Si le jazz retrouve un regain d’attractivité chez la nouvelle génération avec les élans psychédéliques et électroniques de Kamasi Washington, Flying Lotus ou Floating Points, le genre s’est longtemps logé dans la tête du public dans la case « genre ronflant » (coucou le reggae). Nous les premiers. Probablement par ignorance, on vous le concède. Petit focus sur Penn Ar Jazz, une asso qui veut prouver que « le jazz, bah c’était pas mieux avant ».
Allez savoir pourquoi, le promoteur brestois de belles idées Penn Ar Jazz, fondé en 1997 avec l’idée qu’on ne parle pas que de rock et de techno tout en haut à gauche de la map française, nous a toujours rendus frileux, sans même qu’on ait jamais vraiment pris le temps d’écouter les artistes que la maison programmait. Moche. Le choix des mots. D’un mot : le jazz. Re-moche.
Sans avoir d’affect particulier aux méandres actuels d’un genre centenaire, lui préférant jusque-là l’évolution de la pop mondialisée avec l’électronique, la chanson avec le psychédélisme ou le hip-hop qui a enfin décidé de dépasser sa nostalgie de Nas et de A Tribe Called Quest, certains signaux annonçaient notre réconciliation. D’abord, via l’électronique. On parlait de Flying Lotus ou Floating Points, c’est aussi le cas du space jazz ou de la ‘cocktail music’ des Badbadnotgood ou du duo Vilod (Max Loderbauer et Ricardo Villalobos). Ensuite, via la musique expérimentale. A de nombreuses reprises, dans quelques troquets plus ou moins bien famés, vous avez la possibilité à Paris bien sûr mais aussi au Mans ou à Brest, de tomber sur des groupes de jazz d’acousticiens, chercheurs et amateurs d’expérimentations qui opèrent la chirurgie sur le jazz, et ce depuis des décennies.
Passé cette digression sur notre actualisation de statut de « C’est compliqué » à « En relation libre » avec le jazz, revenons à Penn Ar Jazz, qu’il ne faudrait pas vraiment catégoriser comme complètement jazzeuse. L’asso basée à Brest oeuvre depuis 1997 dans la promotion de musiques déviantes, bruitistes, ambiantes et à l’orchestration bizarroïde. Drone, musiques expérimentales et voix profondes jalonnent son catalogue raffiné. Où est le jazz là-dedans ? Nulle part, partout. « Héhé, c’est sûr que rien que le mail avec le mot « jazz » dedans, rebute pas mal, en général… T’es pas le seul » nous envoie son chargé de communication Etienne Costes.
Preuve de son ouverture, le 20 avril prochain, Penn Ar Jazz invite l’excellent label Ici d’Ailleurs, basé à Nancy et fondé par Stéphane Grégoire, à La Carène pour trois concerts, qu’il serait bien compliqué de caser quelque part. Le label qui a confié les clés de sa baraque à Yann Tiersen, Chapelier Fou, Gablé, Matt Elliott, EZ3kiel ou Michel Cloup, invitera pour l’occasion Bruit Noir, le projet de Pascal Bouaziz (Mendelson) et Jean-Michel Pires, l’ambient addict Mathias Delplanque qui présente son projet « Drachen » (et l’on se voit déjà entre Nils Frahm et Kangding Ray) et Thomas Belhom et Cédric Thimon (photo de couverture) pour un jazz de déglingués.
On commence par parler du jazz pour finir sur de l’ambient, des musiques orchestrales et du drone, c’est peut-être ça la réconciliation avec du jazz : ne plus l’appeler par son nom. Jusqu’à ce qu’il ne se reconnaisse plus dans la glace.
Concours : on vous invite à cette belle soirée à la Carène, avec Bruit Noir, Mathias Delplanque et Thomas Belhom & Cédric Thimon. Envoyez-nous votre nom et prénom à l’adresse concours@sourdoreille.net avec l’objet « Ici d’ailleurs ». Les gagnants seront prévenus dans deux petits jours. Bonne chance.
Photo : Michael Parque
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