Et d’ailleurs, ils n’apparaîtront plus dans les tops des ventes proposés chaque semaine par le SNEP.

Cette modification concerne donc les Tops, les disques de certifications et les singles de certifications. Concernant l’obtention d’une certification pour un single, la barre des récompenses a été elle aussi relevée. On passe ainsi de 10 à 15 millions d’équivalents streams pour le single d’or, 20 à 30 millions pour le single de platine et 35 à 50 millions pour le single de diamant. Des chiffres qui ressemblent de plus en plus à de l’abstrait, donc.

Couvrez cette musique urbaine, que je ne saurais voir

On peut se poser la question des raisons qui ont poussé le SNEP à opérer ce soudain virement de bord. Dans son communiqué de presse, le syndicat indique ne vouloir comptabiliser que « la véritable source de valeur générée par la consommation de musique », c’est-à-dire, les écoutes ramenant un véritable revenu aux artistes et par conséquent aux maisons de disques (les écoutes des comptes freemium rapportant moins à ces derniers que les écoutes des comptes premium).

Cependant après ces deux ans d’expérimentation de la précédente méthode, on peut déduire deux autres hypothèses à ce changement : limiter l’impact des « achats de stream » et apporter plus de « variété » dans les Tops.

Achats de stream

Régulièrement, certains artistes (surtout rap) prennent la parole pour parler de prétendus achats d’écoutes afin de gonfler les chiffres de ventes des artistes et ainsi arriver plus vite aux disques de certification. Si on utilise le terme « prétendu », c’est que malgré le fait qu’il s’agisse d’un secret de polichinelle, rien n’a été jusqu’à présent prouvé. Cette méthode n’est certes pas nouvelle, et des rumeurs d’achats d’albums physiques existaient déjà dans les années 90, avant l’arrivée du numérique et des plateformes de streaming. Le fait de couper les écoutes freemium devrait pourtant rendre la tâche plus compliquée pour ceux qui tenteraient de tricher.

Tops

L’autre raison est à prendre au pied de la lettre. En début d’année, on s’était gentiment moqués du Top Album 2017 (avec et sans streaming) publié par Le Parisien, qui consacrait cinq rappeurs parmi les dix plus grosses ventes de l’année. Or, vous en conviendrez, les artistes des musiques urbaines en France ont un public assez jeune, principalement mineur. Nous pouvons donc assez facilement en déduire que ces derniers ne possèdent pas ou peu de carte bleue ne peuvent donc pas se permettre d’avoir un compte premium.

Toute cette frange de la population serait donc ainsi ignorée par les nouveaux classements. Ce devrait donc modifier singulièrement les résultats, et mettre en avant des musiques écoulées en magasins par exemple. On parle de populations plus âgées, qui ont également plus de chance de posséder un compte premium. Et tout cela aurait pour résultante de masquer, une fois de plus, l’un des genres les plus écoutés en France, le rap.

Au-delà de ces hypothèses, cette réforme pose aussi la question du poids et de la légitimité d’une « écoute dite gratuite » comme le soulève Sophian Fanen, journaliste pour Lesjours.fr et auteure du très bon livre Boulevard du stream : du mp3 à Deezer. Une question qui est régulièrement soulevée depuis le début de l’industrie phonographique, des écoutes à la radio, puis avec les cassettes audio, les CD copiés ou gravés, enfin plus régulièrement avec le téléchargement illégal. Cette interrogation sous-entendrait qu’une écoute ayant un impact économique moindre pour les artistes et les maisons de disques aurait une légitimité moindre ? Pas de réponse pour le moment.

Avant de partir, on vous conseille quand même la lecture du livre de Peter Szendy, Ecoute, une histoire de nos oreilles, qui revendique justement ce « droit à l’écoute ».

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