Au cinéma, parfois, on va voir un film sans s’attendre à rien. Que le film soit bon, très bon ou plutôt moyen, dès qu’on sort de la séance, on tape : « nom du film BO » avec l’empressement d’une souris face à une fondue savoyarde. En dehors des grands compositeurs, on ne parle pas si souvent des musiques de films qui ont pu nous accompagner et nous faire découvrir de nouveaux artistes. Je souhaite par cet article rendre hommage à cinq expériences cinématographiques uniques qui ont enrichi ma discographie.
Je me suis sentie un peu triste lors d’une interview de Lauryn Hill dans laquelle elle confiait ne plus écouter beaucoup de musique. Si l’on se met à faire de la musique, c’est bien parce que, quelque part, un jour, dans un magasin de jouet ou une soirée a priori ratée, un morceau nous a touché·e·s. Je n’aimais pas l’idée que la création puisse nous rendre insensibles à de nouvelles émotions auditives et nous fasse perdre notre curiosité première. Peut-être que j’extrapole. En tout cas, il y a un lieu où j’aime particulièrement être surprise, musicalement : le cinéma. J’aime découvrir des mélodies grâce à des films, des films grâce à des mélodies, des hits grâce à des clips, des chips grâce à des strings (même si le sujet a déjà été traité).
Les musiques des films que je vous présente dans cet article m’ont touchée assez pour que je mène l’enquête et avec un peu de chance, j’ai fait mon taff de journaliste, vous ne les avez pas déjà tous vus. Et si c’est le cas, ça me ferait bien plaisir qu’on en discute ensemble un jour.
Mutafukaz, de Shōjirō Nishimi et Guillaume « Run » Renard (2017)
Lors d’une interview de Run, un des coréalisateurs de Mutafukaz, j’ai appris que ce film d’animation est tiré de sa bande-dessinée qu’il a mis près de 10 ans à publier. Personne n’en voulait, il n’y avait pas de place pour ce genre de science-fiction dans le monde de l’édition franco-belge. Au final, Run parvient à publier le premier tome en 2006 chez Ankama et, de fil en aiguille, réalise le film avec les voix d’Orelsan & Gringe (investis sur le projet avant de devenir des superstars). Tout m’a retourné le cerveau durant la projection de Mutafukaz au cinéma mais je crois que la musique est quand même ce qui m’a le plus fait sauter de mon siège. Je ne savais plus où j’étais : au cinéma ? Dans un concert de Skrillex ? Chez ma mère ? Une partie de la BO a été composée par Toxic Avenger alias Simon Delacroix, DJ français qui revient sur sa carrière et nous parle de plein de choses trépidantes dans un épisode du super podcast Dans le tempo (oui, j’écoute beaucoup de podcasts).
Yuli, de Icíar Bollaín (2019)
Je bossais au cinéma le Comoedia à Lyon lorsque je suis allée voir ce film. Les employé·e·s avaient accès aux séances gratuitement et ça m’a permis de prendre le risque d’aller voir des films que je n’aurais autrement jamais vus. Yuli est un film sur la danse : un jeune Cubain au talent exceptionnel est forcé par sa famille de faire carrière (alors qu’il n’est pas sûr de vouloir passer sa vie à faire des pointes et des sauts de chats). La musique est un élément crucial dans la danse et le compositeur espagnol Alberto Iglesias a réalisé une musique exceptionnelle pour accompagner cette histoire. Dans une interview, il confie que Debussy et Stravinski sont deux des compositeurs qui l’inspirent le plus. Les images de Yuli demeurent un peu floues dans ma tête mais lorsque j’écoute la BO, l’histoire renaît comme par magie.
Life aquatic with Steve Zissou, de Wes Anderson (2004)
A l’heure où je vous parle, beaucoup de gens connaissent les films de Wes Anderson mais laissez-moi vous raconter l’histoire courte de ma soirée costumée où trois garçons sont arrivés affublés de tee-shirts bleus et de bonnets orange fluo. Personne (à part moi, ça m’est revenu après quelques verres) n’avait la référence. Ok, j’arrête de me vanter.
