À l’occasion des 25 ans de La Pépinière, un historique du sympathique pole au sein de la SMAC Le Krakatoa devait s’imposer. Située à Mérignac, la salle mythique de l’agglo bordelaise a compris très tôt la pertinence d’un programme adapté aux artistes et leurs besoins. Quelques mots de la part de Guillaume Mangier, en charge du bouzin, vous mettront, nous l’espérons, la puce à l’oreille.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser en regardant les biopics outre-Atlantique, les musiciens ne sont pas tous des artistes maudits en attente de gloire posthume, ou des stars de la publicité. Désolé de casser l’ambiance. Beaucoup d’entre ces artistes ont pourtant besoin, à un moment de leur carrière naissante ou de leur hobby chronophage, d’un coup de pouce bienvenu, voire d’un suivi sur la durée.
Coup de pouce qui peut s’appeler accompagnement. Ce dispositif, qui va notamment de pair avec la vie d’une SMAC comme Le Krakatoa, n’est pas forcément synonyme du cliché 1) salle de répète gratos 2) tremplin Les Inrocks Lab. Non, Guillaume Mangier, responsable de La Pépinière, a une autre idée derrière la tête depuis 1993 : faire de l’accompagnement pour le plus grand nombre, ou plutôt qui s’adapte aux profils les plus variés. Et on entend par là un accompagnement original qui tranche avec celui, fantasmé dans les consciences et par une partie de l’industrie. Grâce à des types comme Guillaume, on peut décemment envisager l’accompagnement de groupes de métal, ou encore une alternative à la course aux tremplins marketés, ainsi que des clés de compréhension du monde dans lequel les groupes veulent baigner ou baignent déjà.
Passons à confesse, et rendons à La Pépinière ce qui appartient à La Pépinière : en 2018, les défricheurs de la musique, ce sont eux. Avant les médias, qui s’annoncent pourtant ainsi à tout va. Alors, à l’occasion des 25 ans d’activisme de La Pépinière, on a ouvert nos guillemets à Guillaume, qui a conseillé et vu pousser les Odezenne et autres JC Satàn – soit les meilleurs groupes bordelais de ces dernières années.
Pour lire Guillaume, c’est juste en-dessous.
Pour aller à la Pépinière Party voir Équipe de Foot + Sahara + Sweat Like An Ape + L’ Envoûtante + THEA, le 3 mars au Krakatoa, c’est ici.
Au commencement
« Le soutien de la scène locale a toujours été dans l’ADN du Krakatoa. Créé en 1989, le Krakatoa a mis en place sa Pépinière dès 1993. Cela en fait le dispositif d’accompagnement porté par une salle le plus ancien le plus ancien de France. Bien entendu les problématiques des groupes dans les années 90 ont évolué. D’une aide très pratique liée à la répétition, la communication à l’époque, la Pépinière est devenue un disposition de soutien à la professionnalisation, avec des critères d’entrée, avec une palette large d’activités. »
Nique sa mère l’insertion ?
« L’idée est d’apporter une aide concrète aux projets mais aussi aux musiciens les clés de compréhension du secteur dans lequel ils veulent se professionnaliser. Il y a 3 axes d’accompagnement :
L’aide à la création : résidence, répétition, workshop de création, stage de formation professionnelle…
L’aide à l’insertion (dans le secteur professionnel) : actions de communication, rencontres avec des pros, ateliers de connaissance du secteur…
L’aide au développement de carrière : conseil, soutien administratif, soutien juridique… »
En manque de :
« Des espaces de création dédiés uniquement aux groupes accompagnés, des espaces qui peuvent permettre des résidences longues de création ou le développement de la formation professionnelle par l’accueil de plus de stages. La Pépinière a aussi besoin (et avoir les moyens de) développer plus de partenariats au national et à l’international pour faciliter l’export des groupes. »
Pépinière got 99 problems ?
« La principale difficulté réside dans la reconnaissance de ce travail de fond et « souterrain » par les partenaires, les politiques publiques, le public en général. La présence d’un artiste sur scène est le fruit d’un long processus complexe, il est parfois difficile de faire reconnaître ce travail d’accompagnement lors de ce parcours. »
Mayday
« Oui je pense que les projets artistiques en général doivent être aidés. Et ils le sont globalement. Un projet musical ici peut trouver beaucoup plus de soutien autour de lui que dans beaucoup de pays. Par contre, derrière ce « devoir » d’aide je n’entends pas quelque chose de systématique : le choix artistique doit être central à mes yeux. Une autre chose est fondamentale, la qualité de relation dans l’accompagnement, la qualité dans cette relation professionnelle. »
Non merci
« Bien entendu certains artistes sont frileux à se faire accompagner. Cela réside, pour moi, dans la qualité de la relation justement, s’il n’y a pas compréhension mutuelle l’accompagnement sera infructueux. De toute manière la qualité d’un accompagnement réside sur l’autonomie et l’engagement du groupe. S’il est frileux, cela ne donnera rien. »
Après l’accompagnement ?
« Les retombées sont difficilement quantifiables de manière objective : on parle là de création et de parcours d’artiste. Il y a évidement les groupes qui ont du « succès » ou dont on parle. Mais je préfère voir cela de manière plus globale. Tous les projets ont des développements différents mais participent tous à la richesse musicale dans notre pays. De plus, derrière un projet, il y a des individus, des musiciens bien sûr mais aussi des professionnels (managers, tourneurs, labels…) et notre accompagnement participe au développement professionnel de tous. »
2018, l’année du chic
« Cette sélection plus resserrée que parles années passées est, pour moi, de très grande qualité et représentative de la richesse de la scène bordelaise. Je regrette néanmoins l’absence de projets électroniques mais le choix du jury de sélection est souverain. Je trouve également que je me retrouve à travailler avec des artistes volontaires et investis. »
1993 > 2018
« Les évolutions sont multiples. Artistiquement, je trouve les propositions plus hybrides, plus métissée entre les différentes esthétiques. Artistiquement toujours, je ressens une vraie volonté des musiciens d’aller voir ailleurs : la musique à l’image, les projets vers d’autres disciplines artistiques. Nous sommes sortis du triptyque répétitif : création / enregistrement / tournée. Les projets sont plus variés, les carrières plus complexes aussi. D’un point de vue plus « business », le secteur s’est particulièrement complexifié, les formes de collaborations avec les professionnels aussi, les sources de revenus se sont atomisées. Cela me conforte dans l’idée que le rôle principal d’un accompagnement comme le mien est d’armer les artistes face à cette complexité. »
Rappel bis : pour aller voir Équipe de Foot + Sahara + Sweat Like An Ape + L’ Envoûtante + THEA, le 3 mars au Krakatoa, c’est ici.
Crédits photo en une : Marc Duvignau
Crédits logo La Pépinière : Studio Hekla
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