Après une première soirée inaugurale le 15 septembre (avec M à la baguette), l’Élysée Montmartre ré-ouvre définitivement ses portes à partir du 15 octobre. Paris retrouve ainsi l’une de ses salles légendaires, momentanément fermée suite à un incendie en 2011. Rencontre avec le nouveau gérant du lieu, Julien Labrousse, déjà propriétaire du Trianon voisin.
Comment t’es-tu lancé dans cette aventure de rachat ?
L’envie était là depuis le début. C’était assez naturel puisqu’avec le Trianon, on est collé à l’Élysée. En plus, historiquement, c’est le même lieu. Là où c’était plus compliqué, c’était face à la concurrence. Il y avait beaucoup de monde pour ce rachat. Mais vu qu’il fallait tout reconstruire, pas mal de prétendants se sont finalement désistés. Au final, on a un peu laissé passer la tempête.
Quelle histoire entretenais-tu avec cette salle avant d’en devenir propriétaire ?
Mon meilleur souvenir dans cette salle fut sans conteste le concert de Run DMC. Après, j’ai pas mal de souvenirs de bonnes fêtes que j’ai fait ici. Chacun, en fait, a des souvenirs de ce lieu qui a marqué toute une génération.
As-tu déjà eu des retours des artistes sur la ré-ouverture du lieu ?
Finalement, ce sont les jeunes artistes électro qui semblent le plus attachés à cette salle. On sent qu’ils ont beaucoup fait la fête ici. C’est vraiment leur génération. Pour eux, c’est un lieu qui leur parle beaucoup. Pedro Winter est venu il y a quelques jours. Et il (re)connaissait tous les recoins du lieu tellement il y avait fait de concerts et de soirées.
Quelle fut l’ampleur des travaux ?
Il fallait tout reprendre. On partait quasi d’une feuille blanche, à part pour les façades. On est partis sur une structure métallique du XIXe. On trouvait que c’était l’une des belles époques de l’Élysée, sachant qu’on n’allait pas refaire la structure Eiffel, qui avait brûlé lors de l’incendie. On a opté pour ce choix suite à des recherches assez poussées concernant l’histoire du lieu. Des recherches qui ont même abouti à l’écriture d’un livre qui sortira bientôt. Cela nous a permis de comprendre les étapes importantes du lieu.
Il a fallu également prendre en compte de nouvelles contraintes et normes de diffusion musicale ?
Oui clairement. Et cela a été l’une des difficultés puisqu’on tenait absolument à garder l’esprit de « halle ». Mais le gros problème avec ce type de structures, c’est justement la sonorisation. Donc on a vraiment cherché les solutions techniques pour offrir le meilleur son possible au vu de la configuration de la salle. Après, on a la chance aujourd’hui d’avoir bien plus de possibilités techniques dans ce domaine qu’il y a quelques années.
Que trouvera-t-on, à terme, entre l’Elysée et le Trianon ?
Un hôtel est en cours de construction. Un lieu inédit avec une vingtaine de chambres dédiées au monde de la musique. Il y aura par exemple des endroits pour faire des petites sessions, notamment sur le toit. Ce sera un hôtel bruyant ! Il y aura aussi deux restaurants : celui de l’hôtel et un autre resto à burgers.
Cette nouvelle salle se veut particulièrement modulable.
Oui, elle l’est complètement. L’idée, c’était de faire une scène qui puisse totalement disparaître de façon assez simple et rapide. Pour pouvoir faire des espaces scéniques différents, et notamment retrouver ce qu’était l’Élysée au tout début : avec une scène centrale, voire latérale. L’idée aussi, c’est de pouvoir proposer des événements comme on peut en trouver dans les autres halles, donc plus d’événementiel, de salons. Il y a déjà des défilés et d’autres types d’événements non musicaux de prévus.
Comment juges-tu la situation actuelle des salles parisiennes ?
Avec le Trianon et l’Élysée, clairement, on n’est pas ceux qui devraient souffrir le plus puisqu’on a deux salles récemment rénovées. Avec l’Élysée, il va y avoir l’engouement du début. Et le Trianon se porte vraiment bien. Les salles de concert, c’est comme les hôtels : c’est celui qui se met à la page qui est dans le coup, qui ne souffre pas trop. Maintenant, on va voir. Mais c’est plutôt les salles un peu plus « anciennes » qui pourront rencontrer des difficultés. Sur la question de l’offre de salles que certains pourraient juger trop grande, il n’y a pas non plus 150 nouvelles salles de concert. Il y a le Bataclan qui ré-ouvre, mais avec un contexte très particulier, et pas forcément simple pour eux. Il y a Pleyel mais qui sera plus en concurrence avec l’Olympia. Et sur la jauge qui nous concerne, on peut aussi se dire que pendant plusieurs années, Paris a vécu avec le Trianon, l’Elysée, la Cigale et tous ces autres lieux sans que cela ne pose de problème. Donc, il y a certes eu une période courte avec un peu moins de salles de cette jauge mais pendant des décennies, cela a marché.
Vous n’organiserez pas de soirées club dans ce nouvel Élysée Montmartre ?
Non, en effet. Et c’est une volonté. On pense qu’il y a déjà beaucoup de lieux qui proposent ce type de soirées. Des lieux qui ont déjà du mal à s’installer dans la durée. Ou alors ce sont organisations qui changent régulièrement d’endroits. Une salle de concert doit pouvoir s’installer sur le long terme. Nous, on aurait du mal à trouver notre place si on allait sur ce terrain.
Vous ne vous aventurerez pas sur le chemin de la prog ?
Si on avait une jauge de 400, on pourrait faire de la programmation. Ce n’est pas qu’on a pas envie de programmer, c’est juste que tout ce qu’on peut produire dans une salle aussi grande, c’est déjà chez des tourneurs. On préfère donc rester une marque blanche, où chacun joue son rôle. On est des producteurs de lieux. Moi, mon métier, c’est d’ouvrir et de fabriquer des endroits. Après, je sais ce qu’on a envie de faire ici. Mais je ne vais pas m’improviser tourneur.
Quelle sera l’esthétique de l’Elysée ? Se démarquera-t-elle du Trianon ?
On essaie d’orienter. Mais sur des jauges aussi grandes, c’est un peu idéaliste de penser qu’on a une ligne éditoriale précise. Il y a de tels enjeux économiques que tu peux difficilement dire non. Finalement, si on regarde les salles de jauges allant du Bataclan à l’Olympia, toutes les prog sont assez éclectiques. Il se dégage toujours une petite tendance. A l’Elysée par exemple, on pense que ce sera plus reggae/hiphop/rock que ce qu’il y aura au Trianon. Mais après, il y aura aussi des trucs plus cheesy ou du Christophe Maé. Ce sera forcément un mélange de tout ça.
Avec deux salles aussi grandes qui communiquent entres-elles, l’idée d’un festival a été envisagée ?
On aimerait bien. Maintenant, il faut bien réfléchir et trouver la bonne idée. Mais on va vraiment prendre le temps avant de lancer un tel projet.
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