C’est bien dans ce film que des personnages à bonnets orange prononcent des phrases absurdes en restant sérieux. Pour être honnête, je ne maîtrise pas très bien la BO de ce film mais une scène m’a particulièrement marquée. Il fait nuit, le son du piano monte lentement tandis que les personnages joués par Bill Murray et Owen Wilson discutent. La musique aurait pu rester en fond, mais Wes Anderson décide de lui donner toute sa place lorsque Steve Zissou s’éloigne de la fête pour rejoindre la proue du bateau. Je ne sais plus quel âge j’avais lorsque j’ai vu cette scène, toute seule devant mon ordinateur mais j’ai senti que plus rien ne serait comme avant. Après ce film j’ai découvert David Bowie, j’ai écouté les albums Hunky Dory, Space Oditty, Let’s Dance et ainsi que les superbes reprises portugaises de Seu Jorge, saluées par Bowie lui-même. Je me suis demandée comment j’avais vécu si longtemps en tant que moldue, sans connaître sa musique.
Angus, Thongs and Perfect Snogging, de Gurinder Chadha (2008)
On change de registre et sans transition. J’ai vu ce film lorsque j’étais au collège grâce à mes quelques amies anglaises (film très peu connu en France). Un teen movie comme on les aime (et donc complètement irréaliste). De toute façon, la qualité de l’intrigue n’est pas le sujet de cet article. En le revoyant il y a quelques mois je me suis rappelée que j’avais ensuite ajouté toute la BO sur mon iPod Nano bleu flashy. Notamment la chanson « Pull shapes » des Pipettes qui donne envie de se trémousser (bien qu’on risque l’overdose de violon). Et sinon, petit sondage à main levée : qui se souvient du groupe Razorlight ? Vous connaissez sans doute la chanson « America » si vous êtes né·e avant les années 2000, mais c’est la chanson, un peu moins connue, « Who needs love » qu’on entend dans ce film. Un groupe qui semblait largement s’inspirer des Red Hot Chilli Peppers et qui, somme toute, vaut le détour. Merci les gars.
L’arnaque, par George Roy Hill, 1973
Ici nous avons le cas particulier où la musique était déjà bien connue avant le film, mais je tenais à le mettre dans ma liste aussi car j’ai un petit faible pour l’acteur Paul Newman. Comme beaucoup, j’ai été bluffée par cette scène dans laquelle il fait semblant d’être ivre pour gagner au poker (ça fait partie des stratégies que je garde en tête si un jour je me retrouve en galère). En faisant quelques recherches, j’apprends que l’histoire du film (censée se dérouler en 1936) s’accompagne de la musique du compositeur afro-américain Scott Joplin, disciple du ragtime, un courant musical ayant duré de la fin du 19e siècle aux années 1920. Mort en 1917, Scott Joplin a tout de même profité d’un certain succès au cours de sa vie, il paraît que son œuvre aurait même inspiré un certain Claude Debussy – encore lui. En particulier le fameux morceau « Golliwog’s Cakewalk ».
Voici donc un petit palmarès non exhaustif de musiques découvertes grâce au cinéma. Quel est le vôtre ? Avez-vous déjà découvert des mélodies grâce à des films, des films grâce à des mélodies ? Pour terminer (car il se fait tard), j’ai découvert le hit « Hard Knock life » de Jay-Z grâce à une obscure série allemande regardée sur le site d’Arte (j’en cherche le titre depuis des années, ceci est un appel à l’aide). Diffusée il y a au moins 5 ans, elle se déroulait dans un hôpital et le personnage principal se mettait à danser au son du morceau et des samples de la comédie musicale Annie qui le compose. On se quitte donc en musique et sur un sacré mystère. J’espère vous avoir donné envie de danser au ciné et, pour que ce soit plus pratique, de regarder votre prochain film debout.
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